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Henri Eckert, Sylvia Faure, Patrick Cotelette, Thomas Couppié, Les jeunes et l'agencement des sexes

Nolwenn Neveu
Les jeunes et l'agencement des sexes
Henri Eckert, Sylvia Faure (dir.), Les jeunes et l'agencement des sexes, La Dispute, coll. « Le genre du monde », 2007, 245 p., EAN : 9782843031458.
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Texte intégral

1Ce livre nous invite à explorer différentes situations sociales mettant filles et garçons en présence dans les mêmes lieux pour effectuer des activités identiques ou donnant à voir des jeunes se livrant à des pratiques a priori réservées à l'autre sexe. Les auteurs tentent une analyse des processus de la socialisation sexuée et de leurs effets, en tenant compte de l'inscription des clivages de sexe dans des rapports sociaux plus vastes. Au-delà de l'étude des processus de (re)production des clivages de sexes, les auteurs étudient les pratiques qui les réactivent ou les remettent en question.

2S. Faure étudie les effets des politiques publiques qui ont tenté, depuis les années 1980-90, de soutenir et d'encadrer les pratiques artistiques et sportives des jeunes de quartiers populaires. Dans son article « Les dispositions de genre dans la danse hip-hop », elle montre que le travail de légitimation du hip-hop a conduit à redéfinir les identifications sociales et sexuelles dans des pratiques assignées aux jeunesses populaires et revendiquées comme masculines par les pratiquants. Depuis deux décennies, s'est effectuée une redéfinition sociale, spatio-temporelle et sexuelle des lieux d'entraînement et de représentation, des modalités et des pratiques du hip-hop. A l'éthos des acteurs institutionnels et associatifs (temps scolastique organisé, logique chorégraphique), s'oppose l'éthos des pratiquants d'origine populaire (plaisir de l'immédiateté, de la performance). Ces derniers, majoritairement masculins, en viennent alors à regarder le hip-hop de création comme une danse « de fille » et « pour filles ».

3Dans leur article intitulé « Lecture des filles et des garçons : à propos du seigneur des anneaux », C. Détrez, P. Cotelette et C. Pluvinet s'intéressent à la réception, différenciée selon les sexes, de la trilogie des films Le Seigneur des anneaux. L'analyse de la presse adolescente et des entretiens menés avec adolescents montrent que la variable genre, mais aussi le degré de compétences scolaires et l'origine sociale des adolescents influencent non seulement la réception et les sensations, mais également leur discibilité. Les filles, surtout si elles sont de milieu favorisé, rejettent la « chochotte », tandis que les garçons assument leur goût pour la « baston ». Les auteurs rappellent que « si la variabilité des réceptions d'une même œuvre, selon le genre, la nationalité, etc, des individus a inspiré de nombreux travaux de sociologie de la réception (...) il est nécessaire de restituer les nuances, les jeux, les arrangements avec les règles qu'élabore chacun ».

4C. Mennesson propose de son côté, dans « Sports "inversés", Mode de socialisation sexuée des jeunes », d'étudier des cas de jeunes filles et de jeunes gens pratiquant des sports habituellement assignés à l'autre sexe. L'exemple des footballeuses et des danseurs illustre des processus de socialisation sexuée inversée très prégnants, inscrits dans des configurations familiales particulières ("garçon manquant" ou fillette socialisée par ses frères versus "fille manquante" ou aîné initié aux tâches domestiques). Ce mode de socialisation n'implique pas un questionnement des catégories sexuées, les enquêtés assimilant simplement la culture de groupe du sexe opposé. Les footballeuses dénigrent les « vraies » filles tandis que les danseurs tentent de masquer un engagement artistique perçu comme illégitime pour des garçons. Si l'expérience des footballeuses les place dans un mobilité de sexe ascendante, celle des danseurs les déclasse socialement. Ces bénéfices sociaux s'inversent au cours de leur carrière : à l'âge adulte, être un homme en danse est un avantage tandis que les joueuses de football se retrouvent déclassées sur le marché matrimonial.

5La contribution de C. Metton, intitulée « Préadolescents et pratiques de chat », se propose d'évaluer le rôle de l'espace électronique dans la reproduction ou l'évolution des identités et des rapports de genre. D'un côté, le « chat » réactive des clivages de sexes, puisque certain adolescents, lors de leurs interaction sur les salons, entrent dans un jeu institutionnel normé, par lequel ils réifient et accentuent les attributs corporels et comportementaux assignés à leur sexe. D'un autre côté il contribue à des formes plus floues de brouillage du genre. Grâce à l'anonymat, les jeunes adolescents se débarrassent des attributs de genre pour se travestir en individus de l'autre sexe. Cette technique permet d'espionner, sans aucun risque, le sexe opposé.

6La contribution de M. Darmon, intitulée « Traitement de l'anorexie et clivages de genre » montre que les conceptions et pratiques du traitement des anorexiques font apparaître des clivages stéréotypiques de genre dans les critères de guérison. L'auteur analyse le traitement comme une entreprise de re-féminisation, comme normalisation d'une déviance résultant de la transgression des clivages de genre. Cette re-féminisation est inscrite dans une modalité adolescente et récente des stéréotypes sexués, il s'agit là d'une « re-féminisation adolescente de classe moyenne ».

7L'article d'I. Coutant, « Délinquance juvénile et rapports aux institutions socioéducatives », rend compte de l'engagement dans une « carrière » délinquantes et des modalités de sortie en articulant logiques sociales et logiques sexuées. Garçons et filles analysent rétrospectivement leurs carrières délinquantes de manières différentes. Les garçons insistent davantage sur le rôle de la stigmatisation sociale, quand les filles évoquent les difficultés familiales. En ce qui concerne l'adhésion aux interventions socio-éducatives, les garçons valorisent les ressources objectives obtenues par ce biais, tandis que les filles privilégient davantage la dimension relationnelle de l'action éducative. Pourtant, cette distinction perd de sa pertinence si l'on intègre dans l'analyse les différences de ressources familiales et culturelles : les garçons les mieux pourvus en capital scolaire apprécient également de pouvoir parler aux éducateurs et les filles les moins entourées sur le plan familial mettent en avant le soutien matériel apporté par les institutions.

8P.-E. Sorignet envisage, dans « Les âges sociaux et sexués du métier de danseur », les temporalités différenciées selon le sexe des carrières vocationnelles. Il montre que les socialisations sexuées sont « rythmées par la confrontation à un calendrier social par rapport auquel les danseurs et les danseuses doivent, tout au long de leur vie professionnelle et personnelle, redéfinir des discours et des pratiques incluant à la fois l'engagement originel et le vieillissement social et biologique ». Le temps féminin s'organise, ainsi, autour de la vocation et de la scole, quand le temps masculin s'organise autour d'une professionnalisation qui envisage la reconversion comme un temps de socialisation à l'ordre social légitime et à ses impératifs.

9La contribution de A. Frickey et J.L. Primon, « Etudiants et étudiantes de parents Nord-africains, une discontinuité entre les générations », s'intéresse aux parcours scolaires et à l'insertion professionnelle des jeunes gens et jeunes femmes descendant de familles immigrées d'Afrique du Nord. Enfants d'immigrés dépourvus de capital scolaires, ils/elles ont été les premiers de leurs familles à entrer dans l'enseignement supérieur. Si près de la moitié n'a pas achevé ses études, les autres se sont orientés essentiellement vers des filières juridiques et économiques ou celles des sciences humaines. En dépit de cette similitude des parcours des deux sexes et le surnombre de filles à la sortie du supérieur, les hommes reprennent l'avantage au début de la vie professionnelle et les jeunes femmes issues de l'immigration maghrébine sont plus exposées au chômage et à la précarité.

10Dans « Les chemins de femmes dans les métiers masculins » T. Couppié et D. Epiphane posent la question du bonheur des femmes dans les métiers masculins. Ils soulèvent le problème du rapport qu'entretiennent le genre des professions et celui des individus qui les exercent. D'une manière générale les jeunes femmes ouvrières paraissent insatisfaites dans leur travail. L'arrivée récente et massive des femmes dans certains univers très masculins semble s'inscrire dans un climat de défiance voire d'hostilité. Le désenchantement de ces femmes dépasse la seule appréciation négative de l'emploi. Il est associé à une insatisfaction de la situation, à une vision pessimiste de l'avenir professionnel et à une volonté de changement.

11H. Eckert et E. Sulzer montrent, dans « Le défi de la féminisation des chaînes automobiles » comment, des parcours scolaires au désir de travailler, de la situation de travail aux épreuves de la concurrence entre hommes et femmes, le mode d'affirmation virile de soi tend, paradoxalement, à renforcer l'intériorisation de la contrainte productive.

12Enfin, dans « Des femmes au montage automobile : le difficile arrangement des sexes » H. Eckert formule une hypothèse : confrontées à l'hostilité des hommes dans un milieu de travail traditionnellement masculin, les femmes y sont accueillies comme des étrangères et confinées dans le ghetto que leur assigne la division du travail qui s'aligne sur le préjugé masculin à leur égard, condamnées à la résistance à cette assignation. Les expériences relatées par les enquêtées montre l'obsolescence de l'arrangement des sexes.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Nolwenn Neveu, « Henri Eckert, Sylvia Faure, Patrick Cotelette, Thomas Couppié, Les jeunes et l'agencement des sexes », Lectures [En ligne], Les comptes rendus, mis en ligne le 23 avril 2007, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/lectures/408 ; DOI : https://doi.org/10.4000/lectures.408

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