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Maryse Souchard, Jean-Claude Pinson, Jean-Michel Vienne, Jooël Gaubert, Le populisme aujourd'hui

Igor Martinache
Le populisme aujourd'hui
Maryse Souchard, Jean-Claude Pinson, Jean-Michel Vienne, Joël Gaubert, Le populisme aujourd'hui, M-éditer, coll. « 15 minutes pour comprendre », 2007, 109 p., EAN : 9782915725070.
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Notes de la rédaction

Vous pouvez écouter en ligne des extraits des conférences desquelles les contributions de l'ouvrage sont tirées, à l'adresse suivante : http://www.m-editer.com/fiche_populisme.php

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Texte intégral

1Si les modes existent en politique, le populisme semble bel et bien être celle du moment. Depuis quelques années, la notion est employée à toutes les sauces : pour désigner aussi bien la montée des partis d'extrême droite sur le continent européen, l'avènement de régimes de gauche en Amérique du Sud, mais aussi certaines formes nouvelles de communication politique dans les partis dominants, et autres dispositifs visant à faire progresser la « démocratie participative ». Bref, à trop être employé, le concept a fini par perdre son sens, par devenir un de ces mots creux qui servent moins à alimenter le débat qu'à disqualifier ses adversaires. Il était donc temps de chercher à lui redonner un peu de substance. C'est du moins ce que ce sont dits les co-auteurs du Populisme aujourd'hui.

2L'ouvrage est en fait la retranscription d'un cycle de conférences donné dans le cadre de l'Université Populaire de Nantes. Quoi de plus logique dans un tel projet que de s'interroger sur ce qu'est le peuple, et, plus encore, sur la manière de s'adresser à lui ? D'autant que, comme le remarque d'emblée Maryse Souchard, maître de conférences en communication à l'Université de Nantes, peu d'ouvrages ont en fait été directement consacrés à la question du populisme. S'appuyant sur certains d'entre eux, elle retrace ainsi la genèse du terme. Apparu au dix-neuvième siècle, celui-ci désigne dès l'origine des réalités très différentes, voire parfois contradictoires, selon les aires géographiques concernées. Maryse Souchard retient cependant deux acceptions principales du populisme, qui ne se recoupent pas nécessairement. L'une, essentiellement symbolique, consiste à « survaloriser, surestimer la valeur de la pensée, de la culture, des pratiques populaires », tandis que l'autre, plus directement politique, désigne les comportements consistant à d' « adopter une attitude paternaliste à l'égard du ‘peuple' en disant à sa place ce qu'il ne serait pas ‘capable' d'exprimer ». Cette stratégie discursive des bourgeois s'est ainsi véritablement développée à la Révolution française, mais a pu ensuite être stigmatisée dès qu'elle a pris la forme du bonapartisme. Le « national-populisme » que nous pouvons encore voir à l'œuvre aujourd'hui est lui né avec le boulangisme. Cela n'empêche cependant pas Maryse Souchard d'en discerner de nouvelles formes aujourd'hui, dans la « société du micro-trottoir et de la connaissance spontanée », qu'incarne par exemple la ligne éditoriale d'un journal comme Marianne.

3Enseignant la philosophie de l'art à l'Université de Nantes, Jean-Claude Pinson rappelle pour sa part que le populisme n'est pas seulement une question politique, mais ressortit à « tout un soubassement dans l'ordre des mœurs dans l'ordre de la « substance éthique » ». La différence cependant du discours démagogique par rapport à celui de l'avant-garde, explique-t-il, c'est que le premier s'adresse à un peuple à l'existence supposée, quand le second s'adresse à un « peuple qui manque ». Ce qui fait la force du populisme, c'est précisément de s'appuyer sur l'ethos démocratique. Jean-Claude Pinson revient ainsi sur l'analyse tocquevillienne de l'égalité, en rappelant que celle-ci est d'abord un sentiment, une affaire « esthético-éthique », avant d'être un état. Or, c'est précisément ce qui le rend sensible à la grammaire démagogique. « L'affect démagogique est facilement abusé par celui qui utilise la grammaire de l'égalité pour asseoir l'inégalité » (p.40). Or, selon l'auteur, l'outil télévisuel se prête particulièrement bien à cette séduction populiste. Pour le contrer, Il met en avant la « multitude artiste », troisième terme à côté de la culture de masse et l'art avant-gardiste, qui se traduit par l'exercice par chacun de sa « créativité dispersée, tactique et bricoleuse », explique-t-il en reprenant les termes de Michel de Certeau dans L'invention du quotidien.

4Spécialiste de Locke, Jean-Michel Vienne s'intéresse pour sa part aux différentes sens possibles du mot « peuple ». Il en recense six principaux : le « on » indéfini et universel ; les autochtones, habitants d'un territoire donné ; la « populace » dangereuse et incontrôlable ; le prolétariat ; la communauté politiquement organisée ; et enfin le peuple « choisi » dans une acception originellement religieuse. Par un exercice de logique, il montre ensuite comment ces différents sens ont pu se mêler pour former autant de couples d'antonymes. C'est qu'en fait, le « peuple » est une notion éminemment dialectique, et par là même, n'est pas une réalité stable, mais « un mouvement qui se définit par sa constitution jamais achevée, mouvement entre les différentes tensions qui circonscrivent son champ d'action [...] Le peuple est vivant, et comme tout vivant, il doit s'adapter à son environnement. La culture [populaire] est l'adaptation même à cet environnement » (p.74).

5Professeur de philosophie en classe préparatoire, Joël Gaubert se penche enfin sur la « crise de la représentation en politique ». Il passe tour à tour en revue les fondements théoriques puis l'application pratique- c'est-à-dire l'expérience historique- du modèle représentatif puis du modèle participatif. Le second était censé résoudre les contradictions du premier, mais est à son tour entré en crise. S'appuyant notamment sur l'« éthique de la discussion » telle que définie par Jürgen Habermas, Joël Gaubert avance ainsi que la solution pourrait bien résider dans un troisième modèle, dit délibératif. Synthèse d'une certaine manière des deux précédents, celui-ci suppose la « participation active de tous les citoyens dans des assemblées populaires », représentées ensuite par les assemblées de deuxième degré, mais aussi troisième et même plus (régional, national, européen et mondial, comme à l'ONU par exemple)... Cela suppose la médiation nécessaire de l'institution scolaire, contre ce que l'auteur nomme la « désymbolisation régressive des esprits », tout en notant d'ailleurs que l'école est justement ignorée aujourd'hui dans les débats sur la question, mais aussi la reconstruction d'alternative, contre le principe « T.I.N.A. » (« There is no alternative ») popularisé par Margaret Thatcher.

6Bien qu'adoptant un angle résolument philosophique, ce petit ouvrage fournit cependant quelques éléments de réflexion utiles aux sociologues, sans parler évidemment des citoyens. Ce qui est loin d'être superflu dans une période où, pour paraphraser un célèbre slogan, le populisme semble partout, et le peuple nulle part.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Igor Martinache, « Maryse Souchard, Jean-Claude Pinson, Jean-Michel Vienne, Jooël Gaubert, Le populisme aujourd'hui », Lectures [En ligne], Les comptes rendus, mis en ligne le 26 juin 2007, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/lectures/427 ; DOI : https://doi.org/10.4000/lectures.427

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