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Bruno Milly, Jean-Pierre Delas, Histoire des pensées sociologiques

Romain Meltz
Histoire des pensées sociologiques
Bruno Milly, Jean-Pierre Delas, Histoire des pensées sociologiques, Armand Colin, coll. « U Sciences sociales », 2009, 450 p., EAN : 9782200355180.
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Texte intégral

1Contrairement à ce qu'annonce la quatrième de couverture, cette édition n'est aucunement « mise à jour » par rapport à la deuxième qui, quant à elle, s'était pourtant enrichie d'une évocation nouvelle et en bonne place sur l'œuvre de Tocqueville. Cette absence de mise à jour ne nuit pourtant en rien à la qualité d'un ouvrage qui demeure à l'évidence dans le peloton de tête des manuels actuellement disponibles sur les grands auteurs de la pensée sociologique par sa clarté et surtout son attention à des théories sociologiques généralement peu ou moins mises en lumière dans des ouvrages qui traitent explicitement de sociologie et non pas de sciences sociales en général. Ainsi les pages consacrées au courant culturaliste, de Margaret Mead et Ruth Benedict à Stuart Hall (même si ce dernier est évoqué de façon un peu marginale) ou Philippe d'Iribane puis à celui fonctionnaliste, même en s'appuyant sur les textes ou les auteurs les plus reconnus, n'en apportent pas moins un éclairage précis sur la généalogie des études actuelles.

2Il ne fait pas de doute que la part réservée aux auteurs français est disproportionnée (36 pages pour la section III du chapitre sur les structuralismes qui traite, après quelques précautions liminaires de la sociologie de Pierre Bourdieu affecté à « l'école » du constructivisme structuraliste contre 5 - trop courtes pages d'ailleurs - pour Howard Becker dans le chapitre 9 intitulées : « la déviance comme étiquetage). Mais une part non négligeable de ce dernier chapitre est consacrée non seulement à la sociologie des professions d'Anselm Strauss mais aussi à l'opposition que celui-ci et Eliot Freidson font à l'étude fonctionnaliste à la Parsons. La perspective de l'ouvrage n'est pas uniquement chronologique en effet mais les deux auteurs abordent un plan qui fait tout de même naviguer le lecteur de Platon dans les premières pages à Garfinkel et Cicourel dans les dernières. Mais il ne s'agit pas seulement d'une succession d'auteurs classés chronologiquement car le plan de l'ouvrage fait alterner des chapitres des regards nationaux sur l'état de la science sociale avec des chapitres centrés sur des auteurs ou des courants. Ainsi la section consacrée à la sociologie aux Etats Unis après 1945, renvoie à la fois au chapitre 9 interactionnisme symbolique et ethnométhodologie et au chapitre 2 et à la section consacrée à l'école de Chicago.

3Au final donc, Histoire des pensées sociologiques dessine un paysage à la fois impressionnant de diversité et pourtant précis dans ses portraits mais cherchant à tout prix à éviter les problématisations dont une telle somme de connaissance fait pourtant désirer la venue au lecteur. Si Delas et Milly proposent très peu de fils conducteurs qui permettraient de repérer des véritables généalogies de la pensée sociologique (le parallèle qui demanderait à être plus étayé de l'homologie oppositionnelle entre Durkheim et Weber et de celle Boudon/Bourdieu est un exemple de frustration explicite du lecteur)i l s'agit pourtant sans doute d'un travail en commun en ce sens que les deux auteurs ne se sont pas répartis les parties de l'ouvrage mais ont retravaillé ce qui devait être au départ les enseignements de Jean-Pierre Delas dans le cadre de son enseignement en classe préparatoire, ce qui assure une homogénéité intellectuelle à l'ensemble phénomène bienvenu et trop rare.

4C'est à partir des analyses des auteurs qu'il connaît le mieux que le lecteur est à même de trouver la réassurance lui permettant de se laisser guider dans les parties qu'il connaît moins bien. Mais c'est aussi là que ce même lecteur peut vérifier que les analyses qui lui sont proposées sortent rarement des sentiers parfois un peu trop battus des auteurs étudiés. Dans le détail des chapitres, la progression est à la fois faite de points de croisements qui permettent de remettre en perspective les notions déjà vues sur les auteurs et de la volonté de cerner au mieux ces pensées. Le premier éclairage est le fait du chapitre 4 « la sociologie depuis 1945 : institutionnalisation et diversification » qui, tout en reprenant des éléments souvent connus, permet de bien montrer combien les sciences sociales sont traversées par des logiques nationales. La désagrégation après seconde guerre mondiale de la sociologie durkheimienne en France conduit à un éclatement des « courants » tandis que la sociologie américaine connaît autour de Parsons et Merton une apogée du courant fonctionnaliste tandis que le choc du nazisme structure profondément une sociologie non empirique allemande autour d'un pessimisme face à la société industrielle.

5De la même façon le chapitre 2 intitulé « La constitution d'une discipline de la fin du XIXème siècle à la Seconde Guerre mondiale » avait balayée la situation anglaise (mis en lumière par l'organicisme et le darwinisme social de Spencer) l'Italie et l étude ambitieuse des actions non logiques de Pareto. Puis vient le cas français sans inclure directement Durkheim au profit de son école autour de l année sociologique, l'Allemagne pareillement privée de la figure devenue par la suite tutélaire de Max Weber puis les Etats Unis et la vision appliquée que doit revêtir la pratique sociologique. Il n'est pas possible de présenter ici sans tomber dans la paraphrase les cinq derniers chapitres (« les culturalismes », « les fonctionnalismes », « les individualismes méthodologiques » et « interactionnisme symbolique et ethnométhodologie ») auquel le lecteur se reportera avec profit pour retrouver des marques ou des pistes de lecture. Qu'il soit juste permis de dire que le prudent pluriel de quatre sur cinq de ces chapitres illustre certainement combien certaines logiques de classement sont tout aussi nécessaires pédagogiquement qu'arbitraires scientifiquement.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Romain Meltz, « Bruno Milly, Jean-Pierre Delas, Histoire des pensées sociologiques », Lectures [En ligne], Les comptes rendus, mis en ligne le 23 mai 2010, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/lectures/1026 ; DOI : https://doi.org/10.4000/lectures.1026

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