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Gilles Brougère, Anne-Lise Ulmann, Apprendre de la vie quotidienne

Didier Bastide
Apprendre de la vie quotidienne
Gilles Brougère, Anne-Lise Ulmann (dir.), Apprendre de la vie quotidienne, PUF, coll. « Apprendre », 2009, 278 p., EAN : 9782130572077.
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Texte intégral

  • 1 BROUGERE G., Jeu et éducation, L'Harmattan, 1995 ; BROUGERE G., Jouer/Apprendre, Economica, 2005

1Sortir de l'ombre les apprentissages du quotidien, telle est l'ambition de l'ouvrage, clairement énoncée en titre de l'introduction. En préambule, les deux codirecteurs - Anne-Lise Ulmann, maître de conférences au CNAM, et Gilles Brougère, professeur en sciences de l'éducation à Paris 13, auteur de nombreux travaux, sur le jeu et sur son articulation avec les apprentissages 1, et sur l'enseignement préscolaire, thématiques de recherche ici subsumées -, soulèvent une double difficulté. Les apprentissages de la vie quotidienne sont souvent tenus dans l'indifférence par les individus, pour lesquels « le quotidien », allant-de-soi, « rend aveugle, par ses évidences, aux ressources qu'il recèle ». Cette méconnaissance confine parfois à l'étrangeté. Si bien que ces savoirs se trouvent cantonnés dans un entre-deux, sans être « complètement déniés en tant que savoirs, ils ne sont pas vraiment reconnus en tant que tels » (p. 12). Aussi en un peu plus d'une vingtaine de contributions, qui supposent en creux que « l'éducation formelle n'est plus la seule forme et la seule source éducative », les différents auteurs se proposent d'analyser quelles connaissances recèlent les savoir-faire implicites, les savoirs incorporés, les habiletés ?

2Le regard se porte dans les cinq premières parties sur des apprentissages multidimensionnels, d'un point de vue organique, autrement dit à partir des espaces sociaux où ils éclosent et où ils se déploient. Le lecteur, même profane, perçoit le caractère didactique de ce découpage qui renforce, avec l'accessibilité des diverses contributions, pourtant denses, la lisibilité de l'ensemble, respectant ainsi la charte rédactionnelle de cette collection créée aux PUF en 2006. Destinée aux professionnels du champ de l'éducation et de la formation, celle-ci entend « établir des ponts » entre la recherche et les pratiques. A cet effet, l'ouvrage propose également dans le prolongement de chaque intervention, un encadré, constitué selon les cas, d'un extrait d'entretien avec un professionnel ou un chercheur, ou encore, d'une recension de publication. Cette dernière rubrique présente l'avantage de faire la part belle à la littérature anglo-saxonne, qui n'a pas toujours fait l'objet d'une édition en langue française.

  • 2 JAVEAU C., Sociologie de la vie quotidienne, PUF, 2003

3La première partie s'ouvre sur une tentative de définition de l'expression « vie quotidienne » au-delà de laquelle écrit Gilles Brougère, « ...il s'agit de mettre en évidence le quotidien, ce qui se déroule au jour le jour. C'est une dimension peu contournable qui confère son empreinte à l'ensemble de la vie sociale. Celle-ci a lieu dans le quotidien, s'insère dans la répétition temporelle, implique des répétitions, des routines, des coutumes, des habitudes » (p. 21). Selon nous, une autre formulation synthétique peut être retenue, fournie par Claude Javeau dans son ouvrage de sociologie du même nom 2. « Comme l'a dit à peu près Marx, les hommes font l'Histoire, mais ne savent pas l'Histoire qu'ils font. Rapportée à l'égrènement des heures qui s'écoulent, jour après jour, semaine après semaine, mois après mois, année après année (et aussi saison après saison), cette Histoire devient la vie quotidienne, la vie au quotidien, le produit de l'incessant bricolage de tout un chacun, le temps de parcourir la trajectoire qui va de la naissance à la mort, entre les répétitions et les fantasmes, les frileuses précautions et les folles entreprises » (p. 6).

  • 3 DELALANDE J., La cour de récréation. Pour une anthropologie de l'enfance, Rennes, PUR, 2001

4Les quatre parties suivantes peuvent être fondues en deux, et résumées ainsi : Quels apprentissages sont à l'oeuvre aux « marges de l'univers scolaire » et dans les activités de loisirs d'une part, dans le cadre du travail et dans la vie associative et syndicale d'autre part ? Nombreuses sont les contributions qui pointent en introduction, l'entrelacs de difficultés que constitue pour les individus, l'appréhension des situations et de la nature des apprentissages. L'anthropologue Julie Delalande par exemple, opérant un retour sur ses travaux sur la cour de récréation 3, note qu'à l'école maternelle et élémentaire, la récréation est perçue comme un moment de pause et de surveillance par les enseignants, comme un temps d'incidents et de conflits possibles entre enfants par les parents. Bref, les adultes sont sensibles aux dimensions négatives de la récréation. Mais ce que met à jour l'approche ethnographique de l'auteure, c'est que la récréation constitue un moment d'apprentissage informel fondamental, « tant des rapports sociaux (se faire une place dans un groupe, se faire des amis... se débrouiller des bagarres...) que d'une culture enfantine (transmission des jeux, de leurs règles, de l'univers de fiction dans lequel il plonge les enfants...) » (p. 70).

5Le fil directeur de l'ensemble est constitué par les caractéristiques communes aux divers apprentissages de la vie quotidienne, qui émergent au fur et à mesure de la lecture. Ces apprentissages sont « informels, implicites, incidents, de l'ordre de la socialisation ou de l'acculturation...J'apprends à faire comme les autres, mais je construis une production originale, par mes routines personnelles, mon répertoire de pratiques ». (p. 24, 25). Après une série de présentations empiriques, d'études de cas, qu'il serait vain de tenter de résumer tant les terrains et les savoirs défrichés sont variés, il revient à la dernière partie de proposer une assise théorique des apprentissages du quotidien. A cet effet, Régine Sirota se penche sur « les enjeux d'une ethnographie du minuscule » et Gilles Brougère clôt l'ouvrage par une présentation de la théorie de « l'apprentissage situé ».

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Notes

1 BROUGERE G., Jeu et éducation, L'Harmattan, 1995 ; BROUGERE G., Jouer/Apprendre, Economica, 2005

2 JAVEAU C., Sociologie de la vie quotidienne, PUF, 2003

3 DELALANDE J., La cour de récréation. Pour une anthropologie de l'enfance, Rennes, PUR, 2001

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Pour citer cet article

Référence électronique

Didier Bastide, « Gilles Brougère, Anne-Lise Ulmann, Apprendre de la vie quotidienne », Lectures [En ligne], Les comptes rendus, mis en ligne le 03 mars 2010, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/lectures/943 ; DOI : https://doi.org/10.4000/lectures.943

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