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Marion Lary, Antoine Perrot, Fictions à l'oeuvre

Catherine Dupuy
Fictions à l'oeuvre
« Fictions à l'oeuvre », Vacarme, n° 54, hiver 2011, 94 p., Les Prairies ordinaires, EAN : 9782350960241.
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Texte intégral

1Le dernier numéro de la revue Vacarme (Hiver 11 Numéro 54) se présente comme une solution de continuité : les coordinateurs de la dernière livraison de la revue initient une rupture dans le champ des revues dites « de fond ». Par son originalité rédactionnelle tout d’abord. La revue se constitue en éditeur collectif qui fait cependant entendre des points de vue singuliers. Dix sept contributeurs élaborent un réseau de  «  remarques éparses » (P.Zaoui) autour de la fiction contemporaine qu’elle relève de la littérature, du cinéma et du documentaire. Par sa matière même ensuite. Le numéro est conçu comme un chantier entrepris à propos « des fictions à l’œuvre » qui ne sera pas clôturé dans l’espace de cette livraison. Enfin par la ligne de force qui relève du projet intellectuel de la revue qu’on pourrait résumer par faire penser et donc faire agir. C’est ce qui semble effectivement requis pour initier aujourd’hui une réflexion autour de la fiction d’aujourd’hui.

2Ce numéro s’ancre dans des propositions de lecture qui invitent, en moins de cinquante pages, à traiter le sujet en profondeur grâce aux suggestions des auteurs. Le ton engagé des articles est à la mesure de la visée culturelle de l’avant-propos qui veut redonner la puissance à la fiction. Saisir la force fictionnelle devient le vecteur de réorganisation de l’art de la fabulation qui servirait à engendrer une attitude commune lettrée faite « pour donner de la voix »comme il est annoncé par les coordinateurs du numéro. La combinaison de l’art et de la politique avec des savoirs savants et militants se déplie alors dans la mise en forme rédactionnelle de ce « magazine-revue ». Ainsi, ce numéro expérimente des pistes prometteuses. D’une part, faire de la fiction un terrain vierge et fructueux en interpelant la part belle au sujet amateur de fictions. D’autre part, inaugurer une problématique sur la transmission de la littérature qui permet d’envisager des suggestions sur les usages pratiques des fictions. Comment décrire ce que fait la fiction ? Elle réalise des opérations de mise en réalité fictionnelle du vécu de tout un chacun. Elle inscrit depuis le registre de l’affabulation la transformation du monde physique en monde intentionnel du producteur de fictions. Si cette opération qui consiste à modifier le réel perçu est rendue possible, c’est qu’il s’agit dès l’origine de prendre la responsabilité d’être auteur de fiction pour passer un contrat et fabuler sur les miettes procurées par le réel. Le conte du Chat Botté accomplit son pacte littéraire en offrant un scénario qui procure une solution favorable aux protagonistes P.Mangeot et L.Wajeman montrent que c’est la volonté collective qui amène naturellement à transposer la fable du Chat Botté en marche à suivre possible.

  • 1 Le quotidien américain New York Times a lancé une enquête à partir du postulat : «Pourquoi la criti (...)

3Plusieurs articles s’interrogent alors sur les capacités nécessaires aux individus amateurs de fictions qu’ils soient auteurs et lecteurs. Pour D. Viart, le geste politique de la fiction s’effectue avec le scrupule d’écrire l’énoncé « je me souviens » de Perec à propos de la catastrophe concentrationnaire. Les auteurs contemporains ont hérité de la charge de se confronter à l’interdit de faire de la littérature à partir de ce qui est innommable. Il est sans doute permis de croire que la vie romanesque récréée s’inscrive dans un geste scrupuleux sur le silence des camps. Faire usage de la fiction, c’est considérer sa transmission critique. Certes la communauté des critiques littéraires professionnels a du mal à trouver sa place de médiateur de fiction. C’est pour cela qu’on peut voir que pour M.Escola «  la critique importe »1 en l’envisageant sous de nouvelle forme. La meilleure façon critique de lire consiste à produire des commentaires sous le mode de réécritures qui permet de tisser avec inventivité les fils de l’histoire littéraire. Par exemple qui empêche de changer les auteurs des œuvres à la façon de P. Bayard ?

4La fonction de critique s’envisage comme pédagogie de transmission de textes littéraires. Investigation créatrice à rebours qui veut révéler des configurations textuelles au travers de la généalogie du texte à lire. Y.Citton se demande comment rendre la saveur au merveilleux et comment le lecteur peut en faire un usage de croyant. Ce statut particulier conduit ce dernier à adopter une posture d’adhésion sans cesse débordée par la part de rationalité moderne démystifiante qui l’habite. La réponse se trouve dans les potentialités que renferme le texte littéraire. Si la charge merveilleuse du texte provoque une réaction déceptive du lecteur vis-à-vis du réalisme, le lecteur de fiction va être amené à croire qu’il peut occuper les interstices entre le Vrai, le Beau et le Faux. Le documentaire trouve sa place dans une réflexion sur ce que peut la fiction. L’intérêt est porté sur la valeur du temps saisie sous forme de synthèse. Le documentaire et la fiction arrivent à faire tenir toute une histoire dans la durée du film ou le volume du roman parce que tous deux ramassent et condensent les évènements. T. Samoyaut met en lumière le paradoxe que partagent le documentaire et la fiction qui portent à la plus haute expression l’accélération de la durée immanente à toute histoire racontée. Au risque pour le documentaire militant de passer à la trappe l’expérience professionnelle de la couturière de pantalons comme moyen « humain » de résister à la vitesse économique qui fait disparaitre l’usine et ses travailleurs. On constate alors que le documentaire européen est relégué dans la fonction de témoignage de faits passés et présents alors qu’il existe un contexte sociohistorique émergeant des narrations collectives émancipatrices.

5Mais enfin, que peut la fiction ? Déjouer la volonté de vivre une vie trop vite consommée ? Fonder l'expérience d'être responsable du monde tel qu'il est ? Peut être. Mais « les fictions à l’œuvre » développées dans ce numéro de la revue Vacarme dynamisent l’effort de comprendre les voies de la fiction de façon intuitive, analytique voire subversive.

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Notes

1 Le quotidien américain New York Times a lancé une enquête à partir du postulat : «Pourquoi la critique importe »

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Pour citer cet article

Référence électronique

Catherine Dupuy, « Marion Lary, Antoine Perrot, Fictions à l'oeuvre  », Lectures [En ligne], Les comptes rendus, mis en ligne le 02 mai 2011, consulté le 19 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/lectures/5244 ; DOI : https://doi.org/10.4000/lectures.5244

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