La mère : " J’aurais jamais dû te mettre au
monde. Mais moi non plus, j’avais pas de vraie
mère. Je l’ai jamais vue. Je sais pas si je l’ai vue. Je
me souviens pas. Ils m’ont mise dans un orphelinat,
et j’ai dû ramasser des fleurs de coton quand j’avais
sept ans... et si j’étais pas assez rapide on me
battait sans arrêt... Mais ça fait longtemps ça."
A la mémoire d’Anna Politkovskaïa, Lars Norén
Anna Politkovskaïa était une journaliste russe réputée pour son courage et son opposition au régime de l’alors président Vladimir Poutine, et en particulier à son "action" militaire en Tchétchénie. Elle a été assassinée dans des conditions encore non élucidées à Moscou le 7 octobre 2006, jour de l’anniversaire de ce dernier.
Le théâtre des Amandiers de Nanterre accueille du 7 au 25 octobre la pièce de Lars Noren qui traite des survivants , en hommage à la journaliste, traite de la vie dans une société qui sort de l’état de guerre.
Voici la présentation qu’en propose le théâtre des Amandiers :
Avec cette pièce, Lars Norén décrit la vie de ceux qui survécurent aux guerres. Le titre est un
hommage à la journaliste russe, Anna Politkovskaïa, assassinée depuis, qui écrivit plusieurs
ouvrages dénonçant la situation en Tchétchénie et le cynisme de Poutine.
Nous sommes dans un univers complètement détruit, tout y est à vendre, et plus personne n’a
rien. Aucune valeur morale n’a cours, aucun interdit, pour personne. La drogue et l’alcool y sont
des refuges, si précieux qu’on tue, viole, se prostitue pour les avoir. Dans ce monde-là, vivent des
enfants, fils et filles de très jeunes adultes eux-mêmes en perte totale de valeurs. Ayant grandi
dans cet univers sans foi ni loi, ils doivent survivre avec des lambeaux de relations familiales, des
semblants de sentiments paternels et maternels. Sauf que peut-être même ça, ils n’y ont pas
droit...
Comme un uppercut, la pièce nous assomme et nous laisse brutalement conscients que tout près
de nous, broyés par des motivations politiques qui les dépassent complètement, survivent des
êtres dans une misère si totale qu’elle les prive pratiquement d’humanité.
Pour porter sa pièce à la scène, Lars Norén a choisi une distribution internationale qui mêle
acteurs belges, suédois et français.
« C’est une pièce courte et terrible, la pire que j’ai écrite. Totalement noire et drôle. Dans un pays
après guerre, hommes, femmes et enfants se battent pour survivre.
J’ai écrit cette pièce avant le meurtre d’Anna Politkovskaïa. Je n’ai pas pensé à elle ni à ses livres
en l’écrivant. Mais quand elle a été assassinée, j’ai voulu donner ce titre-là à ma pièce. Parce que je
veux que le public se souvienne de sa force, de son courage et de sa façon d’évoquer les effets et les
ravages de la guerre sur les êtres humains.
Comme souvent dans mon travail d’écriture et de mise en scène, je m’intéresse à ce qui fait que les
hommes survivent ou cessent de se battre. Qu’est-ce qui leur donne le pouvoir d’exister dans des
conditions terribles ? Année après année, j’essaie de poursuivre ma recherche, j’approfondis mon
travail sur la flamme de l’espoir à l’intérieur de l’être humain. Qui continue de vivre même si tout
semble impossible. Même si tout semble n’avoir aucun sens. ».
Lars Norén
12 septembre 2007