Accueil |  Présentation  | Qui sommes-nous ?  | Charte éditoriale  | Nous contacter  | Partenaires  | Amis  | Plan du site  | Proposer un contenu

Suivre Liens socio

Mail Twitter RSS

Votre Liens socio

Liens Socio ?
C'est le portail d'information des sciences sociales francophones... Abonnez-vous !


Accompagnement : le lien social sous tension

Un numéro de la revue "Pensée Plurielle" sous la direction de Yannis Papadaniel, Ilario Rossi et Jean Foucart, (n°22, de Boeck, 2009)

publié le lundi 16 août 2010

Domaine : Sociologie

      {mini}

Par Stéphane Alvarez [1]

Dans le travail social mais aussi dans une diversité de mondes sociaux comme l’entreprise ou la santé, le terme « accompagnement » a pris une place centrale depuis près de vingt ans. Cependant, son utilisation abondante et décomplexée cache des mécanismes d’effectivité difficiles à mettre en lumière. Dans le but de mieux comprendre ce que recouvrent les pratiques d’accompagnements dans la réalité sociale, ce numéro de la revue Pensée plurielle propose divers articles, de disciplines variées, s’appuyant sur des travaux de terrains, au plus proche de la réalité mettant en scène l’accompagnant et l’accompagné.

Aujourd’hui fortement mobilisé dans le travail de care [2], l’accompagnement témoigne d’un double mouvement : vertical tout d’abord, concernant la transmission du savoir détenu par l’accompagnant. Ce facteur induit un rapport de « soumission », de domination entre celui qui apporte aide et soin, qui détient le savoir, et celui qui reçoit. Le mouvement est également horizontal. Les rapports entre accompagnant et accompagné doivent assurer d’un processus d’émancipation lors duquel ces derniers font l’acquisition d’un certain espace de liberté, ou pour reprendre le terme en vogue et souvent associé à celui d’accompagnement dans le travail social : une certaine autonomie [3].

L’accompagnement questionne d’autant plus les sciences sociales qu’il est le reflet des transformations que connait la société : personnalisation de l’assistance et nouveaux rapports entre publics et institutions sociales ne sont que quelques éléments qui concourent à la dynamique qui met au centre des préoccupations et des réponses offertes non plus les groupes sociaux ou les classes sociales, mais l’individu [4]. Cela conduit à des ambivalences, voire à certaines tensions régnant autour de ce concept : symbole d’un individualisme rampant pour certains, témoignage de la volonté politique de mettre en place une aide adaptée pour d’autres, ou encore domination accentuée versus moyen de préserver la dignité, l’accompagnement n’a encore dévoilé qu’une infime partie de ces facettes. Une analyse un peu plus fine permet de mettre à jour la création d’un espace d’indétermination relative, dans lequel l’ordre négocié (Strauss, 1992) de la relation d’accompagnement permet une adaptation à la singularité de la situation de l’accompagné. Cet espace d’indétermination relative convoque non seulement la recherche d’autonomie, mais aussi celle du libre choix.

Afin d’atteindre ces buts et de permettre la création d’un lien entre l’accompagnant et l’accompagné, le professionnel doit mobiliser des compétences non plus seulement techniques, mais également relationnelles : empathie, sollicitude, auto réflexivité. Ainsi, afin de mieux comprendre comment se tisse (ou non) un lien social entre les deux parties [5], la revue a pris le parti de réunir des articles proposant des observations et des analyses de cas spécifiques, afin de laisser le lecteur dans la réalité concrète du phénomène d’accompagnement, et de sonder ces compétences « nouvelles ». Seuls les deux premiers articles proposent une modélisation théorique de la relation d’accompagnement. Elle est selon Jean Foucard un dispositif de bienveillance dans lequel prévalent l’oralité et la sollicitude. Cette construction transactionnelle de l’accompagnement est « fluide et incertaine » comme le montre Pascal Laffont. Notamment car elle repose sur des savoirs expérientiels informels difficiles à intégrer dans un processus de certification. Ces deux premiers articles, plutôt théoriques, s’intéressent à quatre dimensions clés de l’accompagnement : la bienveillance, la reconnaissance, l’autonomie et l’incertitude.

Rossi, Kaech et Papadaniel montrent pour leur part les implications morales et pratiques du régime de compétences définis autour de l’accompagnement. L’arrivée des accompagnants bouleverse la hiérarchie dans l’organisation du soin, dans les structures comme les hôpitaux ou les maisons de retraite, mais également dans les situations d’accompagnements au domicile, où interviennent déjà infirmières, aides soignantes et autres personnels d’aide et de soins. Les auteurs montrent alors comment la mise en place d’ajustements est nécessaire pour la mise en pratique de la démarche d’accompagnement. Michel Fontaine a également interrogé cette introduction du personnel d’accompagnement. Selon lui, « soigner, c’est inévitablement accompagner ». Son article permet de cerner les repères philosophiques et normatifs de l’accompagnement dans les soins et d’en distinguer les ambivalences.

C’est à une de celle-ci que s’est intéressée Rose-Anna Foley. D’après elle, le recours à une médication forte pour les patients en fin de vie est susceptible de troubler la trame conventionnelle de l’accompagnement palliatif, ce qui tend à rendre instable l’équilibre de la cohabitation entre patients, proches et équipes médicales. C’est un des exemples de ce numéro de la revue Pensée plurielle qui donne à voir « un lien social sous tension ». De nombreux autres articles, issus de travaux de terrains hétérogènes, mettent à jour une réalité morcelée et balbutiante, à laquelle pourront se confronter les professionnels de l’accompagnement mais aussi tous ceux qui constituent les publics de l’accompagnement, dont font également parti les proches. Pour ces trois groupes au cœur de la relation parfois duale, parfois ternaire qu’est l’accompagnement, ce numéro de la revue pluridisciplinaire sera utile pour comprendre certaines des complexités du processus d’accompagnement et ainsi interroger leur propre position, de pourvoyeur ou de dépendant à l’égard de l’accompagnement.

NOTES

[1Doctorant en sociologie, Laboratoire UMR PACTE 5194, Université Pierre Mendès France Grenoble 2

[2Le care est un terme anglo-saxon que l’on peut traduire par « prendre soin », « se soucier de ». Généralement, le care désigne l’ensemble des aides et des soins apportés aux personnes nécessitant de l’aide pour la réalisation de diverses activités. Voir Laugier, Molinier, Paperman, 2009.

[3Selon les publics en difficulté (personnes âgées, personnes handicapées, personnes exclues du marché du travail, ou de celui logement...), il s’agira soit d’une acquisition, soit d’une restauration, soit d’un apprentissage à, voire encore d’une simple recherche d’autonomie.

[4A ce sujet, la loi 2002.02 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale en est un bon exemple.

[5L’accompagnement peut se jouer en duo, entre l’accompagnant et l’accompagné, mais aussi parfois avec les proches de la personne accompagnée. La question de la reconnaissance mutuelle des rôles et des places de chacun dans la relation d’accompagnement se pose alors.

Note de la rédaction

À lire aussi dans la rubrique "Lectures"

Une réponse de José Luis Moreno Pestaña au compte rendu de Pierre-Alexis Tchernoivanoff
Un ouvrage de Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot (Payot & Rivages, Coll " Essais Payot", 2009)
Une réédition de l’ouvrage de Katharine Macdonogh (Payot & Rivages, Coll "Petite Bibliothèque Payot", 2011)

Partenaires

Mentions légales

© Liens Socio 2001-2011 - Mentions légales - Réalisé avec Spip.

Accueil |  Présentation  | Qui sommes-nous ?  | Charte éditoriale  | Nous contacter  | Partenaires  | Amis  | Plan du site  | Proposer un contenu