Les États-Unis et la politique mondiale
Ronald HATTO Docteur en science politique, il enseigne les relations internationales. Il a publié sur les relations franco-américaines Les Relations franco-américaines à l’épreuve de la guerre en ex-Yougoslavie (1991-1995) (Dalloz, 2006), sur la stratégie américaine en Europe centrale et orientale, avec Odette Tomescu, Les États-Unis et la « nouvelle Europe » (CERI-Autrement, 2007) et sur le maintien de la paix ONU et maintien de la paix. Propositions de réforme de l’Agenda pour la paix au rapport Brahimi (L’Harmattan, 2006).
Tous les États possèdent ou exercent une politique étrangère, mais peu d’États ont une politique étrangère aussi marquée par un « style national » que les États-Unis. Ce style national découle de l’influence de quelques hommes politiques qui ont marqué les premières décennies de la nation américaine. Ces influences très diverses ont imprimé leur marque de façon durable sur la doctrine des États-Unis en matière de politique étrangère, ce qui explique les variations et oscillations de la diplomatie américaine entre idéalisme et réalisme. Si le style national, variable d’une administration à l’autre, a pu s’exercer relativement librement depuis 1945 du fait de la puissance américaine dans le système international, les changements au sein de ce dernier (montée en puissance de nouveaux acteurs, affaiblissement relatif des États-Unis) risquent d’atténuer l’influence de ce style. Les contraintes internationales post-11 Septembre (intervention en Afghanistan, guerre en Irak) risquent ainsi d’avoir pour effet de réduire la marge de manœuvre du prochain locataire de la Maison-Blanche.
L’un des deux sera (l’)élu. Les rivaux pour la présidence américaine
Elizabeth SHEPPARD Politologue diplômée de l’université de Georgetown et de Sciences Po Paris, elle enseigne les relations transatlantiques depuis plusieurs années. Elle est actuellement responsable pédagogique d’un consortium d’universités américaines à Paris, IES Abroad Paris Business and International Affairs.
Aujourd’hui, l’opinion européenne s’intéresse au duel Obama-McCain à un point tel que la visite récente d’Obama a attiré les foules tant à Berlin qu’à Paris. Cet intérêt, qui dépasse l’Europe, résulte du sentiment que l’issue de cette élection aura un poids sur les futurs choix politiques. Quel que soit le résultat, les deux « tickets » présidentiels sont historiques (un candidat présidentiel afro-américain, une candidate vice-présidentielle féminine) et le nouveau président devra faire face à une crise économique profonde. Il faut alors analyser les portraits des deux candidats pour mieux comprendre en quoi ces deux hommes si différents en apparence marquent l’évolution de la société américaine et annoncent des changements politiques.
La communication politique dans les primaires américaines de 2008
Pierre LEFÉBURE Maître de conférences en science politique à Sciences Po Bordeaux, ses recherches et publications portent sur la communication politique et les perceptions des citoyens sur le fonctionnement de la démocratie. Sa thèse de doctorat en cours de publication a reçu le prix 2006 de la Recherche de l’INAthèque. Il a notamment publié « Intérêt et limites de la notion de "profane" à travers l’analyse des débats télévisés intégrant des citoyens anonymes » (in T. Fromentin, S. Wojcik, Le Profane en politique. Compétences et engagement du citoyen, L’Harmattan, 2008)
Les primaires présidentielles américaines de 2008 semblent marquées par l’idée du renouvellement, notamment autour de Barack Obama. Certains éléments le confirment, mais l’analyse révèle que la compétition politique américaine continue de fonctionner autour de certains facteurs traditionnels, toujours aussi déterminants : collecter de l’argent, mobiliser des symboles de crédibilité, valoriser la personne du candidat selon les attentes des médias, décliner sa campagne sur un territoire étendu et auprès d’une population segmentée. À cet égard, si la systématisation du recours à Internet contribue au renouvellement des techniques de communication, elle confirme en même temps la pérennité de ces facteurs traditionnels comme finalité de la communication. Finalement, malgré une configuration de départ inédite, une normalisation s’opère après la victoire d’Obama dans l’investiture du candidat du Parti démocrate.
Obama, le choix des médias, et pourtant…
Frédéric SALMON Géographe spécialisé en géographie électorale, il a publié l’Atlas électoral de la France. 1848-2001 (Le Seuil, 2001), ainsi que l’Atlas historique des États-Unis. De 1783 à nos jours (Armand Colin, 2008).
À la veille de l’élection présidentielle américaine du 4 novembre prochain, la Silicon Valley s’interroge. Est-ce la fin d’une époque de créativité, de prospérité dans une Amérique en voie de calcification tout à la fois industrielle, spirituelle, intellectuelle et financière ? Ce déclin s’intègre-t-il dans ce que l’éditorialiste du Herald Tribune Roger Cohen appelle « la fin de l’homme blanc » ? C’est dans ce contexte que Barack Obama apparaît, charismatique et rédempteur, métis de John Kennedy et de Martin Luther King, Jr. Superbe organisateur, rompu aux techniques de l’Internet, le candidat démocrate jette les fondations d’une démocratie directe capable de prendre en étau les lobbys et leurs marionnettes du Congrès pour enfin réformer un système jusqu’ici inexpugnable car maître des lois le gouvernant.
Élection présidentielle américaine : chœur des pleureuses et raisons d’espérer dans la Silicon Valley
Jean-Louis GASSÉE Diplômé de mathématiques et de physique, il vit et travaille à Palo Alto et vient de fêter ses quarante ans dans le monde du high-tech. Engagé en 1968 par Hewlett-Packard France, il devient en 1974 P-DG (et réparateur d’entreprises) chez Data General France puis Exxon Office Systems. En 1980, il fonde Apple France, qui devient la première filiale du groupe, puis rejoint le siège californien. En 1990, il fonde Be, créant un système d’exploitation pour applications multimédias ; entrée en en Bourse en 1999, Be est acquise par Palm en 2001. Depuis 2002, Jean-Louis Gassée poursuit sa troisième carrière, le capital-risque, comme associé-gérant de la firme Allegis Capital. Auteur de La Troisième Pomme (Hachette, 1985), il a notamment été chroniqueur à Libération.
À la veille de l’élection présidentielle américaine du 4 novembre prochain, la Silicon Valley s’interroge. Est-ce la fin d’une époque de créativité, de prospérité dans une Amérique en voie de calcification tout à la fois industrielle, spirituelle, intellectuelle et financière ? Ce déclin s’intègre-t-il dans ce que l’éditorialiste du Herald Tribune Roger Cohen appelle « la fin de l’homme blanc » ? C’est dans ce contexte que Barack Obama apparaît, charismatique et rédempteur, métis de John Kennedy et de Martin Luther King, Jr. Superbe organisateur, rompu aux techniques de l’Internet, le candidat démocrate jette les fondations d’une démocratie directe capable de prendre en étau les lobbys et leurs marionnettes du Congrès pour enfin réformer un système jusqu’ici inexpugnable car maître des lois le gouvernant.
L’économie américaine : entre Microsoft et McDonald’s
Vincent CHRIQUI Haut fonctionnaire, il a travaillé à la direction du Budget, puis, à partir de 2002, dans les cabinets de François Fillon (ministères des Affaires sociales puis de l’Éducation nationale) et de Gérard Larcher (ministère du Travail). Il est aujourd’hui conseiller parlementaire du Premier ministre et conseiller municipal à Champigny-sur-Marne. Il est l’auteur de À qui profite le libéralisme ? (Éditions n° 1, 2003).
Par rapport aux autres pays développés, les États-Unis se caractérisent par un nombre élevé d’heures travaillées, et par une forte productivité - autrement dit, les salariés américains travaillent beaucoup et sont très efficaces. Cela s’explique par deux spécificités de l’économie américaine : le fait que même les personnes les moins qualifiées peuvent généralement trouver des emplois - certes peu rémunérés, en particulier dans le domaine des services -, et les performances du pays en matière de recherche et d’innovation, grâce à la qualité du système d’enseignement supérieur et à la présence de nombreuses entreprises de haute technologie. Le modèle économique américain souffre également de défauts, notamment une forte inégalité des revenus, ainsi qu’un déficit commercial persistant. L’Europe est ainsi confrontée à un défi permanent, celui d’obtenir des réussites comparables à celles des États-Unis sans connaître les mêmes inconvénients.
La puissance économique américaine en question : inquiétudes sur le leadership scientifique et technologique
Pascal DELISLE Docteur en économie, agrégé de sciences sociales et diplômé de Sciences Po, il a enseigné de nombreuses années aux États-Unis (universités de Columbia et de Georgetown). Après avoir dirigé le Centre américain de Sciences Po jusqu’en 2007, il a rejoint l’ambassade de France à Washington où il est en charge de la coopération universitaire. Il préside par ailleurs l’Institut de recherche et de débat sur la gouvernance.
Dans un contexte de fragilité macroéconomique, monétaire et de flambée du prix du pétrole, la crise des prêts immobiliers a précipité la plus grande économie du monde dans une instabilité financière inédite, mettant en question ses fondements structurels, notamment en ce qui concerne le socle scientifique et technologique qui en fait aujourd’hui encore le leader mondial de l’innovation. La réussite des États-Unis dans ce domaine repose sur le financement massif de la recherche fondamentale par la puissance publique et sur l’accumulation importante de capital humain, ainsi que sur la capacité à attirer de nombreux talents étrangers, à financer et à soutenir des partenariats public-privé. Ce modèle laisse cependant entrevoir de nombreuses failles : la recherche fondamentale a pâti de la politique de l’administration Bush ; on constate également une perte de vitesse en matière de publications et de brevets, de compétitivité dans les hautes technologies, et une difficulté accrue pour former les nouvelles générations. Beaucoup reste à faire pour retrouver les conditions d’un leadership durable. Les réponses apportées par les autorités fédérales dénotent non seulement une prise de conscience aiguë de l’urgence, mais révèlent aussi en creux une évolution dans le rapport des États-Unis au monde. Même si le sujet est moins polarisant que d’autres, il n’est pas anodin dans cette période de campagne électorale et de redéfinition des priorités et des modalités de l’action publique américaine.
Élections américaines : premières impressions d’une Française
Anne MILLER Administrateur civil hors classe actuellement en disponibilité, elle est ancienne élève de l’ENS et de l’ENA et agrégée d’histoire. Après quelques années passées à la direction du Budget, elle a occupé divers postes au ministère de la Culture, notamment au cabinet de Jean-Jacques Aillagon. Elle était secrétaire général du Centre national du livre jusqu’à la fin de 2007, date de son départ aux États-Unis.
Les primaires américaines de 2008 ont largement mis en échec les pronostics initiaux qui donnaient Hillary Clinton gagnante, relançant Barack Obama qui s’était un peu essoufflé, et surtout John McCain, dont la situation semblait désespérée. Il fait peu de doute que ces divers retournements, conjugués à la personnalité insolite des protagonistes, suscitent chez les Américains un intérêt tout particulier. En témoigne l’ampleur inédite des contributions financières, de la participation aux primaires et de l’audience des discours d’investiture. Cet intérêt prend cependant une forme sensiblement différente de celle que nous connaissons en France : moins de discussions enflammées, mais plus d’implication financière et d’affichage de ses convictions, et surtout une focalisation totalement assumée sur la personnalité des candidats, qui est mise en scène autant par les médias que par chacun des camps en présence. Il aura fallu une crise financière d’une ampleur exceptionnelle pour réorienter (mais pour combien de temps ?) l’attention sur les mesures proposées par les deux candidats.
Philosophie politique américaine : état des lieux
François HUGUENIN Spécialiste d’histoire des idées et de philosophie politique, il est l’auteur de À l’école de l’Action française (Jean-Claude Lattès, 1998), La République xénophobe (avec P.-J. Deschodt, Jean-Claude Lattès, 2001) et Le Conservatisme impossible (La Table ronde, 2006).
Depuis 1971, date de la parution du célèbre ouvrage Théorie de la justice, de John Rawls, un débat d’une intensité rare anime la philosophie politique américaine. Autour des thèmes de la justice, de la communauté ou du traitement des minorités, libéraux, communautariens et républicains ont construit un arsenal théorique de grande envergure. D’un côté, Rawls et les penseurs libertariens comme Robert Nozick prônent, dans deux versions très différentes, une vision anthropologique individualiste qui est l’essence du libéralisme contemporain. De l’autre, des penseurs aussi différents que Michael Walzer, Michael Sandel, Alasdair MacIntyre et Charles Taylor considèrent que la communauté constitue l’homme et les fins qu’il poursuit. Enfin, les républicains comme Quentin Skinner ou Philip Pettit corrigent la vision historique de la démocratie libérale par la notion ancienne de res publica. Un débat pour éclairer notre temps.
Ezra Pound, Henry Miller : une dissidence américaine
Charles FICAT Auteur et éditeur, il a récemment publié D’acier et d’émeraude. Rimbaud (Bartillat, 2004) et La Colère d’Achille (Bartillat, 2006).
Ezra Pound (1885-1972) et Henry Miller (1891-1980) comptent parmi les grands auteurs américains du XXe siècle, mais leurs relations avec leur pays d’origine ont été houleuses et complexes, puisque l’un et l’autre sont partis en Europe accomplir leur destin. Après son engagement en faveur de l’Italie mussolinienne, l’auteur des Cantos sera condamné aux États-Unis, puis interné dans un asile psychiatrique, cependant que Miller connaîtra la censure pour des œuvres jugées pornographiques. Chacun a farouchement critiqué la société américaine, ce « cauchemar climatisé ». Pourtant, ils s’inscrivent profondément dans l’histoire et la culture des États-Unis, qu’ils ont illustrées en disciples de Walt Whitman. Leurs œuvres éclairent notre temps, en cette période de forte actualité américaine, d’une lumière originale et prophétique.