L’analyse secondaire désigne l’analyse de données produites dans d’autres circonstances que celles du processus d’analyse, qu’il s’agisse de réexplorer ses propres données ou d’interroger celles recueillies par d’autres chercheurs avec souvent des hypothèses de départ différentes.
Pratiquée depuis longtemps dans le domaine de la recherche quantitative, elle en est encore à ses débuts en ce qui concerne les données qualitatives (retranscription d’entretiens, de tables rondes, notes d’observation...).
Jusqu’à une date récente, du moins dans les milieux académiques français, il paraissait impossible, voire inacceptable de décliner une pratique éprouvée dans le domaine quantitatif au domaine qualitatif. D’abord pour des raisons pratiques d’absence d’outils et de supports de capitalisation de données retranscrites et suffisamment documentées pour pouvoir faire l’objet d’une réanalyse.
Ensuite, si certains chercheurs pratiquaient une forme d’analyse secondaire de leurs propres données sans toujours d’ailleurs, employer ce terme, pour la plupart d’entre eux, les risques de réexploitations méthodologiquement mal maîtrisées, les problèmes de nature déontologique et juridique semblaient trop importants pour envisager un élargissement de cette pratique.
Pourtant, quel que soit le type d’analyse pratiqué, les intérêts de l’analyse secondaire de matériaux qualitatifs sont divers et complémentaires. Certains sont d’ordre pragmatique : il s’agit de pallier les difficultés du recueil primaire de données en repartant, à titre exploratoire, de données déjà existantes souvent sous-exploitées, avant de lancer une nouvelle enquête.
La réutilisation de données bien documentées a également un intérêt pédagogique évident pour des enseignants chargés d’enseigner la méthodologie de l’analyse qualitative. L’analyse secondaire présente également un intérêt pour faire avancer la recherche qualitative en permettant le cumul des connaissances grâce à une nouvelle interrogation des jeux de données et des corpus d’hypothèses et en rendant possible des comparaisons temporelles sur une même thématique.
Enfin, elle invite à une véritable relecture des pratiques de l’analyse primaire elle-même en posant, entre autres questions fondamentales, celles de standard de la production et du traitement de matériaux empiriques permettant l’échange scientifique entre équipes de recherche, de travail collaboratif en matière de recherche qualitative au cours des différentes étapes de la construction de l’objet, du codage des entretiens, de leur interprétation et de l’interprétation sociologique finale, d’assistance d’outils logiciels dédiés à ce type de démarche... Le paradoxe est que, chargée a priori du soupçon de conduire à des pratiques déviantes en matière d’analyse qualitative, la question de l’analyse secondaire invite à des débats entre chercheurs de différentes disciplines visant finalement à accorder une plus grande attention aux enjeux méthodologiques et épistémologiques en matière de recherche qualitative. Là est probablement, l’un des enjeux majeurs de cette question et des controverses qu’elle suscite.
Autour de cette question, Mathieu Brugidou et Dominique le Roux, chercheurs au GRETS,
présenteront au cours de ce séminaire un ouvrage collectif à paraître en 2009 .
Cet ouvrage, co-dirigé avec Magdalini Dargentas, Maître de conférences à L’Université de Bretagne Occidentale et Annie-Claude Salomon, Ingénieur d’études à l’UMR PACTE est le résultat d’une initiative conjointe de la R&D d’EDF et du laboratoire PACTE-CNRS de Grenoble qui réunit, en les intégrant, les contributions d’une vingtaine de spécialistes européens de l’analyse secondaire en recherche qualitative. Ce livre sera le premier sur ce thème en langue française.