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Anthropologie politique de la globalisation

Un ouvrage de Bernard Hours et Monique Sélim (L’Harmattan, coll. "Anthropologie critique", 2010)

publié le jeudi 6 mai 2010

Domaine : Anthropologie

Sujets : Mondialisation

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Par Christophe Brochier [1]

Le livre de Bernard Hours et Monique Selim a pour ambition de proposer des éléments d’analyse anthropologique de la globalisation comme phénomène politique s’imposant essentiellement par des normes globales. Leur idée est que la pluralité et le foisonnement mondial en matière de modèles socioculturels ne sont qu’apparents. En fait les sociétés du Nord et du Sud convergent sur les plans économiques, culturels, politiques. On le voit, selon les auteurs, en particulier pour le travail, la santé, la sécurité et l’éthique, mis au pas par le nouvel ordre mondial libéral aux ordres des intérêts de la haute finance. Il y a donc globalisation normative agencée par l’Occident et ses agences internationales relayées par de nombreuses ONG et pouvant compter sur les manœuvres, diverses mais convergentes, des élites locales. Chaque partie y trouve un intérêt : économique pour les grands organismes, moral pour les militants d’ONG, politique et financier pour les décideurs locaux.

Ces phénomènes se développent sur les décombres du tiers-mondisme à projet démocratique et libérateur des années 1960-70. Ils sont d’autant plus efficaces dans leurs effets qu’ils s’appuient sur des figures symboliques peu questionnées, notamment celles de la femme (objet de récupération culturel dans un contexte d’affirmations nationalistes), de l’étranger (à repousser), des peuples autochtones (à préserver), qui aident à la mise en conformité des comportements et des modèles. Dans les pays du Sud comme dans les pays riches, l’horizon commun devient donc celui de sociétés de consommateurs, dépossédés des enjeux politiques principaux et tournés sur eux-mêmes dans une logique frileuse et sécuritaire. Dans ce contexte, particulièrement problématique selon les auteurs, les anthropologues devraient franchir le pas de l’étude des phénomènes normatifs globaux, sortir de leurs habitudes traditionnelles, saisir à partir d’approches multi sites les modes d’intervention des différents participants et mettre en évidence les convergences et les liens entre diverses sphères.

Ce livre est en fait moins un ouvrage d’analyses fondées et documentées qu’un essai voire par moments un pamphlet. Les idées sont présentées sous une forme abrupte, à prendre ou à laisser. Le lecteur qui les partage y prendra un vif intérêt, celui qu’elles gênent subira les 280 pages du livre. Les auteurs en effet administrent une volée de bois vert à toute une série de personnes, d’organismes, de phénomènes, de tendances et d’images. La liste des coups est si longue que l’on en vient à se demander à partir de quelle position au-dessus de la mêlée ils administrent leurs critiques et au final quelle est la voie à suivre. Car ce livre d’attaques se fonde bien sur des positions morales (ou politico-morales) qui ne sont pas toujours faciles à cerner pour les non spécialistes et encore moins à fonder scientifiquement. Elles s’enracinent dans un tiers-mondisme que l’on voudrait dégagé à la fois du colonialisme, des utopies, de la bonne conscience et du néolibéralisme.

Par ailleurs le style du livre et son ton, proches de ceux du Monde diplomatique, s’éloignent des canons habituels de l’analyse sociologique et ethnologique. Cela donne beaucoup d’énergie au livre. De nombreuses formules font mouche et rallient facilement le lecteur, par exemple au sujet des ONG et de l’éthique prête à consommer. Mais le degré d’abstraction utilisé est élevé, les formulations complexes, les exemples qui soutiennent les raisonnements parfois un peu éloignés des affirmations. Beaucoup de généralisations sont trop ambitieuses pour convaincre, hormis dans les rangs des convertis. Il n’en demeure pas moins que la réflexion que proposent les auteurs est particulièrement riche et leurs problématiques stimulantes. L’idée est tentante d’une globalisation générale qui se fait par des normes et s’impose à tous lentement par des moyens divers. La thèse d’une convergence cachée par l’apparence du multiple est aussi séduisante. Les exemples donnés, souvent empruntés à des recherches empiriques passionnantes en Asie, captent l’intérêt du lecteur. Ils permettent de donner plus de force à des idées assez facilement admissibles qui sont ici ramassées et concentrées vigoureusement, par exemple au sujet des femmes prises en otages dans les logiques politiques contradictoires qui les instrumentalisent. Mais au niveau de généralité choisi par les auteurs, on ne peut convaincre que par la rhétorique et rien n’est véritablement démontrable. Les propositions avancées apparaissent, ainsi, comme autant de sujets de méditation, ouverts et pertinents, si l’on prend la liberté de ne pas saisir le livre comme un bloc.

Dès lors, une autre manière de lire ce livre peut consister à relever ce qu’il nous apprend de manière indirecte au sujet des intellectuels tiers-mondistes ayant connu les années 1970. On les imagine lassés, comme nos auteurs, par la récupération capitaliste du socialisme et l’argent roi, irrités par les manipulations médiatiques, attristés par la décomposition des idées progressistes des spécialistes du développement, agacés par les ONG et les chercheurs de bonne conscience. Beaucoup de praticiens des sciences sociales connaissant les pays en développement partagent de telles opinions. Un livre comme celui-ci permet de mettre en forme ces contestations, de leur donner une cohérence et d’inciter à poursuivre un programme de recherche et de lutte. Il ne peut toutefois pas se substituer à un travail de longue haleine d’anthropologie politique patiemment fondé sur des démonstrations empiriques et des mises au point prudentes de catégories analytiques.

NOTES

[1Sociologue, Université Paris 8

Note de la rédaction

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