De nombreux décideurs publics ou privés, des associations, des citoyens...ressentent aujourd’hui de façon cruciale la nécessité de disposer d’outils pertinents pour apprécier et guider à la fois des politiques publiques entreprises sur un territoire, la qualité de vie et les progrès de la société vers les fins qui sont les siennes. Dans ce cadre, si l’on dispose de nombreux indicateurs quantitatifs de gestion, issus des différentes formes de comptabilité, publique ou privée, les aspects qualitatifs sont relativement négligés ou demeurent peu connus.
Or, l’important est avant tout d’identifier ce qui compte pour nos concitoyennes et nos concitoyens. Il n’y a pas de définition toute faite et universelle du bien être, du développement, du progrès... que nous n’aurions plus qu’à faire appliquer par des ordinateurs. Que voulons-nous pour notre futur ici, sur notre territoire, quels sont nos objectifs ? Quelles sont les composantes de nos conditions de vie que nous souhaitons meilleures ? Que pouvons-nous concevoir comme avenir ?... Cela implique un travail d’explicitation qui a une dimension fortement qualitative et qui revient à documenter les multiples aspects de la valeur sociétale.
Ainsi, si la compétitivité économique ou l’efficience peuvent être considérées comme recherchées par certaines politiques publiques et demandées par la plupart des sociétés, elles constituent seulement des objectifs intermédiaires et non des objectifs ultimes. Les finalités d’une société, au service desquelles doit se définir toute politique publique, sont évidemment orientées vers le bien-être des populations et c’est bien cela qui doit faire l’objet de mesures. On sait aujourd’hui que le bien être ne se réduit pas à la richesse, mesurée par exemple par le PIB, et l’on s’interroge donc sur des mesures alternatives du bien être.
De plus, au-delà des dimensions techniques liées aux indicateurs, la participation de la population concernée par les politiques publiques et les problèmes sociaux apparaît comme une dimension essentielle. Cette participation est ainsi de plus en plus mise en avant lors de la définition, de la construction et de la mise en oeuvre de politiques publiques (Agendas 21 locaux, schémas de cohérence territoriaux...). Dans ce cadre, les politiques publiques locales et les territoires apparaissent comme un champ pertinent et riche d’expérimentations innovantes. Cela implique dans une large mesure une reconfiguration des modalités de gouvernance et d’évaluation pour construire ensemble un futur commun désirable.
Ce colloque international s’inscrit dans ces perspectives générales et a pour vocation de chercher à mutualiser les riches expériences nationales et internationales en matière de construction d’indicateurs territorialisés de progrès sociétal et de bien être. Il organise les nécessaires échanges de savoirs entre élus, responsables de politiques publiques, agents des collectivités territoriales, chercheurs, et avec la population, tous concernés par la mise en oeuvre et l’élaboration commune des politiques publiques locales. La perspective d’un tel colloque était prévue par un programme de recherche soutenu par la région Bretagne (ISBET-Indicateurs Sociétaux de Bien Etre Territorialisés) en prolongement d’un premier séminaire organisé par PEKEA en 2006. A cette occasion il était apparu une forte proximité avec la démarche engagée par le Conseil de l’Europe sur la mesure de la cohésion sociale et celui-ci s’engage cette fois à nos côtés. En 2007, l’OCDE s’est également rapprochée de cette démarche et de ses perspectives promouvant la « déclaration d’Istanbul 1 ».
Le colloque international, débattant des analyses fondant cette démarche et des expériences menée en de nombreux lieux, devrait permettre d’avancer vers la production de guidelines au service de tous. Ce souci est également partagé par le collectif FAIR (Forum pour d’Autres Indicateurs de Richesses) qui s’est constitué pour organiser et relancer un débat autour de la notion de richesse - lancé depuis dix ans2- au moment où le gouvernement français demandait à un petit nombre d’experts de réfléchir à un indicateur qui, mieux que le PIB, pourrait rendre compte de l’amélioration du bien être sociétal et environnemental en France.
Quels types d’indicateurs de progrès sociétal sont pertinents ? Comment les élaborer en associant les citoyens ? Comment prendre en compte les dimensions territoriales ?...constituent des questions qui sont au coeur de ce colloque.
Ce colloque colloque est organisé autour de trois thématiques :
• Reconsidérer le progrès sociétal : il s’agira dans ce cadre de réfléchir aux mesures et aux dimensions du bien être et du progrès sociétal ; on sait par exemple que la « croissance » n’est pas forcément signe d’une augmentation du bien être des populations. On ressent donc la nécessité de déterminer ce qui compte pour la société et ainsi de « mesurer autre chose » ; ceci impose de s’interroger sur la valeur et les valeurs qui sous tendent nos mesures. La question du « quoi » mesurer est intimement liée à celle du « pourquoi mesurer ». La raison de la recherche d’autres indicateurs tient ainsi à la volonté d’expliciter des fins qui sont hors d’atteinte si l’on s’en remet seulement aux valeurs actuellement prises en compte par des indicateurs qui accordent une priorité à l’économie marchande et monétaire. Il convient, par exemple, de se demander si nos concitoyens et concitoyennes n’accordent pas une importance plus grande à la santé sociale et environnementale.
• Elaborer la construction collective : reconsidérer le progrès sociétal ne peut être laissé aux seuls comités d’experts, même si les expertises de plusieurs disciplines sont indispensables. C’est aux citoyens-citoyennes qu’il faut donner la possibilité de dire quelles sont les fins à considérer et la possibilité de participer à la discussion sur la manière de les prendre en compte. La participation de la société, la délibération politique, la mobilisation de la recherche, sont indispensables pour dire et sélectionner les fins que l’on vise, et pour pondérer les critères et les procédures d’évaluation qui leur correspondent. Il faut ainsi réfléchir aux procédures et aux méthodes pour élaborer cette construction collective.
• Agencer les indicateurs locaux : il s’agira ici de réfléchir sur les territoires, les groupes et communautés au sein de la population, dont la participation est pertinente pour reconsidérer le progrès sociétal et élaborer la construction collective. Il apparaît en effet qu’il faut tirer leçon, en les mutualisant, des expériences existantes, des initiatives en cours, c’est-à-dire avoir une démarche qui parte des expériences de "terrain" sur des champs divers. Nous serons réunis aussi parce que nous avons des « expériences de construction d’indicateurs » à partager. Il s’agit donc là d’une thématique centrale pour ce colloque puisque les niveaux locaux (communautés, communes, départements, pays, régions...) apparaissent comme des lieux au sein desquels se déroulent de nombreuses expériences d’élaborations collectives d’indicateurs de progrès sociétal qu’il s’agira de mettre en commun.