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Décrire la violence

Une réponse de Cécile Lavergne et Anton Perdoncin au compte rendu de Joseph Owona Ntsama

publié le vendredi 25 février 2011

Domaine : Science politique , Sociologie

Sujets : Violence

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Par Cécile Lavergne et Anton Perdoncin

Joseph Owona Ntsama a récemment publié dans Liens Socio une recension du dernier numéro de la revue Tracés, « Décrire la violence » [1]. C’est en tant que coordinateurs de ce numéro, et membres du comité de rédaction de la revue que nous réagissons. Nous devons en effet avouer une perplexité certaine à la lecture de cette recension qui, tout en étant plutôt élogieuse, ne nous paraît pas rendre justice au projet et au contenu du volume.

Premier motif d’étonnement : nous ne reconnaissons pas, ou si peu, ce qui compose le numéro. L’auteur de la recension réduit en effet son contenu à ses seules dimensions sociologiques et esthétiques. Or, si nous publions en effet un article de sociologie de la prison (Corinne Rostaing) et un article d’analyse esthétique et politique de l’œuvre de Kara Walker (Vanina Géré), la recension fait en revanche l’impasse sur de nombreuses contributions en histoire : l’article de Raphaëlle Branche traite des modalités d’écriture de la violence coloniale, au regard de ses travaux sur la torture et les violences en Algérie ; celui de Martine Charageat porte sur les violences maritales aux XIVe-XVIe siècles et celui de Diane Roussel sur l’appréhension des violences féminines dans les archives judiciaires au XVIe siècle. L’auteur passe aussi sur la note de Juliette Denis qui articule enjeux historiographiques et enjeux mémoriels dans la saisie des violences de guerre en URSS. Quant à la contribution de Philippe Münch, elle est décrite comme une analyse de « l’affect politique comme source d’une esthétique de la violence dite “révolutionnaire” », ce qui est assez éloigné de l’argument central du texte, qui est avant tout une critique théorique des approches émotionnelles (défendues notamment par Sophie Wahnich) de la Révolution française.

La traduction d’un texte séminal de Charles Tilly sur l’analyse de la violence collective est évoquée de manière inexacte comme une analyse de la « construction sociale et intellectuel[le] et [de] son opérationnalisation dans le champ sociopolitique, historique et géostratégique européen » : il y est plutôt question de l’analyse des modes d’action collective violente qui se sont succédés en Europe, et des rapports entre ces modes d’action et la structuration sociale et institutionnelle du champ politique. Tilly s’inscrit donc plus dans une perspective génétique visant à retracer l’évolution des formes de la violence contestataire que dans une perspective constructiviste et géostratégique. L’introduction de Boris Gobille replace en outre ce texte dans le contexte intellectuel et politique des Etats-Unis des années 1960, marqué par un regain de violence contestataire et un intérêt académique accru pour l’objet « violence » dans les études historiques et politiques.
Les autres contributions ne sont guère plus présentes. Ainsi, l’article d’anthropologie visuelle de Juan Orrantia, qui tâche de saisir par la photographie les conséquences d’un massacre dans un village lacustre colombien, est totalement oublié (ou intégré à la catégorie floue et réductrice d’approche « esthétique »). L’entretien avec Randall Collins est évoqué en des termes là encore inexacts sans que la spécificité de l’approche microsociologique de la violence qu’il propose ne soit discutée. Quant à Etienne Balibar, il est qualifié de penseur « postmoderne » sans que l’on sache bien pourquoi. Bref, mécompréhension ou oubli, c’est la quasi-totalité du numéro qui est escamotée.

In fine, et c’est notre second motif d’étonnement, cette recension apparait plus comme un commentaire parfois lointain que comme une discussion des enjeux spécifiquement posés par ce numéro : que fait-on lorsque l’on décrit des phénomènes violents ? Quelles sont les échelles d’analyse, les sources mobilisables, les types de discours ou de mise en récit pertinents ? Le parti-pris descriptif défendu dans ce numéro, et explicité dans l’éditorial, visait à prendre de la distance par rapport aux approches systémiques et aux grands modèles explicatifs de la violence. Il visait à expliciter, par la mise en évidence des procédures de saisie et de qualification des phénomènes violents, les enjeux éminemment politiques liés à cet objet très spécifique (légitimation/délégitimation de la contestation de l’ordre social, enjeux mémoriels des épisodes violents, effets de déréalisation, de stupéfaction ou de dégoût provoqués par certaines « esthétiques de la violence », etc.). Ces problèmes semblent toutefois résolus d’avance lorsqu’on lit, dans la recension, qu’il est « relativement aisé » de procéder à une description de la violence. Notre perplexité augmente encore lorsque l’auteur assimile notre démarche à une approche systémique, et semble attendre de notre numéro une explication, voire une prédiction, des révolutions en marche dans le monde arabe… Nous aurions évidemment adoré pouvoir faire preuve d’une telle prescience…

C’est finalement un sentiment de déception qui subsiste, l’impression d’une occasion manquée de critique et de discussion des partis-pris et des orientations défendus dans ce numéro ; critiques et discussions que nous appelons néanmoins de nos vœux.

NOTES

[1Le sommaire du numéro est consultable sur le site de la revue : http://traces.revues.org ; le numéro est accessible en texte intégral sur Cairn.info : http://www.cairn.info/revue-traces-2010-2.htm.

Note de la rédaction

Ce texte constitue une réponse au compte rendu par Joseph Owona Ntsama du numéro de Tracés, "Décrire la violence" (n° 19, 2010/2), que vous pouvez découvrir à l’adresse suivante : http://www.liens-socio.org/Decrire-la-violence.

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