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Faire de l’anthropologie. Santé, science et développement

Un ouvrage de Laurent Vidal (La Découverte, Recherches /Terrains Anthropologiques, 2010)

publié le lundi 12 juillet 2010

Domaine : Anthropologie

Sujets : Santé, médecine , Développement

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Par Hélène Kane [1]

Dans la lignée de ses importantes contributions s’agissant des enjeux méthodologiques, théoriques et éthiques en anthropologie de la santé, Laurent Vidal nous fait bénéficier, avec la publication de cet ouvrage, d’un nouvel aboutissement de ses expériences et réflexions. Comme intitulé, l’ouvrage s’ancre dans les détails pragmatiques et réalistes du « faire » de l’anthropologie, pour s’en dégager et proposer des réflexions transversales. Comment les problématiques de santé et l’engagement des chercheurs sur des projets pluridisciplinaires questionnent les fondements scientifiques de la discipline ? Comment l’étude anthropologique intervient dans le contexte de criants besoins de développer l’offre de soins ?
L’ouvrage structure et déroule ces réflexions autour de trois grandes parties. Les deux premières « Nécessités et contraintes de la rencontre de disciplines » et « L’anthropologie face aux acteurs de la santé » se décomposent en chapitres thématiques qui correspondent globalement aux étapes qui se succèdent dans la réalisation des projets, de leurs émergences aux restitutions des résultats. Ces chapitres font intervenir, par larges séquences, les détails méthodologiques, organisationnels et de réalisation de quatre projets de recherche que Laurent Vidal a dirigé, dans leur globalité ou pour le volet anthropologique. Variés dans leurs thématiques mais aussi dans leurs agencements pluridisciplinaires et institutionnels, ces projets de recherche portent respectivement sur l’accès aux traitements du sida en Côte d’Ivoire ; les pratiques des professionnels de santé en matière de prise en charge de la tuberculose et du paludisme en Côte d’Ivoire et au Sénégal ; l’organisation du traitement de la tuberculose autour des problèmes de décentralisation et d’observance au Sénégal ; le développement des soins obstétricaux d’urgence dans deux villes du Sénégal. La troisième partie, « Expositions », interroge plus généralement quelles sont, pour l’anthropologie, les implications de ses participations à des projets pluridisciplinaires dans le champ de la santé. Plus heuristique, cette partie prend également appuis sur les quatre projets mais de manière allusive et comparative, en référence aux descriptions et réflexions des précédentes parties.

La première partie, qui porte sur la nécessité et les contraintes de la rencontre de l’anthropologie avec d’autres disciplines, explore notamment les modalités d’émergence des projets de recherche. Dans l’élaboration d’un projet, les écarts entre disciplines se révèlent dans la construction de l’objet de recherche, les choix méthodologiques, mais aussi dans des conceptions antagonistes du travail collectif. Laurent Vidal souligne combien la qualité des relations entre chercheurs est essentielle pour résoudre les tensions liées à ces positionnements respectifs. Quel que soit l’agencement trouvé dans l’élaboration initiale, la réalisation de la recherche est fréquemment amenée à des « glissements progressifs » de divers ordres - ajustements méthodologiques, réorientations thématiques,... - susceptibles de remettre en cause le projet commun.

En seconde partie, Laurent Vidal centre ses propos sur les relations de l’anthropologue avec les professionnels de santé. Le contexte de ces relations est ambivalent, dans la mesure où les professionnels de santé peuvent à la fois être ceux qui autorisent la réalisation de l’enquête, ceux qui sont étudiés dans leurs pratiques, ainsi que les principaux destinataires de l’intervention. D’autant que la présence de l’anthropologue sur le terrain est longue, il faut composer avec les craintes persistantes des professionnels de santé d’être jugés, évalués, mais aussi défendre la légitimité du regard anthropologique. Ainsi la possibilité de travailler « sur et avec » l’interlocuteur du monde de la santé peut-elle se négocier. Après avoir discuté et illustré comment les aléas du terrain font distorsion entre la « recherche imaginée » et l’ « intervention réelle », Laurent Vidal consacre un chapitre à la restitution, qu’il considère comme une nécessité éthique, déontologique et méthodologique. Il présente les enjeux de la restitution, à la fois terrain en soi, et moment privilégié pour l’intervention lorsque les participants échangent et s’engagent les uns par rapport aux autres en faveur de l’amélioration de leurs pratiques.

En troisième partie, l’auteur se dévêt des réserves jusque-là tenues avec la mise en récit de ses expériences de recherche. Ses propos s’approfondissent et convergent autour de considérations plus générales. Cette dernière partie s’ouvre sur un chapitre consacré aux nouveaux contextes anthropologiques. Laurent Vidal y présente des questionnements avisés sur les contraintes des études réalisées sur appel d’offre, la place de la justification et des vulgarisations dans le travail anthropologique, la spécificité de l’écriture anthropologique. Il explique comment la pluridisciplinarité, loin de dissoudre la discipline anthropologique, interroge par les marges ses principes fondamentaux. L’ensemble de ces réflexions aboutissent, dans un dernier chapitre, sur l’écriture de trois scénarios pour l’avenir de l’anthropologie, trois modèles pour la pratique de l’anthropologie. Le premier scénario est celui d’une anthropologie dont la production de connaissances soit l’unique objectif, pour une recherche réalisée hors des procédures d’appels d’offres, qui mise sur la monodisciplinarité, et choisit ses objets indépendamment des enjeux sociaux. A l’inverse, le second scénario est celui d’une anthropologie partagée, qui accepte le cadre que lui donnent les sciences dures, et devient une sorte de caution compréhensive. Posture intermédiaire, le troisième scénario intitulé « l’anthropologie critique » trace un ensemble de compromis et exigences pour la recherche anthropologique, que l’on avait au fil des pages devinés être ceux de Laurent Vidal. Il s’agit notamment d’assurer la capitalisation des travaux en sciences sociales, de discuter collectivement les questions de recherche et les visées d’application, de conserver une veille analytique sur la collaboration avec les autres disciplines et les professionnels de santé. Plus généralement, Laurent Vidal défend que tous les objets ne peuvent être anthropologiques. L’objet anthropologique doit a minima permettre une ouverture sur une analyse sociale plus générale et pouvoir s’incarner dans des trajectoires individuelles et sociales. Enfin les contours de l’objet anthropologique doivent être réfléchis, sans quoi ils perdent leur substance anthropologique.

Loin de tout romantisme, cette contribution de Laurent Vidal compose un « faire » de l’anthropologie réaliste et réflexif, une voie de réalisation honnête face à l’évolution des conditions d’exercice de l’anthropologie, un devenir disciplinaire intégrant la problématique de l’intervention. Dans tous ses détails, cet ouvrage intéressera les chercheurs en sciences sociales impliqués dans les problématiques de santé et de développement.

NOTES

[1Doctorante en Anthropologie de la santé (CNRS UMI 31 89) et rédactrice (Société Française de Santé Publique)

Note de la rédaction

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