Par Maryvonne Dussaux [1]
Dans Gérer les déchets ménagers en Afrique. Le Bénin entre le local et le global, Elieth Eyebiyi analyse les dynamiques locales en Afrique à partir de la question des déchets. En effet, suite à la forte croissance urbaine, l’explosion démographique et le changement des modes de consommation, le traitement des ordures ménagères est devenu un enjeu majeur dans la majorité des villes. Un peu partout se constituent des décharges sauvages qui menacent les éco-systèmes et la santé des populations. Face à la défaillance des Etats, des acteurs se sont mobilisés pour tenter d’apporter une solution sur les territoires en “mal d’ordures”. L’intérêt majeur de ce travail est l’analyse de l’organisation mise en place à Natitingon. Dans cette ville située au Nord-Ouest du Bénin (75 000 habitants répartis en 46 villages et 19 quartiers), le travail de la collecte des déchets est assuré par trois instances différentes : la municipalité et deux ONG. La première, POMME (Pour un Monde Meilleur) a été créée en 1995 et compte une vingtaine de membres. Elle dispose d’un matériel rudimentaire (un tracteur, des brouettes et des pelles) et rencontre des difficultés pour remplir sa mission. Elle est soutenue financièrement par des partenaires belges. La seconde JGOMA est née d’un regroupement de trois associations. Elle bénéficie d’un soutien important - tant sur le plan technique que financier- de la ville française de Rillieux la Pape dans le cadre du jumelage. Une convention tripartite entre l’ONG, la ville de Natitingon et celle de Rillieux la Pape, signée en 2002, précise les conditions de fonctionnement : aide de la ville, quartiers affectés à l’activité et montant des reversements des taxes perçues à la municipalité.
Resituant ce fonctionnement dans le contexte de la décentralisation qui s’est mis en place en 2003 au Bénin, l’auteur fait tout d’abord le constat de l’impossibilité pour les municipalités de remplir leurs missions car les compétences nouvelles qui leur ont été données (déchets par exemple) n’ont pas été assorties de moyens supplémentaires. Pour lui, les acteurs locaux n’ont que peu de pouvoir dans la gestion, l’Etat central gardant une partie du contrôle. Ensuite, il montre l’importance prise par les Organisations Non gouvernementales (ONG) et les pays occidentaux par le biais des financements qu’ils apportent. Ainsi, l’aide donnée dans le cadre du jumelage à l’ONG JGOMA lui a permis de développement son activité mais elle a également mis les deux associations en rivalité. Faute d’avoir pu trouver des ressources pérennes, l’association POMME risque de disparaître. Enfin, il explique que le service rendu est de faible qualité. Il s’agit simplement de collecter et de mettre en décharge sans souci de tri entre les déchets ni de valorisation. Le développement de l’activité se heurte au refus de certains habitants de payer la taxe et à des pratiques traditionnelles qui réserve les restes aux aïeux.
À ce fonctionnement, l’auteur oppose l’exemple de l’ONG Qui Dit Mieux (QDM) située à Porto-Novo, capitale du Bénin. Née de l’initiative d’un groupe de femmes, celle-ci s’est engagée dans une action de valorisation des déchets en produisant à partir de sacs plastiques récupérés des objets de consommation courante. Cette action permet à la fois de collecter les sacs plastiques, source de pollution et de créer une activité économique. A partir de cet exemple, l’auteur montre qu’il faudrait porter un autre regard sur le traitement des déchets, activité qui est devenue sur le plan international un marché plus important que celui des céréales. Il observe dans le cas de Natitingou, une déresponsabilisation des habitants, les ordures étant considérées comme étant le problème des ONG. A Porto-Novo au contraire, on commence à observer un changement dans les pratiques. Les habitants, plutôt que de jeter leurs sacs plastiques, les portent directement au siège de l’ONG évitant ainsi aux femmes le lourd travail de collecte et de nettoyage. Si cette initiative est évidemment tout à fait intéressante, elle ne concerne qu’une partie des déchets de cette ville de 230 000 habitants. Ici le lecteur reste sur sa fin et aurait souhaité – dans le cadre d’une démarche comparative - une présentation plus générale de la façon dont la ville de Porto Novo organise la collecte des déchets sur l’ensemble de son territoire. Il faudrait connaître le contexte d’intervention de QDM pour savoir si son approche, qui intègre la prise en compte de questions sociales et environnementales, est partagée par les autres acteurs locaux.
Globalement, cette étude montre la richesse d’une approche thématique qui permet de saisir non seulement les jeux de pouvoir mais aussi la complexité des dynamiques locales.