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Histoire globale, mondialisations et capitalisme

Un ouvrage sous la direction de Philippe Beaujard, Laurent Berger et Philippe Norel (La Découverte, coll. "Recherches", 2009)

publié le lundi 30 novembre 2009

Domaine : Anthropologie , Histoire

Sujets : Mondialisation , Economie

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Par Igor Moullier [1]

Le thème de la globalisation s’inscrit depuis quelques temps sur l’agenda des sciences sociales. L’ouvrage dirigé par Beaujard, Berger et Norel, deux anthropologues et un économiste, en fournit un panorama utile en rassemblant une douzaine d’articles. On y retrouve notamment les spécialistes de l’école de Californie, pionniers dans la comparaison Europe-Asie : Goldstone, Pomeranz, Wong. L’ouvrage n’est cependant pas un Reader in globalisation, au sens où l’on ne trouvera pas une sélection d’articles fondateurs visant à un tableau d’ensemble du champ. Il propose plutôt deux types de textes : d’une part des études de cas, aux dimensions souvent imposantes (ainsi Jerry Bentley sur « L’intégration de l’hémisphère oriental du monde 500-1500 ap. J.C.) et d’autre part des tentatives de théorisation des mécanismes de la mondialisation (ainsi l’article stimulant de Michel Aglietta sur « La régulation des systèmes monétaires dans l’histoire du capitalisme »).

L’ambition indiquée par le titre du livre est aussi sa faiblesse : il est difficile sur un sujet aussi vaste de proposer un point de vue cohérent. L’histoire globale peut en effet s’entendre de plusieurs manières. Une première approche est de souligner la nécessité de mettre fin à l’eurocentrisme de l’écriture de l’histoire et d’utiliser systématiquement le comparatisme comme moyen de réécrire l’histoire. La seconde approche considère la mondialisation comme un processus et cherche à en fixer les rythmes et les moments. Les auteurs de l’ouvrage précisent en introduction que l’histoire globale représente pour eux un champ plus large que la seule étude de la mondialisation, entendue dans un sens d’abord économique : l’internationalisation des marchés, l’extension du principe de division du travail et l’instauration de modes de régulation marchande ou financière transnationaux. L’approche globale est alors un moyen de mieux comprendre les transformations économiques contemporaines. Le fil directeur devient alors l’émergence du capitalisme : est-il un phénomène européen qui se serait étendu au reste du monde, ou n’y a-t-il qu’une différence de degré entre le décollage européen et les économies marchandes qu’on peut observer dans le monde indien ou chinois ?

La première hypothèse découle clairement d’une lecture braudélienne, illustrée dans l’ouvrage par l’article de I. Wallerstein. Mais elle est, au sein de l’ouvrage, minoritaire. Nombreuses sont les contributions qui, s’appuyant sur le changement d’échelle permis par l’histoire globale proposent de relativiser l’avance prise par l’Europe à partir de la fin du 18e siècle. L’anthropologue Jack Goody jette les bases théoriques de cette remise à niveau en affirmant qu’Europe et Asie, au regard des nombreuses similitudes anthropologiques qui se retrouvent dans l’organisation de la famille ou du mariage, ne forment qu’une seule et même civilisation, « eurasiatique », au sein de laquelle le leadership passerait alternativement d’un pôle géographique à l’autre. Dans cette même perspective, Jack Goldstone propose d’en finir avec l’idée d’une « révolution industrielle » synonyme de supériorité européenne, et de le remplacer par celui d’ « efflorescence », phase de croissance économique intense, mais généralement suivie d’une période de stagnation ou de crise : c’est ce que connaissent par exemple les Pays-Bas au 17e siècle, ou la Chine des Qing au 18e siècle. Ces phases d’efflorescence ne parviennent pas à s’auto-entretenir durablement, sauf dans un cas : celui de l’Angleterre. La raison en est, pour Goldstone, l’apparition d’une culture scientifique, d’une « science des machines », qui permet d’infuser durablement à l’industrie des gains de productivité.

D’autres contributeurs de l’ouvrage, comme Beaujard ou Bin Wong, placent le curseur à un niveau politique plus que culturel : soulignant à leur tour que la Chine de l’époque moderne ne disposait pas de ressources inférieures à celle de l’Europe, ils mettent en évidence l’importance des relations entre les marchands et l’Etat pour la mise en place de conditions institutionnelles favorables au développement du capitalisme. La Chine, grande puissance maritime, se ferme au début du 15e siècle, après les grandes expéditions de Zheng He. L’Etat choisit de favoriser le bien-être des populations et le commerce intérieur, le commerce extérieur étant laissé aux diasporas marchandes. En Europe au contraire, le commerce colonial est soutenu par l’Etat de manière continue, comme le montre l’exemple des Compagnies des Indes créées au 17e siècle. A des épisodes de globalisation régionale ou continentale succède ainsi une mondialisation appuyée par l’Etat, reposant sur une monétarisation poussée des échanges sociaux. Une économie capitaliste est « un commerce de promesses sur les biens futurs, avant d’être un échange de bien présents » note ainsi M. Aglietta (p. 261). Son fonctionnement suppose des instances de régulations solides : revenant dans la conclusion de l’ouvrage sur les principaux facteurs d’émergence du capitalisme, L. Berger souligne l’importance de « l’étatisation des sociétés » (p. 446). Ce n’est pas le moindre mérite de l’ouvrage que d’inciter à articuler économie, politique et histoire pour comprendre l’ampleur du phénomène de la mondialisation.

NOTES

[1Maître de conférences en histoire à l’ENS-LSH

Note de la rédaction

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