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Histoires de lecteurs

Une nouvelle édition de l’ouvrage de Gérard Mauger, Claude F. Poliak, Bernard Pudal (Editions du Croquant, 2010)

publié le samedi 17 avril 2010

Domaine : Sociologie

Sujets : Culture

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Par Frédérique Giraud

Paru pour la première fois en 1999 aux éditions Nathan Histoires de lecteurs est un de ces livres dont on doit saluer la réédition présente. Les quinze « histoires de lecteurs » réunies dans cet ouvrage gardent en 2010 tout leur intérêt. Livre sur les lecteurs écrit pour les lecteurs, telle est la façon dont les auteurs présentent leur ouvrage dans une préface appelée « Aux lecteurs ». L’ambition et l’esprit de l’ouvrage sont annoncés : appelant chaque lecteur à lire ces « histoires » à la manière des livres « dont vous êtes le héros », il autorise un parcours désordonné conviant ainsi tout type de lecteur (et pas seulement les sociologues) et propose un retour réflexif sur sa propre expérience de lecteur. A l’instar de la Recherche du temps perdu, il faudrait sitôt le livre refermé recommencer la lecture.

Jean-Claude Passeron souligne dans Le Raisonnement sociologique (1991) combien la lecture est devenue une activité incontournable qui fait d’elle une pratique culturelle pas comme les autres. Pratique culturelle la plus légitime [1] à l’aune de laquelle la diffusion de la culture de masse est jaugée. Les milieux de la culture et l’éducation s’alarment régulièrement d’une « crise » de la lecture imputée à l’influence de la télévision et de la culture du divertissement. En 1999 déjà la conjoncture scientifique et politique était marquée par des alarmes : baisse de la lecture, montée de l’illettrisme. Onze ans plus tard le paysage de la lecture est marqué par l’émergence de la lecture en ligne, des liseuses qui posent la question du futur du livre papier.

Dans la filiation des recherches menées par Hébrard et Chartier [2], se démarquant des conceptions savantes et lettrées de la lecture qui généralisent et promeuvent un modèle du « bien lire » les auteurs donnent à voir des pratiques de lecture diverses dans leur complexité et richesse [3]. Réhabilitation des lectures profanes, de divertissement loin de tout « ethnocentrisme lettré »

Les histoires de lecteurs qui constituent cet ouvrage imposant sont toujours référées à un « itinéraire de lecteur » et une trajectoire biographique (histoire familiale, cursus scolaire, carrière professionnelle..) qui composent l’arrière-fond nécessaire à la compréhension des rapports à la lecture. Par la mise en rapport des pratiques avec des données biographiques, le sexe, la génération d’appartenance, les auteurs souhaitent rompre avec l’explication des clivages culturels observés dans les pratiques de lecture uniquement par le capital scolaire et la position socioprofessionnelle des lecteurs. Le dispositif méthodologique mis en place visait à dégager pour chacune des personnes interrogées les transformations ou la permanence des goûts, intérêts et pratiques lectorales.

Fonctionnant sur la constitution de portraits de lecteurs s’imposant par leur caractère « idéal typique » du garde forestier amateur de Nietzche à l’éducatrice post-soixante-huitarde, en passant par la documentaliste autodidacte, les professeurs de lettres, le livre n’en est pas moins fortement structuré en trois parties. La première rassemble des lecteurs de la « génération de mai 68 » dont l’engagement en politique se double d’une entrée dans la lecture : l’appartenance à une même génération a-t-elle une incidence sur les pratiques de lecture ? Peut-on identifier un parcours lectoral idéal-typique de la génération de mai 68 ? La seconde partie montre le poids du domaine d’activité dans les pratiques de lectures : l’opposition entre différents groupes de lecteurs passe entre ceux qui s’occupent du « monde des choses matérielles » et ceux tournés vers le « monde des choses humaines » selon la classification de Durkheim [4]. La troisième partie s’attelle à démontrer l’existence d’un clivage persistant tant quantitatif que qualitatif dans les pratiques de lecture selon le sexe.

A l’origine de cet ouvrage, un dispositif méthodologique innovant inspiré des études de cas des historiens basées sur les inventaires après décès des bibliothèques. Un premier aperçu des pratiques de lectures des enquêtés est opéré à partir de la mise en scène du livre dans l’espace domestique : présentation des bibliothèques des enquêtés, explication des rangements et classements. Un questionnaire complète cet « inventaire topographique » des bibliothèques : une première partie vise à repérer les variables susceptibles d’influencer les pratiques de lecture, les étapes marquantes constituant un itinéraire de lecteur ; la seconde partie porte sur les logiques d’accumulation, de prescription et de circulation du livre, la troisième et dernière partie questionne les intérêts investis dans la lecture et les manières de lire.

Petit bémol cependant pour cette nouvelle édition : pas de nouvelle préface ou de note introductive présentant cette nouvelle parution plus de dix ans plus tard... Celle-ci aurait pourtant permis de mettre en parallèle les questions qui orientaient ce travail et des travaux parus depuis et qui y ont répondu. Ainsi le premier axe de travail interrogeant la relation entre capital culturel détenu et intensité des pratiques de lecture, les exceptions statistiques à la correspondance établie entre fréquence de lecture et position professionnelle trouvent-ils des échos et des réponses dans La culture des individus. Dissonances culturelles et distinction de soi [5].

NOTES

[1Coulangeon, Philippe, Sociologie des pratiques culturelles, La découverte, Repères, 2003

[2Chartier, Roger (dir), Pratiques de la lecture, Petite Bibliothèque Payot, 1993 et Hébrard, Jean, « L’autodidaxie exemplaire. Comment Valentin Jamerey-Duval apprit-il à lire ? », in Chartier, Roger (dir), p 29-75

[3Detrez, Christine, « Bien lire. Lectures utiles, lectures futiles », Bulletin des Bibliothèques de France, 2001

[4Durkheim, Emile, L’évolution pédagogique en France, Paris, Quadrige, Puf, 1990

[5Lahire, Bernard, La culture des individus. Dissonances culturelles et distinction de soi, Paris, La Découverte, coll. "Textes à l’appui/Laboratoire des sciences sociales », 2006

Note de la rédaction

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