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Introduction à la sociologie par sept grands auteurs

Un ouvrage de Nathalie Rigaux (De Boeck, 2008)

publié le lundi 23 novembre 2009

Domaine : Sociologie

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Par Elieth P. Eyebiyi [1]

Pourquoi encore une introduction à la sociologie, alors que moult ouvrages se sont déjà donné cet objectif ? L’excès de bien ne nuit pas, certainement. La différence ici est que l’auteure emprunte une approche assez originale : partir de la pensée de sept figures symboliques de la sociologie et de son évolution : les classiques Bourdieu, Durkheim, Weber, les moins connus mais aussi centraux Godbout, Goffman, Tönnies, et un plus discret, Sennett. L’ouvrage traite de deux questions complémentaires : l’identité individuelle et le lien social. S’interroger sur son propre soi amène à découvrir l’altérité, voire le collectif, puisque l’individu n’existe que par ses relations sociales. Grâce à l’analyse des deux faces d’une même réalité, individu et société, le projet sociologique se donne alors comme une construction progressive de la connaissance du soi à travers celle du monde et vice versa.

Rigaux s’appuie sur un ouvrage central de la sociologie française, La distinction (1979), pour constater à la suite de Bourdieu, la diversité des goûts et des choix individuels. En unifiant ces constatations dans le concept opératoire de l’habitus, censé être commun à un ensemble d’individus occupant des positions proches dans l’espace social, lui-même caractérisé par des types d’accès aux capitaux (pp. 21-22), Bourdieu explique que si la position sociale de l’individu génère un habitus de classe, cette structure incorporée justifie notre identité à travers nos goûts. La position sociale est constituée par l’ensemble des capitaux ou types de biens objectivés sous forme matérielle ou symbolique. Le caractère rare de ces biens, en fait des enjeux au sein du champ social. Bourdieu définit quatre types de capitaux. (1) Le capital économique est constitué par les facteurs de production. (2) Le capital culturel, incorporé, objectivé et institutionnalisé, acquis par inculcation est présenté comme étant la base d’acquisition des autres types de capitaux. (3) Le capital social perçu comme un ensemble de ressources actuelles ou potentielles liées à la possession d’un réseau durable de relations (p.29). (4) Le capital symbolique pour sa part, est la reconnaissance sociale de la possession des types précédents de capitaux.

Une fois les types de capitaux clarifiés, la construction de l’espace des positions sociales tient compte à la fois du volume des capitaux, mais aussi de leur structure et évolution dans le temps. Ceci laisse supposer que l’habitus n’est pas qu’un acquis, un substrat figé, mais un objet construit et reconstruit en permanence, par accumulation progressive d’expériences sociales. Le schéma déterministe de Bourdieu assimile le volume de capital par exemple à l’appartenance classiste des individus : ainsi, les classes dominantes sont censées détenir un volume grand de capitaux (économique, culturel, etc.) contrairement aux classes moyennes puis aux classes populaires situées en bas de l’échelle. La position de l’individu dans la structure sociale détermine son identité.

A ce niveau, il est fait appel à Goffman, pour qui l’identité est le produit des interactions successives dans lesquelles se retrouve pris chaque acteur (p.63) en face à face. C’est le résultat d’une recomposition processuelle et continue des relations ‘’instantanées’’ entre l’individu et son vis-à-vis. Si l’interaction peut être un comportement, un contact, une circonstance, il peut aussi être, sans être exhaustif dans l’énumération, un jeu, un rite, un ordre normatif défini par des règles. La caractérisation goffmanienne de l’interaction la présente comme obéissant à cinq règles : (1) préserver sa face et celle d’autrui, (2) la tenue et la déférence, (3) l’engagement, (4) l’intelligibilité du comportement et (5) les échanges réparateurs pour arbitrer les écarts aux règles prédéfinies ou convenues.
Comparant deux visions contrastées de l’identité, Bourdieu et Goffman, l’auteure montre que si pour le second le niveau d’interaction constitue l’ordre d’explication, pour le premier, c’est l’habitus et les capitaux qui en sont la substance. A la détermination de l’individu par le social que prône Bourdieu, Goffman réaffirme l’homologie structurale entre l’individu et le social, en les considérant comme étant deux faces d’une même réalité.

La seconde partie de l’ouvrage se propose de comprendre comment Max Weber et Ferdinand Tönnies analysent le lien social et la modernité. Tönnies insiste sur la distinction entre Gemeinschaft et Gesellschaft (p.115). Le premier terme désigne la communauté et insiste sur l’existence d’une volonté commune et la compréhension comme facteur unifiant des membres de la communauté, autour de règles bien définies ; il induit une certaine cohésion et une unité. La société pour sa part, est une association volontaire autour d’un intérêt particulier, ce qui induit l’existence d’une rationalité calculatrice et matérialiste (p.122) comme moyen d’identification de l’intérêt individuel au sein du corps social. Selon l’auteure, en l’absence de règles pour une association volontaire, on constate une hostilité latente de tous contre tous, puisque la concurrence se généralise jusqu’à ce que des intérêts communs surgissent (p.123). En somme, l’opposition est inhérente à la vise sociale, même ; si interrompue par des rapports d’association.

En complément, la pensée wébérienne illustre la construction de l’idéaltype et définit les formes d’actions rationnelles ainsi que celles de domination, possibles. Au sens de Weber, la modernité est un chemin vers une rationalité généralisée, comprise comme un processus central de l’évolution. Ainsi, « avec le capitalisme et le système rationnel, légal, bureaucratique qui l’accompagnent, la rationalité instrumentale [...] s’étend à l’ensemble des activités humaines » (p.141). Il est intéressant de s’attarder sur les critiques faites à Weber : entre irrationalisme et pessimisme et fatalisme, la perspective wébérienne participe d’une certaine méfiance face à la modernité et à ses dérives. Pour illustrer la modernité cependant, Tönnies étudie le passage de la communauté à la société. Pour lui, la polarité communauté/société rend compte du passage des sociétés occidentale d’avant la révolution industrielle à l’après révolution industrielle. Ainsi, la Gesellschaft est l’emblème de la modernité, corrélée avec le capitalisme et l’avènement de l’état moderne (p.126). Si Tönnies penche pour le développement des liens communautaires, Weber privilégie l’action individuelle. C’est dire que ces auteurs s’accordent sur la nécessité de trouver des modèles explicatifs autres que la communauté, pour expliquer le lien social.

Se demandant comment situer la société occidentale contemporaine dans une vision de la modernité qui se trouve confrontée aux réalités de la rationalisation, de l’Etat-nation et du marché, l’auteure fait entrer sur scène Godbout et Sennett. Mais avant, elle distingue trois ordres de phénomènes : l’ordre socio-économique, l’ordre sociopolitique et l’ordre socioculturel. A mon sens, si cette distinction est intéressante, il ne faut pas non plus négliger que le technologique prend de plus en plus de poids dans la conception et l’analyse de la modernité telle qu’elle se vit dans le monde contemporain. C’est dire que ces trois ordres d’analyse peuvent encore être détaillés à l’image des paliers en profondeurs de la réalité sociale, telle qu’explicitée par Gurvitch et Mauss. L’auteure insiste avec la pensée de Godbout et du mouvement anti-utilitariste, sur l’importance du don dans les sociétés contemporaines. En tant que lien social, le don se lit (et se vit) aujourd’hui dans le paradoxe intéressement/désintéressement (p.167) et plus encore, s’inscrit dans un système de réciprocité dans le cadre d’un cycle ternaire : donner, recevoir et rendre (p.162). Le don est devenu une logique d’échange de biens et services et selon Godbout, l’individu se lie par lui. Or, pour Sennett, c’est le piège du narcissisme et de l’idéologie de l’intimité qu’il faut éviter. Alors que Godbout fustige l’impersonnalité de l’Etat-providence, Sennett en étudiant l’architecture et l’urbanisme des villes modernes, recherche un réinvestissement de l’espace public (pp.230).

Natalie Rigaux enseigne la sociologie aux Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix à Namur (Belgique). Son ouvrage destiné aux étudiants de premier cycle, est une contribution effective à la compréhension de l’objet « sociologie ». Elle contribue en partant des conceptions de sept auteurs, à faire d’une discipline parfois perçue comme trop théorique voire trop conceptuelle, un outil de compréhension au quotidien de la vie sociale. Au fil de 294 pages, glossaire, index thématique et illustrations inclus, l’auteure s’efforce d’accomplir cette tâche à force d’exercices et de cas illustratifs. Le supplément à cet ouvrage est un ensemble de ressources pédagogiques gratuites accessibles en ligne pour achever l’immersion des étudiants autour de la connaissance de l’identité et du lien social.

NOTES

[1Université d’Abomey-Calavi, Bénin

Note de la rédaction

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