Dans cet ouvrage est posée une question simple mais essentielle pour toutes les sociétés
démocratiques et libérales. Pourquoi le processus de démocratisation des systèmes éducatifs
occidentaux a-t-il justifié un recours de plus en plus important à la pensée pédagogique dite
moderne et un discrédit progressif de l’enseignement des disciplines, de leurs méthodes et de
leurs contenus ? Cette question apparaît d’autant plus déterminante que les transformations
pédagogiques n’ont pas été portées par des débats d’idées. Elles n’ont pas eu, en réalité, pour
vocation d’apporter des solutions aux difficultés du moment, en vertu d’inspirations diverses.
L’auteur montre que ces transformations ont suivi une voie définie en profondeur. Ceux qui
orientent l’école dans cette voie entretiennent, par leur culture en sciences humaines, des
représentations de l’homme et de son développement héritées du XIXe siècle et fondées sur des
bases fragiles ou fausses. Les directions prises servent ainsi, dans leur ensemble, une idée
philosophique de l’homme et de la société qui dépasse les clivages politiques et remonte aux
premiers développements des sciences de l’homme.
En montrant comment la démocratisation des systèmes éducatifs en Occident a suscité un
appel d’idées pédagogiques opposées aux besoins fondamentaux de l’enseignement, Nathalie
Bulle met au jour une série stupéfiante de croyances fausses qui se sont constituées autour de
l’école, de ses enseignements et ses méthodes, de ses succès comme de ses échecs. Il n’y avait pas
autant de retards scolaires qu’on le prétendait lorsqu’on a réformé l’enseignement du français
dans le primaire dans les années 70 et révisé l’orientation pédagogique du collège ; les effets de la
réforme des mathématiques modernes n’ont pas été ce qu’on en a dit et ne justifiaient pas la
contre-réforme menée ultérieurement ; les transformations pédagogiques profondes de la fin des
années 80 ont altéré la réussite des élèves, diminué leur intérêt pour les lettres et les sciences, et
accentué l’inégalité des chances. Des analyses statistiques révèlent les différences en termes
d’efficacité entre les méthodes pédagogiques, notamment envers les élèves issus des milieux les
plus défavorisés. Des études historiques conduisent à renverser les liens établis entre
autoritarisme politique et méthodes fondées sur la transmission des savoirs d’une part, entre
démocratie et méthodes modernes, centrées sur l’élève, d’autre part, etc.

L’école et son double. Essai sur l’évolution pédagogique en France
Un ouvrage de Nathalie Bulle (Hermann, coll. "Société et pensées", 2009)
publié le lundi 23 février 2009
Domaine :
Sciences de l’éducation
,
Sociologie
Sujets :
Education