Par Christophe Brochier [1]
Ce numéro de la revue Politique américaine consacré à l’éducation et aux négociations de Doha est constitué de cinq articles dont 2 en anglais. La plupart de ces textes combinent un état des lieux de la question traitée usant de données structurelles et historiques et une étude de la situation sous le mandat d’Obama.
Le premier texte (Perennial problems with federal education reform in the United States par J. Mirel et M. Vinovskis) discute dans une perspective historique les problèmes structurels du système éducatif américain. Il montre que l’état fédéral américain depuis les années 1960 a montré une volonté qui ne se dément pas d’intervenir pour l’amélioration du fonctionnement du système scolaire. Mais les moyens restent insuffisants face à des objectifs trop ambitieux dans un système où la gestion au niveau local du système scolaire entraîne des disparités considérables. Dans ce contexte, le président Obama s’est dit soucieux de réformer les plans mis en place par son prédécesseur à la maison blanche, mais pour l’instant le traitement des questions scolaires s’est essentiellement fait en accordant des crédits à l’éducation dans le cadre du plan de relance. Cet argent sert essentiellement à colmater les brèches causées par la crise et on ne voit pas se profiler de grandes mesures d’unification et d’amélioration du système scolaire.
Le deuxième texte (Quelle stratégie pour l’enseignement supérieur après le plan de relance ? par J. Douglass) discute dans le détail les problèmes actuels du système de l’enseignement supérieur notamment dus à la crise financière. En effet, les Etats ont sévèrement réduit leurs dépenses en matière d’éducation supérieure et si le plan de relance peut parer au plus pressé, il n’annonce aucune perspective de résolution des problèmes du système, par exemple, concernant la réduction des frais de scolarité. Sur cette question comme sur celle de l’enseignement secondaire, l’administration Obama, malgré ses intentions et ses promesses, doit faire avec les contraintes structurelles et conjoncturelles et se montre plus qu’on ne l’avait prévu dans la continuité de l’administration Bush.
Le troisième article (Examining teacher turn-over par R. Balu, C. Beteille et S. Loeb) aborde la question moins centrale du turn-over des professeurs de l’enseignement primaire et secondaire. Il permet de constater que même si les taux ne sont guère plus élevés que dans d’autres pays comparables, ils varient grandement selon les écoles et selon les étapes des carrières individuelles. Comme on peut s’y attendre les écoles des quartiers pauvres sont plus souvent quittées que les autres. Dans ce contexte, les directeurs d’école essaient de retenir les professeurs qui donnent satisfaction. En revanche, ils apparaissent comme relativement dépourvus de moyens pour se débarrasser de ceux qui ne conviennent pas.
Ces trois articles forment un court dossier sur l’éducation qui a notamment le mérite de souligner, pour le lecteur français, les conséquences de la décentralisation en matière d’affaires scolaires. Ainsi les Etats assument une grande partie des décisions mais aussi des dépenses scolaires, ce qui a des conséquences importantes dans les moments de crise et de resserrement budgétaire. L’administration Obama se heurte à la difficulté de créer un peu de centralisation à un moment de crise budgétaire. On peut regretter cependant l’absence d’un texte permettant de discuter plus à fond les questions de pédagogie, d’échec scolaire et d’ethnicité, qui constituent un point central que le lecteur français s’attend à voir abordé au sujet des Etats-Unis.
La deuxième partie de la revue est constituée d’un article (La paralysie des négociations de Doha par E. Feldman) consacré à l’arrêt des négociations de Doha et d’un texte de J. B. Vélut sur le mouvement altermondialiste aux Etats-Unis (Rapport d’étape sur l’altermondialisme américain). Le premier texte présente notamment l’intérêt d’insister sur le rôle des subventions agricoles en Europe et aux Etats-Unis dans l’arrêt des pourparlers. Alors que le credo américain concernant le libéralisme reste fort, le poids des lobbys et l’influence des sénateurs ruraux stérilise les avancées dans le domaine agricole. Dans ce contexte structurel, le président Obama qui à l’inverse de Clinton n’a pas fait du libéralisme une priorité, ne semble pas en position de faire avancer un dossier dont l’état actuel nuit clairement au développement des pays du Sud.
Le dernier article analyse l’état de l’influence des groupes de pression institutionnalisés ou non à la suite du mouvement de Seattle. Bien que l’action des syndicats et groupes officiels ait gardé une certaine influence, l’après 11 septembre a globalement relégué au second rang les revendications des altermondialistes. Bien qu’Obama soit d’accord avec certains aspects de ces revendications (par exemple la nécessité de normes sociales et environnementales), le poids des lobbys patronaux et l’existence d’un consensus idéologique autour du libre échange conduisent à une continuité globale des politiques, visible par exemple au sujet de l’ALENA dont les termes n’ont pas été renégociés.
Au total, cette revue, encore peu divulguée, apparaît comme un moyen terme intéressant entre les revues de discussion de l’actualité et les revues scientifiques aux articles plus approfondis. Les textes sont clairs et permettent au novice ou au lecteur plus averti d’avoir accès à des informations qui font un point rapide sur une partie des sujets traités. On peut regretter cependant le trop faible nombre de pages et l’absence d’une véritable rubrique de discussion des livres publiés en France et aux Etats-Unis au cours des mois écoulés sur les thèmes abordés.