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L’enseignement supérieur dans la mondialisation libérale

Un numéro de la revue "Alfa Maghreb et sciences sociales" (2007)

publié le vendredi 14 novembre 2008

Sujets : Mondialisation , Education

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par Jean-Luc Metzger [1]

La livraison 2007 de la revue Alfa [2] contient un dossier de 200 pages, coordonné par Sylvie Mazzella, consacré aux évolutions récentes de l’enseignement supérieur et de la recherche, dans une perspective internationale. Quinze auteurs se sont en effet associés pour donner à voir ce champ d’activité et ses transformations au Maghreb, en France, au Canada, en Egypte, mais aussi au Burkina-Faso et, plus généralement, au sud du Sahara. Leurs analyses sont déclinées sous deux angles : celui de la privatisation de l’enseignement supérieur envisagé comme un service qu’il faut gérer comme un marché (idéalement mondial) ; et celui de la mobilité internationale des étudiants qui constituent un sous-segment de ce marché, estimé par l’OCDE à 1,9 million d’étudiants.

Ces analyses sont d’autant plus pertinentes qu’elles sont explicitement référées aux transformations macro-politiques et macro-économiques que l’on a pris l’habitude d’appeler mondialisation. Plus précisément, Sylvie Mazzella, dans l’introduction au dossier, rappelle que « depuis une vingtaine d’années, l’enseignement supérieur connaît partout dans le monde de profonds bouleversements ». Sous l’impulsion des institutions financières internationales, de l’OMC et de la Commission européenne, les universités et les centres de recherche d’un grand nombre de pays connaissent d’importantes réformes, dont un des points communs est que l’enseignement supérieur doit dorénavant s’envisager comme une ressource du « marché mondial ».

Quel que soit le pays étudié, au-delà des modalités particulières, il est frappant de constater que partout est réaffirmé le rôle salvateur des « acteurs » privés de l’enseignement (privé marchand, associatif ou confessionnel), et que partout l’on entend recourir à des principes et à des outils de gestion inspirés des instruments conçus pour des entreprises commerciales. La ressemblance des évolutions porte d’ailleurs, non seulement sur le contenu des réformes, mais également sur la manière même dont ces formes ont été conçues, les visées qu’elles sont supposées servir, le type de solution envisagée - la priorité accordée à la privatisation de l’enseignement. Et c’est bien parce que les auteurs ont souhaité, d’emblée, aborder la question dans une perspective globale, qu’ils ont pu identifier l’existence de traits récurrents, ce qui confirme plus généralement l’intérêt pour une compréhension sociologique des phénomènes de mondialisation.

Ceux-ci n’ont rien d’automatique et résultent clairement de l’accumulation de décisions prises par des acteurs collectifs identifiables. En ce sens, l’étrange auto-dessaisissement des Etats (d’Europe ou d’Afrique), le paradoxal renoncement des gouvernants légitimes à définir les politiques publiques d’enseignement, s’inscrit dans ce qu’il est convenu d’appeler le Processus de Bologne, et qui constitue l’étape contemporaine d’une succession de politiques libérales, dont Sylvie Mazzella rappelle qu’elles « ont eu pour effet de modifier les politiques publiques de l’enseignement supérieur, les hiérarchies des disciplines et les stratégies des étudiants ». Loin d’être un processus désincarné et surplombant, « la mondialisation » s’enracine fortement et très précisément dans une volonté politique s’imposant progressivement dans la plupart des Etats du Sud comme du Nord, et se traduisant dans des accords internationaux. Faut-il y voir le résultat d’un pur rapport de force brutal entre pays ou le signe d’une transformation plus générale de l’Etat-nation, concernant sa place dans l’orientation des sociétés et dans le gouvernement du monde ?

Sans se prononcer de façon trop tranchée, la plupart des auteurs n’en pointent pas moins le rôle démesuré de la Banque mondiale, et donnent à croire que les gouvernants des différents Etats seraient de peu de responsabilité dans la production de l’ordre (ou du désordre) actuel. Quoi qu’il en soit des responsabilités ultimes, de leur intrication, le mot d’ordre, à l’échelle mondiale, est à la diversification (et non plus à la « massification ») de l’enseignement supérieur. Cette « nouvelle » orientation recouvre plusieurs dimensions : une mise en retrait du rôle de l’Etat, l’introduction d’acteurs privés (marchands ou non), « l’autonomisation » des établissements, une plus grande articulation à la « demande » des entreprises et la plus grande sollicitation des étudiants - supposés « mobiles » - pour participer au financement de leurs études.

Comme le précise en effet Nico Hirtt, l’une des principales caractéristiques du changement intervenu dans l’enseignement supérieur, depuis la fin des années 1980, « sous la pression de puissants organismes et lobbies internationaux », réside dans « la mise en réseau d’établissements autonomes, diversifiés, en situation d’intense concurrence mutuelle », ainsi que dans l’abandon des « humanités » au profit de l’apprentissage de « compétences assurant l’employabilité et l’adaptabilité des travailleurs et consommateurs ». Ce à quoi l’auteur ajoute « une emprise croissante des milieux économiques, des entreprises, sur l’enseignement de troisième cycle et sur la recherche » (p. 25). Pour l’auteur, il ne faut pas voir dans cette évolution, une simple adaptation des établissements universitaires qui auraient, un peu partout dans le monde, conquis de haute lutte leur autonomie. « Elle participe aussi d’une politique délibérée, impulsée par les décideurs politiques, (...) qui visent au développement de la coopération entre industries et universités ». Nous serions ainsi passés de l’ère de la massification à l’ère de la marchandisation des systèmes éducatifs.

Pour le montrer, l’auteur, tout d’abord, reconstitue succinctement les étapes par lesquelles les sociétés, du Nord comme du Sud, ont abordé le développement de l’enseignement supérieur depuis les années 1950 : ce développement ne peut se comprendre sans faire référence aux évolutions de la demande de main d’œuvre qualifiée. Or, depuis plus d’une décennie, la « nouvelle économie » requiert, certes, un fort volant de personnels très qualifiés (ingénieurs, etc.), mais également un très important volume (50 %) d’emplois à faible niveau de qualification (notamment les fameux services à la personne). Dès lors, à quoi bon poursuivre la massification de l’enseignement supérieur ?

Il faut trouver d’autres solutions, comme le martèlent les rapports de l’OCDE, de la Commission européenne, de la Banque mondiale et d’autres institutions financières ou de lobbying (comme la Table-ronde des industriels européens), qui toutes, depuis au moins les années 1980, visent à « instrumentaliser l’enseignement au service de l’économie », même si, par construction, la demande des entreprises est précisément imprévisible (« l’horizon de la prévisibilité se réduit sans cesse », p. 28). Le maître mot est alors l’enseignement des aptitudes à la « flexibilité » : compétences à être adaptable et apprentissage tout au long de la vie. Et pour transmettre ces compétences d’un nouveau type, l’autonomie des universités devient une exigence rationnelle : seule la décentralisation permet en effet, par la souplesse de ses modes de fonctionnement, ainsi que par la compétition qu’elle suppose, une réactivité du système d’enseignement adaptée à la volatilité des besoins économiques.

L’autonomie, par un renversement de sens - révélateur -, désigne alors, non pas le « moyen d’augmenter la liberté académique des universités », mais « un instrument devant assurer la soumission renforcée des universités aux attentes des marchés » (p. 29). Nous retrouvons ici l’importance, non seulement de la volonté politique d’auto-dessaisir l’Etat de son rôle central, renforcée d’ailleurs très concrètement par le « définancement » des dépenses d’éducation (austérité budgétaire), mais également l’utilisation de principes et d’outils de gestion dérivés du fonctionnement des entreprises.

Nico Hirtt développe une réflexion complémentaire amenant à décortiquer le raisonnement purement marchand des promoteurs de « l’Education business » : le marché de l’enseignement supérieur mondial représente 2 000 milliards de dollars, que les investisseurs privés ne peuvent manquer de chercher à capter. Cela passe, notamment, par la création de filières d’enseignement « franchisés » : un établissement d’enseignement supérieur (du Nord) jumelé avec une université réputée du Sud, crée une formation débouchant sur des diplômes labellisés. Il faut également compter sur le développement des Corporate Universities ou universités d’entreprise (au nombre de 1 600 de par le monde).

Enfin, l’auteur insiste sur le rôle de la « déferlante internet », c’est-à-dire sur « l’offre de formation en ligne » par des entreprises ou des universités, formations accessibles du monde entier, phénomène qui peut aller jusqu’à la constitution d’université totalement virtuelles. L’une des conséquences du développement de ces technologies pourrait être la disparition progressive des universités des pays les plus pauvres « qui ne pourraient concurrencer l’offre en provenance des prestigieux établissements américains ou européens ». Ce qui renforcerait la standardisation commerciale de l’enseignement et justifierait une libéralisation accrue du marché de l’enseignement supérieur, notamment au cours des négociations des accords de l’OMC.

Après ces articles de cadrage sur l’ampleur de la « globalisation » et la marchandisation effectives de l’enseignement supérieur, plusieurs auteurs fournissent les résultats à une échelle plus localisée, comparant les évolutions des universités dans un ou plusieurs pays du Sud.

Sans pouvoir ici les présenter tous, on peut citer l’analyse de Florian Kohstall concernant l’Egypte et le Maroc. L’auteur rappelle que, depuis 2002, l’Egypte est en train de mettre en œuvre une réforme de l’enseignement supérieur, préparée avec le concours de la Banque mondiale, de l’Union européenne et de l’organisation de développement Usaid. Cette réforme s’inscrit dans un processus plus anciens de transformation et seuls sont soutenus par les institutions financières internationales les projets qui visent : « la rationalisation de l’administration universitaire ; le contrôle de la qualité de l’enseignement universitaire ; la revalorisation de l’enseignement technique » (p. 41). Le Maroc, quoi que sous des modalités plus centralisées, entreprend également de moderniser son système d’enseignement en s’alignant sur le modèle européen du LMD.

L’auteur se concentre sur le caractère commun des « instruments de la mise en œuvre et de la méthode utilisée » : les deux pays mettent en effet en place des structures ad hoc pour créer du consensus autour des réformes. La création de ces structures dites participatives, est vivement conseillée par la Banque mondiale, acteur incontournable, tant dans les financements que dans la diffusion de principes généraux d’organisation, voire de modes d’analyse (représentations) de la crise de l’université et des solutions qu’il convient de prendre. Dès lors, si ces deux pays se révèlent ouverts aux formules de réformes conçues à l’échelle transnationale, cela résulte indirectement des conseils et des grilles de lecture fournis par les institutions internationales. L’auteur pense tout particulièrement au rapport du PNUD sur le développement humain dans le Monde arabe (2004).

Ces « transferts relativement souples » des pays avancés vers les pays en développement, portant sur des principes généraux d’obtention du consensus, sont sous-tendus par des représentations évolutionnistes du système d’enseignement supérieur : il y aurait un chemin universel à parcourir, un retard que l’aide internationale pourrait aider à rattraper. Malgré tout, la mise en œuvre de ces réformes importées demeure partielle et son impact sur l’université limité. De plus, il ne faut pas sous-estimer la capacité des gouvernements locaux à utiliser rhétoriquement les arguments des bailleurs de fonds. Tout compte fait, « l’aide de la coopération internationale ne profiterait qu’à la création de quelques « centres d’excellence » et renforcerait la tendance au morcellement du paysage universitaire en Egypte et au Maroc au sein duquel les universités privées sont pionnières » (p. 49).

Cette diversité des situations et l’existence de résistances ou de stratégies d’appropriation différenciées d’un même dispositif apparaît clairement dans l’article de André Nyamba consacré au LMD dans les universités africaines du sud du Sahara. L’auteur rappelle qu’après la décolonisation, les universités, tout en restant « dans la continuité du mimétisme occidental », connaissent, à partir de 1975, une période de turbulences politiques et de remous sociaux à répétition (grèves incessantes, « années blanches ») qui remettent en cause les structures actuelles d’enseignement et qui interpellent l’incapacité des universités à répondre aux attentes des secteurs productifs (p. 79). Tandis que les économies des pays africains stagnaient ou régressaient, et que la demande pour l’accès au statut de diplômé s’accroissait, les universités s’avéraient incapables de répondre, notamment en termes de nombre d’enseignants et d’enseignants motivés (les salaires dans la fonction publique étant bien insuffisants).

Fasse au « malaise de l’université », tant du point de vue des étudiants que des enseignants, que peut apporter l’introduction du système LMD, présenté comme La solution ? En réalité, l’incapacité de l’université publique, au Burkina Faso, a été une opportunité pour que se développent une vingtaine d’établissements d’enseignement supérieur privés (marchandes ou non), qui affichent leur conformité aux exigences du LMD (argument publicitaire). Plus sélectifs et plus chers que l’enseignement public, ils emploient une partie des enseignants travaillant pour l’université publique.

Sophie Lewandowski traite aussi de l’université au Burkina Faso. Mais elle se demande « pourquoi les institutions financières internationales ont une influence grandissante sur les Etats africains ? Comment les politiques éducatives africaines ont-elles été amenées à s’inscrire dans des politiques libérales » (p. 89). L’auteur replace la question de l’influence étrangère sur l’Afrique dans le cadre plus général de la participation de ce continent au PIB mondial, aux échanges commerciaux internationaux et à la question de l’aide au développement. Celle-ci ne peut être regardée sous le seul angle du soutien désintéressé, mais comme l’un des moyens de la lutte entre pays riches pour préserver leurs intérêts géostratégiques, ainsi qu’un élément de la stratégie des institutions financières internationales. Ainsi, les programmes d’ajustement structurel ont surtout affaibli les prérogatives et les structures étatiques, ce qui permet maintenant de justifier d’autres mesures, tout aussi invasives, sous l’appellation de « bonne gouvernance ».

Le remplacement de l’aide publique au développement, par l’action de la Banque mondiale n’est pas qu’une simple substitution d’acteur. Il provoque un certain nombre d’effets directs sur l’action des Etats en matière de politique éducative, sur l’introduction d’acteurs privés (marchands), sur les représentations mêmes de ce qu’est l’enseignement supérieur, sur ses finalités, ainsi que sur le rôle et la place des diplômes. Cette institution, qui est la plus puissante organisation internationale dans le domaine de l’éducation, affirme et cherche à convaincre qu’il faut surtout développer l’enseignement primaire et le faire au moindre coût, par exemple, en utilisant des ressources locales (matériaux moins chers pour la construction des écoles, enseignants vacataires, etc.). Et surtout, le rôle de l’Etat est défini par les bailleurs de fonds, infra (ONG, entreprises) et supra-étatiques : il devra se contenter d’être le coordonateur des différents partenaires privés (à but lucratif ou non) intervenant dans le domaine éducatif. L’Etat coordonne et les bailleurs contrôlent cette coordination. Bien sûr, note l’auteur, l’Etat peut jouer de cette apparente faiblesse, se saisir des opportunités qu’offrent les réformes, voire s’en servir de façon rhétorique. Toutefois, « l’Etat n’en reste pas moins positionné davantage comme un gestionnaire de l’éducation qu’en véritable décideur » (p. 93).

D’autres articles portent sur le système universitaire français et examinent les tenants et les aboutissants du passage au dispositif de gestion qu’est de fait le système LMD. Ainsi, François Castaing analyse « les modifications structurelles induites par le poids croissant de la « marchandisation » dans le mode de fonctionnement de l’université ». L’étude du LMD est d’abord replacée dans la perspective de l’autonomie des universités : de quelle autonomie s’agit-il ? Jusqu’au début des années 1980, l’université française, dans un grand nombre de disciplines, est demeurée plutôt autonome vis-à-vis du système productif. Mais, depuis une vingtaine d’années, « nous assistons à une remise en cause de ce type d’autonomie au nom - ou par le biais - d’une autonomie de gestion extrêmement contingente ». Le glissement vers la gestionnarisation de l’enseignement et de la recherche est légitimé par plusieurs « bonnes » raisons, dont l’échec de la massification de l’enseignement, exactement comme dans le cas des pays en développement. Les universités sont, dans ce sens, mises en concurrence (entre elles et avec d’autres établissements), à la fois pour assurer une formation de qualité pour tous (service public), mais aussi pour fournir des travailleurs hautement qualifiés pour les besoins des entreprises, dans un marché réputé globalisé.

Mais, en se focalisant sur le taux d’insertion des jeunes diplômés, les promoteurs de l’autonomie gestionnaire inversent le raisonnement. Ils considèrent en effet que le chômage résulte des mauvais choix de l’université, alors que l’état du marché du travail résulte bien plus surement des stratégies des dirigeants des entreprises et de leurs actionnaires : « est d’emblée déclarée inopérante toute démarche critique à l’égard du fonctionnement du marché du travail » (p. 63). Autre contradiction soulevée par l’auteur : loin d’aboutir à l’harmonisation des cursus, le dispositif du LMD, en permettant une extrême modularité des enseignements, ne peut que faciliter leur diversification, processus renforcé par l’introduction d’une logique concurrentielle « marchande » et par la référence à des palmarès, source d’une logique de distinction entre établissements.

En ce qui concerne la mobilité internationale des étudiants, Sylvie Mazzella rappelle tout d’abord que l’émergence de l’expression « étudiant international » pointe la tension entre deux logiques d’accueil : une logique de service public, encore présente, et une logique de marchandisation de l’enseignement supérieur en termes de lutte entre établissement pour la captation des « meilleurs » étudiants. « Ce terme renvoie généralement à l’idée d’un grand marché international de l’enseignement supérieur, fluide, partagé et égalitaire ». Mais d’autres logiques interviennent, notamment les préoccupations sécuritaires dans les pays du Nord, qui conduisent à traiter les demandes d’accueil en termes de gestion des flux migratoires. Par ailleurs, l’internationalisation de l’enseignement supérieur se traduit également par l’accueil d’étudiants étrangers dans les universités des pays du Sud. Ce qui ne résout en rien la question des débouchés (du manque de débouchés) des étudiants diplômés dont l’insatisfaction produit régulièrement des mouvements de protestation, notamment pour obtenir des emplois dans la fonction publique. Ce qui conduit tout naturellement à réinterroger la question des rapports entre transformations de l’enseignement supérieur et formation des élites : « assistons-nous à la valorisation d’une « élite internationale », d’un ordre nouveau dans un espace universitaire mondial de plus en plus dual, divisé entre universités pour riches et pour pauvres » (p. 20), les premiers ne se recrutant pas nécessairement au Nord et les seconds pas nécessairement au Sud. L’essentiel réside en effet dans l’acquisition, sans doute pré-universitaire (ou extra-universitaire) d’un capital culturel particulier, celui qui permet de développer des « dispositions sociales à l’international et un « savoir-faire » reconnus sur le marché de l’emploi : savoir s’informer, chercher et diversifier l’offre internationale, accumuler tous documents de valorisation, prendre en amont la mesure de la valeur symbolique associée au lieu d’étude, maîtriser des langues étrangères, constituer un carnet d’adresse » (p. 20).

La compétition internationale aidant, « la rhétorique de la mobilité internationale et les instruments d’aide aux études à l’étranger qui l’accompagnent, loin d’entamer un mouvement de démocratisation, produisent in fine une discrimination entre des étudiants du Sud de haut niveau pris dans une noria unilatérale Sud-Nord, et les étudiants du Nord de haut niveau encouragés à multiplier et à diversifier les migrations multilatérales dans les régions Nord-Nord » (p. 21). Autre source d’accroissement des inégalités au sein de chaque pays, celle qui provient de l’insuffisance des infrastructures publiques dans les pays d’Afrique sub-saharienne. Cette insuffisance permet à des « marchands d’éducation », via la vente de formations à distance et l’implantation de filiales, de proposer des programmes d’enseignement conçus « pour le bénéfice d’une élite, celle dont les entreprises ont besoin » (p. 21). La logique marchande prend d’ailleurs une ampleur accrue car les officines commerciales créées dans les pays du Sud (Maghreb) drainent un marché Sud-Sud, les étudiants d’Afrique subsaharienne et leurs familles s’endettant.

Tout compte fait, si le dossier montre clairement le rôle des institutions internationales, financières ou non, dans l’orientation donnée aux évolutions de l’enseignement supérieur, on cherchera à le compléter par des analyses pointant la responsabilité d’autres acteurs dans la production des configurations contemporaines, qu’il s’agisse des gouvernants politiques ou des dirigeants universitaires, sans oublier une partie des enseignants eux-mêmes.

NOTES

[1Sociologue, chercheur à Orange Labs et associé au CNAM-LISE.

[2La revue Alfa est publiée par l’Institut de recherche sur le Maghreb contemporain (IRMC).

Note de la rédaction

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