Le Vendômois apparaît comme un exemple-type de ces arrondissements, et pays traditionnels, dont l’identité contemporaine prend racine dans une longue histoire, en l’occurrence celle d’une circonscription féodale reconnue IXe au XVIIIe siècle, et plus encore dans l’identité patrimoniale tirée des travaux savants et des monuments qui en ont conservé la mémoire. Si son identité historique est incontestable, son étonnante diversité géographique accroît sa représentativité en tant que contre-exemple des pays naturels mis en valeur par les géographes vidaliens au début du XXe siècle.
Le cas du Vendômois, à la fois pays historiquement constitué et espace géographique hétérogène formé de part et d’autre de la vallée du Loir, à la marge des pays naturels qui l’encadrent, illustre la diversité de la France, qui apparaît d’ailleurs elle-même comme : « un pays de pays [...] tirant son identité de sa diversité unique, et construisant son unité sur la richesse et la complémentarité de ses différences ».
L’identité ou la perception traditionnelle du Vendômois ne s’est mise en place, sous sa forme actuelle, qu’au cours des XIXe et XXe siècles. Elle trouve l’essentiel de ses racines dans un processus d’exploration du territoire, d’étude, de fabrication et même d’invention du passé par des érudits locaux, bientôt regroupés au sein de la Société archéologique du Vendômois (1862). Leurs travaux savants ont été rapidement vulgarisés, à travers une série de publications à vocation plus ou moins touristique, contribuant à mettre en place un imaginaire du patrimoine et des hauts lieux du passé local. Cette identité a été perçue depuis le milieu du XIXe siècle comme un véritable patrimoine culturel, plus tard comme un atout de l’économie locale.
C’est l’histoire de cette invention contemporaine du pays vendômois, d’abord appropriation d’un passé prestigieux par les érudits et notables locaux, facteur d’un patriotisme vendômois en émergence, plus tard cadre d’un inventaire des richesses patrimoniales prises en compte par le tourisme ligérien, que l’on se propose ici de faire découvrir au lecteur.
Cette identité n’est pas que vendômoise, elle est également percheronne par le Perche vendômois, mancelle par le Bas-Vendômois et les Vaux du Loir, tourangelle par la forêt de Gastines et la Gâtine dite « tourangelle », enfin blésoise et même quelque peu orléanaise, beauceronne et dunoise par la Petite Beauce. Concernant l’Ancien Régime, les Manceaux se souviennent que le Bas-Vendômois appartenait au diocèse du Mans, les Orléanais que l’élection de Vendôme relevait de la généralité d’Orléans.
L’identité vendômoise participe certes d’une histoire toute locale, mais elle renvoie par moment à l’histoire de la Maison de France, au Xe comme au XVIe siècle. Aujourd’hui encore, Jean d’Orléans, descendant de Louis-Philippe, « roi des Français », été titré duc de Vendôme par le comte de Paris à l’occasion de la célébration du millénaire capétien, en 1987. Si Lavardin prétend depuis 1957 au titre de « plus français des villages de France », le Vendômois pourrait lui se regarder, ainsi que le soutenait l’érudit Gabriel Plat (1877-1950), comme le « plus français des pays de la Vieille France ».
L’auteur
L’auteur, docteur en anthropologie sociale et historique (EHESS), bibliothécaire de la Société archéologique de Touraine, a notamment publié des études concernant la construction de l’identité traditionnelle de la Touraine, du Vendômois et du Val de Loire. Il participe, depuis 1993, aux travaux du séminaire de Daniel Nordman et Marie-Vic Ozouf-Marignier : L’espace français. Constructions et représentations (XVIe-XXe siècle), à l’École des hautes études en sciences sociales.