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La ville émiettée. Essai sur la clubbisation de la vie urbaine

Un ouvrage d’Eric Charmes (Puf, coll. "La ville en débat", 2011)

publié le vendredi 29 avril 2011

Domaine : Sociologie , Urbanisme, architecture

Sujets : Ville

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Par Gérard Creux [1]

Eric Charmes [2] propose d’analyser le phénomène « périurbain » dans un contexte où les contours de la ville sont de plus ou plus flous. En effet, lorsque l’on dépasse les banlieues, on aperçoit de petites villes, des villages et des bourgs qui s’inscrivent dans un paysage rural. Ces espaces ont cependant intégré celui des grandes villes et la vie quotidienne de ces habitants s’organise dans un espace urbain et non pas rural, il s’agit donc de « périurbains ». Il remarque ainsi que « La périurbanisation peut-être décrite comme un émiettement de la ville ». Ces communes périurbaines sont cependant peu urbanisées, possèdent des superficies agricoles et des espaces naturels, et se caractérisent également par un faible peuplement. D’autre part, il s’agit d’un espace privilégié de nouvelles couches sociales qui ne souhaitent pas habiter dans des quartiers populaires et qui n’ont pas accès aux quartiers bourgeois.

Cet émiettement urbain « favorise notamment la transformation de nombreuses municipalités en clubs résidentiels ». Il met en avant trois formes d’émiettement : l’émiettement politique, l’émiettement paysager et l’émiettement social. Cette transformation favorise selon l’auteur ce qu’il l’appelle la « clubbisation ». S’appuyant sur les apports théoriques de Charles Tiebout (professeur d’économie et de géographie, 1924-1968) qui proposait d’appréhender les municipalités comme des clubs, cet économiste posait l’hypothèse suivante : les habitants des communes se comportent davantage en consommateurs qu’en citoyens. De ce fait, ils n’appartiennent pas à une communauté politique (au sens territorial du terme), ils sont membres d’un club fondé sur la « jouissance partagée de biens et de services ». Ainsi, pour les périurbains, la commune est en premier lieu un « objet de satisfaction » et en second lieu seulement un « objet d’attachement identitaire et communautaire ». Les communes glissent ainsi de la sphère politique à la sphère économique.

Cette hypothèse est renforcée par l’idée d’ « exclusivisme ». Elle est étayée par les travaux de James Buchanan (économiste) qui a élaboré une théorie des clubs qui repose notamment sur l’idée de trouver le nombre optimal de cotisants afin d’assurer un certain équilibre par « le maintien de l’absence de congestion ou du moins d’une congestion supportable ». Ce qui signifie que si l’extension de la population pose problème dans les petites communes, elle affecte la qualité du paysage et par extension la qualité de la population. Et pour limiter l’accès au club, « il est plus facile de critiquer l’impact paysager de maisons en bande que de dire son refus de voisiner avec des gens qui ont de « petits moyens » ». En effet, le choix résidentiel tient compte à la fois des biens physiques et des qualités sociales du peuplement. Eric Charmes parle ainsi du « syndrome du dernier arrivé » qui touche de nombreux périurbains qui souhaitent, une fois résidant dans ces zones, être les derniers afin de conserver la qualité environnementale qu’ils recherchaient. Cet exclusivisme social reste corrélé à l’exclusivisme scolaire « car la fréquentation des établissements scolaires est déterminante pour leurs choix résidentiels ». De ce point de vue, son analyse n’est pas sans rappeler les travaux de Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot à propos des « Ghettos du gotha » et la culture d’un certain « entre soi » que l’auteur référence cependant dans son ouvrage.

Enfin, il fait une comparaison entre les clubs périurbains et les villages ruraux traditionnels. Sur le fond, d’un point de vue économique, ils fonctionnent de la même manière, « Mieux, toute commune peut être considérée comme un club, en vertu du fait qu’elle produit et gère divers équipements et services pour le bénéfice de ses administrés ». Cependant, après avoir passé aux cribles les théories économiques libérales, l’auteur explique que ce qui fait le succès du concept de « bien club », c’est le rejet de l’action publique au profit d’un contexte idéologique qui met au centre la liberté d’initiative individuelle. Et ce qui va distinguer le village rural traditionnel (en faisant référence à la notion de communauté, concept que l’auteur met en discussion) d’un club, c’est que la gestion d’un bien collectif local sera effectuée dans le premier cas par des valeurs politiques et dans le second par des valeurs marchandes. Autrement dit, la clubbisation renvoie à une logique consumériste au détriment d’une logique politique dans le rapport à l’environnement local. En même temps, si ce phénomène engendre une certaine fermeture locale, l’auteur souligne qu’elle permet une ouverture sur la vie métropolitaine de par le mode de vie de ses habitants qui travaillent essentiellement dans les métropoles.

Si la clubbisation ne touche pas toutes les communes résidentielles de manière univoque (plus elles sont aisées, plus la clubbisation est visible, et le phénomène est davantage présent en Ile-de-France), il reste, selon l’auteur, qu’une sociologie et une géographie de la clubbisation est à construire car ce qui est mis en avant, c’est peut-être une nouvelle manière d’habiter qui modifie les rapports sociaux. Il serait intéressant de mettre en lien ses propositions avec les analyses de Zygmunt Bauman sur cette nouvelle ère de la modernité qui se caractérise essentiellement par le phénomène consumériste et une culture de la mobilité qui semblent gagner les zones prériurbaines.

L’ouvrage d’Eric Charmes est particulièrement clair et limpide. Sa construction permet en permanence de garder le fil conducteur de sa démonstration à travers une critique régulière des théories utilisées et une argumentation particulièrement solide.

NOTES

[1Docteur en sociologie et attaché de recherche à l’IRTS de Franche-Comté

[2Chercheur en sciences sociales appliquées aux questions urbaines et à l’urbanisme

Note de la rédaction

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