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Le contrat sexuel

Un ouvrage de Carole Pateman, traduit par Charlotte Nordmann (La découverte, Coll " Textes à l’appui/Genre & sexualité", 2010)

publié le mercredi 2 février 2011

Domaine : Philosophie , Science politique , Sociologie

Sujets : Genre , Sexualité

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Par Damien Simonin [1]

Le Contrat sexuel de Carole Pateman, publié en 1988 aux États-Unis, est disponible depuis peu en français dans une traduction de Charlotte Nordmann, accompagnée d’une préface de Geneviève Fraisse et d’une postface d’Éric Fassin. Au croisement de la théorie politique et de la critique féministe, l’auteure propose une relecture des théories classiques du contrat social à partir d’une proposition simple : « le contrat originel est un pacte indissociablement sexuel et social, mais l’histoire du contrat sexuel a été refoulée » (p. 21). Cette approche doit ainsi permettre de « mettre en lumière la structure actuelle d’institutions sociales majeures » dans les sociétés contractualistes patriarcales (p. 25). Il s’agit donc de restituer une histoire du contrat sexuel et de la société patriarcale, à partir du contrat social comme récit fictif des origines de la société, du présupposé de la souveraineté des individus contractant et de quelques exemples de relations contractuelles existantes.

Le contrat, dans les théories contractualistes, prend place dans un récit sur l’origine de la société et fonde l’autorité et la légitimité du gouvernement civil. Le contrat originel permet donc la reconnaissance de personnes propriétaires d’elles-mêmes : la société est constituée d’individus souverains, libres et égaux, qui participent à la constitution de ce gouvernement. D’où à la fois la distinction et la dépendance entre l’état de nature et la société civile, et entre les domaines privé et le domaine public. D’où également, selon C. Pateman, un déplacement de la société civile à l’une de ses parties - le domaine public - et l’assujettissement d’une partie de cette société - le groupe des femmes. En effet, la définition des individus libres et égaux présuppose leur appartenance à la sphère publique et fonde ainsi l’exclusion des femmes du contrat social, autrement dit la liberté civile dépend du droit patriarcal.

C’est en ce sens que le contrat est indissociablement sexuel et social. Il ne s’agit pas alors seulement pour C. Pateman de montrer que le contrat social s’accompagne historiquement d’une exclusion des femmes de la société civile, mais bien plutôt de démontrer qu’en impliquant nécessairement un contrat sexuel, ce contrat social fonde théoriquement le patriarcat et donc la subordination juridique et sociale des femmes. En effet, le contrat sexuel est à l’origine d’un droit sexuel : le droit des hommes, en tant qu’ils sont des hommes, de disposer librement du corps des femmes. Le contrat social est donc un contrat passé entre hommes. C. Pateman reprend ainsi certaines critiques socialistes et féministes des théories contractualistes pour montrer que les individus contractants ne sont pas neutres mais sexués : le contrat fonde une société des frères. Elle se distingue toutefois de ces critiques, en montrant la construction théorique de l’« individu » et le caractère sexuel du droit politique, dont elle insiste sur les effets davantage en termes d’assujettissement, de domination et de subordination que d’exploitation des femmes par les hommes.

Elle discute ensuite des arguments libéraux, socialistes et féministes à propos de plusieurs exemples de contrats. Concernant le travail des femmes, le contrat de mariage peut ainsi être comparé au contrat de travail ou à un « contrat d’esclavage civil », dans la mesure où il confère aux épouses la charge du travail domestique. Il s’en distingue toutefois du fait de la construction interdépendante de la femme comme « ménagère » et du mari comme « travailleur », autrement dit parce que le « travailleur » comme l’« individu » sont par définition masculins. Autres exemples, la prostitution ou la maternité de substitution peuvent apparaître comme des contrats de travail alternatifs au mariage pour les femmes. Elles s’en distinguent toutefois, en conférant aux acheteurs un « droit unilatéral d’usage direct » du corps des femmes, qui affirment ainsi la loi du droit sexuel masculin.

Au final, on peut retenir avec E. Fassin « l’élégante simplicité de l’argument [de C. Pateman] : le patriarcat n’est pas le reliquat d’un monde ancien ; inscrit dans le « contrat social », il est constitutif de la modernité libérale. Or, non seulement le « contrat sexuel » institue l’inégalité entre les hommes et les femmes, mais il constitue aussi le sexe lui-même, soit les catégories masculine et féminine ; c’est la subordination qui les fait exister en leur donnant sens » (p. 320). Tout en regrettant une tendance à essentialiser ces catégories [2], on reconnait la critique radicale du patriarcat que permet cet argument.

NOTES

[1Doctorant en sociologie à l’Ens de Lyon, membre du Centre Max Weber, équipe "Dispositions, Pouvoirs, Cultures, Socialisations", allocataire ANRS.

[2Par exemple : « Lorsque le contrat et l’individu dominent entièrement sous la bannière de la liberté civile, les femmes n’ont plus d’autre choix que de (tenter de) devenir des reproduction des hommes » (p. 260).

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