Accueil |  Présentation  | Qui sommes-nous ?  | Charte éditoriale  | Nous contacter  | Partenaires  | Amis  | Plan du site  | Proposer un contenu

Suivre Liens socio

Mail Twitter RSS

Votre Liens socio

Liens Socio ?
C'est le portail d'information des sciences sociales francophones... Abonnez-vous !


Le couple, l’ordinateur, la famille

Un ouvrage de Laurence Le Douarin (Payot, coll. "Essais", 2007)

publié le mercredi 26 décembre 2007

Domaine : Sociologie

Sujets : Famille

      {mini}

Par Céline Costechareire [1]

Laurence Le Douarin invite, dans cet ouvrage, à observer les modes de fonctionnements conjugaux et familiaux au travers d’un prisme original, celui des usages et des rapports à l’ordinateur dans l’habitat. Elle s’applique à démontrer comment les interactions conjugales et familiales se sédimentent et se matérialisent au travers de la machine et des usages qui en sont faits au sein de l’espace domestique. Par la gestion qui leur est impartie, les objets, le mobilier ou encore les équipements ménagers, renseignent, en effet, sur la conjugalité, sur les formes de transmission intergénérationnelle ou encore sur les rapports sociaux de sexe comme l’ont déjà relevé certaines recherches [2]. L’étude de Laurence Le Douarin apporte, à ce titre, une contribution intéressante à un domaine exploité depuis peu en France.

Les perspectives analytiques retenues soulignent l’importance d’appréhender l’ordinateur et la famille en interdépendance. A l’image du couple ou du foyer qui l’investit, l’ordinateur réifie, au travers de sa gestion domestique et de ses appropriations individuelles et collectives, l’organisation familiale qui tend à distribuer les rôles de chaque membre. Il ne peut pour autant être saisi comme simple récepteur. Autour de lui se nouent et se jouent des échanges interpersonnels, des négociations, des enjeux de pouvoir qui lui confèrent une part active dans l’organisation familiale. Sa gestion requiert un ordonnancement des rôles et des tâches ; un ordonnancement qui peut bousculer et redessiner les rapports entre conjoints ou entre générations. L’intérêt de l’étude réside ainsi, pour partie, dans la prise en compte de la dynamique qui combine l’usage de la machine et l’organisation domestique.

La première et la troisième partie de l’ouvrage s’intéressent, pour l’essentiel, aux principales variables influant sur la distribution des usages de l’ordinateur au sein du couple. Est souligné l’effet du style conjugal, de l’appartenance sociale et du niveau de compétence de chaque conjoint. Les modes de répartition des tâches domestiques entre conjoints caractérisent des couples tantôt traditionnels (attachés à une complémentarité des sexes) tantôt modernistes (s’écartant d’une répartition des tâches sexuée) au sein desquels s’observent des usages informatiques différenciés entre les partenaires. Laurence Le Douarin montre comment la répartition sexuée du travail domestique inhérente aux couples traditionnels , de milieux sociaux modestes, se lit dans les usages sexués de la machine. Essentiellement masculines, lorsque l’homme dispose de compétences informatiques dont est dépourvue sa conjointe, les utilisations du micro redessinent l’attribution de certaines tâches domestiques (les courses sur le net reviennent à l’homme). A niveau de compétence similaire entre conjoints, les femmes rejouent, dans l’utilisation qu’elles font de la machine, la division sexuée du travail domestique à laquelle elles sont par ailleurs assujetties. D’une manière générale, l’hégémonie masculine en matière d’informatique trouverait réponse dans les rapports à la technique socialement masculinisés et dans le rôle d’expert attribué aux hommes qu’instituent les modes de répartition traditionnelle du travail domestique. Là encore, l’appartenance sociale et le style de conjugalité exercent une influence directe sur cette prépondérance masculine observée dans les usages de l’ordinateur.

L’auteur se demande aussi quelles logiques sociales sous-tendent le non-équipement informatique de certains ménages. Elle étudie alors les corrélations qui s’observent entre le non-équipement et l’appartenance sociale des foyers. Outre les facteurs financiers, les rapports à la technique et aux apprentissages continus que nécessite l’informatique, la culture matérielle ou encore l’absence d’entourage équipé d’ordinateurs, viendraient refréner l’acquisition d’un ordinateur. A ces variables s’ajouteraient celles du cycle de vie et de la présence ou non d’enfants scolarisés.

L’ouvrage se termine par une analyse spécifique des usages de l’ordinateur dans l’organisation domestique des couples modernistes. Il ressort que les échanges quotidiens de courriels entre conjoints s’ancrent dans le souci d’un partage égalitaire des tâches qui anime ces couples et participent du jeu des négociations conjugales inhérent à ce désir d’égalitarisme.

Bien que le livre comprenne de nombreux éléments intéressants, on peut tout de même regretter la trop grande diversité des dimensions analytiques retenues, qui nuit un peu à l’unité et à la cohérence du propos. En outre, certaines analyses mériteraient d’être davantage approfondies. En réservant l’exclusivité des questionnements aux interactions qui s’observent entre la machine, la cohésion et la régulation familiale [3], on pourrait ainsi certainement imaginer une analyse plus fouillée : si la régulation familiale éclaire sur le degré de routinisation dans la vie du ménage, l’étude des temps et des modes d’usage journalier de l’ordinateur pourrait alors ici renseigner sur la place accordée à la routine ou à la spontanéité dans la vie quotidienne de la famille ; et les rapports et les usages réservés à Internet pourraient aussi éclairer sur l’ouverture de la famille à l’environnement et contribuer à l’analyse du mode de cohésion familiale.

NOTES

[1Doctorante en sociologie à l’université Lyon 2 (MODYS) sous la direction de J.H Déchaux.

[2M.Eleb. « le roman du couple et sa scène spatiale », in Espaces domestiques, sous la dir. de B. Collignon, J.F. Staszak, Bréal, 2004 ; L. Faure-Rouesnel, « Cacher, montrer, se montrer : le chez-soi et le choix de la liste de mariage à Londres », in La maison, lieu de sociabilité, dans des communautés urbaines européennes, de l’Antiquité à nos jours, sous la dir. de F. Gherchanoc, Le Manuscrit, 2006 ; A. Gotmann, « Le vase, c’est ma tante. De quelques propriétés des biens hérités », Nouvelle revue d’Ethnopsychiatrie, 14, 1989.

[3Pour ces notions se référer à : J. Kellerhals, C. Montandon. Les stratégies éducatives des familles. Milieu social, dynamique familiale et éducation des pré-adolescents, Delachaux et Niestle, 1991.

Note de la rédaction
Un site à visiter

À lire aussi dans la rubrique "Lectures"

Une réponse de José Luis Moreno Pestaña au compte rendu de Pierre-Alexis Tchernoivanoff
Un ouvrage de Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot (Payot & Rivages, Coll " Essais Payot", 2009)
Une réédition de l’ouvrage de Katharine Macdonogh (Payot & Rivages, Coll "Petite Bibliothèque Payot", 2011)

À lire sur les mêmes sujets...

Famille

Un numéro de la revue Travail, Genres, et Sociétés (La découverte, N°24, 2010)
Un ouvrage d’Anne Verjus et Denise Davidson (Champ Vallon, coll. "La chose publique," 2011)
Un ouvrage de Françoise Picq (Editions Dialogues, 2011)
Un ouvrage d’Irène Théry (Editions EHESS, Coll "Cas de figure", 2010)

Partenaires

Mentions légales

© Liens Socio 2001-2011 - Mentions légales - Réalisé avec Spip.

Accueil |  Présentation  | Qui sommes-nous ?  | Charte éditoriale  | Nous contacter  | Partenaires  | Amis  | Plan du site  | Proposer un contenu