Chronique d’une recherche atrophiée... Après la création de l’ANR, synonyme d’avènement d’une logique de "gestion par projets" dans la recherche, une nouvelle étape vient d’être franchie dans le désengagement du CNRS. Ses responsables mettent en effet en actes leur intention affichée de se retirer d’un laboratoire sur deux dans les sciences humaines et sociales. Et ce, indépendamment des résultats des évaluations menées par l’institution elle-même. Exemple avec le cas du laboratoire lillois du Clersé, qui regroupe de manière presque unique sociologues et économistes, dont nous reproduisons l’appel ci-dessous.
Chers collègues,
Nous, membres du Clersé (UMR CNRS 8019 - Université de Lille 1), tenons à vous informer de la situation dans laquelle est aujourd’hui placé le laboratoire et interpellons la communauté des sociologues pour qu’elle réagisse.
La direction scientifique de l’InSHS du CNRS vient en effet de faire connaître ses intentions s’agissant du Clersé pour la négociation avec l’Université qui doit s’engager en fin de cette semaine. Celles-ci se résument à une mise en Formation de Recherche en Evolution (FRE). Cette décision nous semble aussi incompréhensible que dangereuse pour la pérennité de l’équipe.
Incompréhensible, dans la mesure les deux évaluations (AERES et Section 36 du CNRS) dont vient de faire l’objet le laboratoire sont favorables et concluent que :
« le CLERSE joue un rôle important dans la structuration de la recherche en sociologie et en sciences sociales dans le Nord de la France et dans la sociologie française en général » (selon l’AERES qui classe le laboratoire en A)
et encore que « Le CLERSE présente tous les critères justifiant son maintien dans le statut d’UMR du CNRS avec tous les éléments qui s’y attachent, accès aux bases de données du CNRS, affectation de personnel du CNRS, dotation du CNRS et gestion du CNRS. » (selon la Section 36 qui rend un « avis très favorable »).
Dangereuse, parce qu’en dépit de ces évaluations positives, l’unité se trouve mise en situation transitoire quand elle devrait s’atteler à consolider ses acquis.
Cette intention de déclassement, portée par l’InSHS, remet de fait profondément en question le rôle et l’intérêt des instances et procédures d’évaluation dont nous pensions, manifestement à tort, qu’elles avaient pour vocation d’aider à la décision et au pilotage lors des arbitrages de politique scientifique. Elle est la preuve que des procédures gestionnaires continuent de vouloir s’imposer en lieu et place d’une véritable politique scientifique autonome et indépendante.
Mais cette manœuvre n’est pas encore arrivée à son terme : des négociations entre l’université et l’InSHS sont prévues à la fin de cette semaine. C’est pourquoi nous interpellons de toute urgence la communauté des sociologues pour qu’elle apporte son soutien aux membres du Clersé face à un désengagement avéré du CNRS dont la direction promettait pourtant l’absence de toute « désUMRisation » à court terme. Au-delà de notre propre situation, c’est aussi un message adressé aux instances scientifiques pour souligner notre solidarité face à des décisions qui paraissent inconsidérées.
Pour manifester votre soutien, merci d’envoyer dans les meilleurs délais un message à l’adresse suivante en mentionnant simplement le texte « je soutiens le Clersé » sous votre nom, prénom et attache institutionnelle : soutien-clerse@univ-lille1.fr
Pour les membres du Clersé,
Sébastien Fleuriel, Clersé, UMR CNRS (8019)
Université de Lille 1