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Le sport comme métier ? Les STAPS des études à l’emploi

Un ouvrage sous la direction de Léa Lima et Philippe Mossé (Octarès, coll. "Le travail en débats", 2010, 153 p., 23€)

publié le vendredi 25 juin 2010

Domaine : Sociologie

Sujets : Education , Sports et loisirs , Formation

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Par Igor Martinache

La « réforme » en cours de l’Université et les mobilisations qu’elle n’a pas manqué d’entraîner ont rappelé, s’il en était besoin, que cette institution était traversée par une tension entre professionnalisation et développement des facultés personnelles en vue de former des citoyens informés, proches de l’idéal renaissant de l’« honnête homme » (ou femme) cher à Pic de la Mirandole et aux Encyclopédistes [1]. Si la première finalité semble aujourd’hui avoir pris le dessus politiquement - et idéologiquement-, cette problématique ne se donne sans doute particulièrement à voir dans le cadre de la filière STAPS (Sciences et techniques des activités physiques et sportives). Créée en 1975 dans le cadre de la loi Mazeaud, la 74e section du CNU (Conseil national des universités ) répondait à une volonté ancienne de donner une dimension scientifique à l’éducation physique et sportive (EPS). L’objectif premier de cette filière était donc la formation des enseignants d’EPS, transférés en 1981 du Ministère de la Jeunesse et des Sports vers celui de l’Education nationale - aboutissement là encore d’une longue revendication [2]. Et ce d’autant plus qu’avec la loi Avice de 1984, alors que les UFR STAPS succèdent aux UER EPS, entérinant l’« universitarisation » de cette formation, la création du brevet d’Etat de la Jeunesse et des Sports venait renforcer sa coupure d’avec les autres métiers de l’encadrement sportif. Or la réduction drastique du nombre de postes au CAPEPS (Concours d’aptitude au professorat d’éducation physique et sportive) entamée depuis 2003 a logiquement remis en cause ce débouché « naturel » des STAPS et obligé ses responsables à envisager des alternatives, alors même qu’en 1995 était abandonnée la sélection à l’entrée de cette filière, dérogeant à la régle générale de l’Université.

C’est donc dans ce contexte qu’interviennent les différentes contributions réunies dans ce volume et répondant en fait à une commande de l’ONMAS (Observatoire national des métiers de l’animation et du sport) sur l’insertion professionnelle des diplômés de STAPS. La première partie s’intéresse ainsi au rapport que ces étudiant-e-s entretiennent à leurs études, en gardant en vue leur spécificité qui est d’aspirer à convertir leur « passion » en métier. Caractéristique qu’ils partagent cependant avec les étudiants de filières artistiques, c’est pourquoi les enquêtes par questionnaires dont Séverine Landrier rend compte dans sa contribution les comparent avec des étudiants en musicologie et des « généralistes » de la filière AES (administration économiques et sociale). Si beaucoup d’étudiants en STAPS poursuivent donc une carrrière sportive amateur en parallèle de leurs études, leur degré d’implication est cependant variable ; et l’auteure relève ainsi, de manière peu surprenante , que plus celui-ci est élevé et plus les étudiant-e-s sont tournées vers la recherche de performance et visent les métiers de l’entraînement, mais aussi qu’ils sont davantage intéressés par les sciences humaines et sociales, ce qui paraît moins intuitif. L’auteure envisage les facteurs motivant -ou non- la poursuite d’études, en notant que les étudiants en STAPS se distinguent par le fait que ces motivations évoluent au fil du temps. La notion de « carrière » telle qu’employée par Howard Becker ou Everett Hughes apparaît ainsi particulièrement appropriée pour rendre compte de la trajectoire de ces étudiants, qui ont par ailleurs tendance, comme le pointe l’auteure, à internaliser les raisons de leurs réorientations, autrement dit à faire tenir à des facteurs subjectifs ce qui tient en fait en grande partie aux contraintes externes. Ce concept de « carrière » est précisément au coeur de l’article de Vérène Chevalier, Cyril Coinaud et Yvette Grelet, à partir d’un matériau en partie commun à la précédente. A partir des mêmes comparaisons, ils étudient ainsi le rapport entretenu aux études et constatent ainsi que « les parcours d’amateurs se constuisent donc comme des carrières, c’est-à-dire à travers une succession d’ajustements constants et séquentiels entre les représentations que les pratiquants se font de la pratique et le champ des expériences possibles proposé par l’institution » (p.56), tout en notant que le « choc culturel » résultant d’une inadéquation entre attentes et contenu de la formation est cependant moins fort en STAPS [3] que dans les autres filières, y compris celles qui partagent ce caractère « vocationnel ».

La deuxième partie de l’ouvrage est consacrée à l’insertion professionnelle proprement dite à la sortie des études. Mickaële Molinari-Perrier s’appuie ainsi sur l’enquête longitudinale « Génération 2001 » du Céreq pour étudier le devenir des diplômés de STAPS, dont elle rappelle qu’ils sont pour les trois quarts masculins. Elle met ce faisant en évidence un désajustement assez important, c’est-à-dire une inadéquation entre formation et emploi, puisque seuls 40% de la cohorte occupe un emploi dans ou en liaison avec le sport à la sortie des études, et 45% 3 ans après. Or ce désajustement est lui-même associé à une probabilité de déclassement - c’est-à-dire d’occupation d’un emploi dont la qualification est inférieure à celui du diplôme atteint- plus élevée, tandis que les diplômés de STAPS sont de plus davantage exposés aux emplois à durée déterminée -notamment les emplois jeunes-, et à des niveaux de salaires relativement faibles, eux-mêmes liés à l’organisation structurelle de l’emploi dans le secteur sportif, où la frontière entre professionnalisme et bénévolat est particulièrement floue [4]. Cette approche quantitative est complétée par Nathalie Lerouw, Nadine Haschar-Noé, Nathalie Le Roux (sic) et Loïc Gojard qui ont mené une trentaine d’entretiens approfondis auprès d’individus isssus du panel de l’enquête « Génération 2001 » six ans après leur diplôme. Ils dressent ainsi une typologie de ces derniers en fonction de leur rapport à l’emploi et au travail, c’est-à-dire au statut de leur emploi (CDI ou contrat à durée limitée notamment) et de leurs conditions de travail envisagées d’un point de vue de satisfaction subjective, largement inspirés en cela de la typologie de Serge Paugam [5] croisant ces deux dimensions, qu’ils adaptent donc à la question des diplômés de STAPS. Ils distinguent ainsi notamment deux situations d’ « intégration assurée » selon que les individus considérés aient trouvé un emploi stable et satisfaisant dans l’enseignement ou l’animation sportive, réalisant ce faisant leur « vocation », ou qu’ils exercent à un poste de gestionnaire, au prix d’une « bifurcation assumée ».

Ces deux pôles en tension se retrouvent en fait au sein même des formateurs de la filière STAPS, auxquels est consacrée la contribution de Philippe Terral. Si celui-ci convoque un cadre théorique et un matériau empirique à première vue impressionnants, il s’emploie en fait essentiellement à développer la description de la tension, bien connue des intéressés, entre les enseignants-chercheurs du supérieur, héraults d’un rapport « académique » à la formation dispensée, et les enseignants détachés du second degré - particulièrement nombreux dans la filière STAPS-, davantage porteurs d’une conception « professionnalisante » de celle-ci. Si des enjeux de domination symbolique se jouent ainsi entre les deux catégories, l’auteur s’efforce cependant de montrer les « visions du monde » qui structurent au-delà ces conceptions opposées de leur mission, tout en concluant sur le constat d’une « crise professionnelle » face à laquelle ces enseignants se trouveraient aujourd’hui dans un contexte de « managérialisation » de l’enseignement universitaire, au premier rang desquels leur filière se situerait, et qui les forcerait à une véritable conversion professionnelle. Hubert Amarillo complètent cette troisième partie consacrée aux « acteurs de la relation formation-emploi » en s’intéressant à une autre catégorie d’intermédiaires, cette fois non plus dans le champ académique, mais sur le « marché » de l’emploi. Par une démonstration aussi fine qu’éclairante, ils mettent en évidence la force des « liens forts », informels mais approfondis, dans le secteur sportif, qui laisse finalement une place marginale aux intermédiaires institutionnalisés. La famille et le monde fédéral occupent ainsi une place primordiale dans la transmission et la validation du « capital sportif » [6] qui, combiné à l’appartenance locale, joue un rôle plus important que les diplômes formels dans le recrutement des cadres sportifs, sur un marché du travail « quasi-fermé » mais où paradoxalement la précarité est important du fait du caractère informel de cette clôture [7]. Les auteurs constatent cependant que les intermédiaires institutionnels tendent cependant à occuper une place croissante avec l’augmentation du nombre de diplômes STAPS, mais sous des formes cependant relativement originales et « actives ».

Les lecteurs assidus seront enfin récompensés par la conclusion stimulante de Léa Lima et Philippe Mossé, qui proposent une analyse de cette question de l’insertion professionnelle des étudiants en STAPS à partir du cadre de l’économie des conventions qui envisage la « rencontre » entre offreurs et demandeurs de travail comme médiées par des conventions largement informelles, c’est-à-dire des « systèmes d’attentes réciproques ». Trois de ces conventions coexistent ainsi selon eux dans l’emploi sportif, source de malentendus et de désajustements potentiels entre les agents engagés : une convention « méritocratique », une convention « de performance » et une convention « marchande ». Ils invitent ce faisant, à l’instar des différents articles réunis dans cet ouvrage à aborder une « vision pluraliste du marché du travail », attentive aux « représentations « opératoires » des agents », mais aussi à distinguer différentes composantes du « capital sportif » spécifique à ce champ (relationnel, réputationnel, social et corporel), ayant chacune une influence propre dans la trajectoire d’insertion des individus engagés dans cette filière. Au final, si certaines contributions peuvent paraître enfoncer quelques portes ouvertes, sembler parfois quelque peu verbeuse au détriment de l’approfondissement des pistes envisagées, le volume ainsi constitué apporte malgré tout des éclairages utiles sur le secteur sportif, mais invite également à réfléchir à la délicate articulation entre « passion » et insertion professionnelle qui se pose bien au-delà de ce seul domaine. Et force est de constater que c’est bien plus souvent la première qui s’aligne sur la seconde que l’inverse...

NOTES

[1Voir entre autres le numéro de la revue du MAUSS, « L’Université en crise. Mort ou résurrection ? » (n° 33, 2009)

[2Sur l’action collective mal connue des enseignants d’EPS, notamment dans le cadre du SNEP-FSU, voir Michaël Attali et Benoît Carritey (dir.), Le SNEP, une histoire en débat, Dijon, Éditions universitaires de Dijon, 2005 ou Guilhem Véziers, Une histoire syndicale de l’éducation physique (1880-2002), Paris, Syllepses, 2007

[3Et objectivable par les taux d’abandon et de réorientation

[4Voir Vérène Chevalier et Sébastien Fleuriel, « Travail bénévole et marché du travail sportif », Les Mondes du travail,n°5, 2008, pp.67-79

[5Le salarié de la précarité, Paris, PUF, 2001

[6Voir Jean-Michel Faure et Sébastien Fleuriel (dir.), Excellences sportives, Bellecombe-en-Bauges, éd.du Croquant, 2010

[7Contrairement aux groupes professionnels, notamment dans les professions libérales, qui ont su se doter de barrières à l’entrée institutionnels, par les qualifications et/ou un numerus clausus

Note de la rédaction

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Sous la direction de Martine Fournier (Nouvelle édition entièrement revue et augmentée), Editions Sciences Humaines, 2011)
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