Affinités électives ou liaisons dangereuses : le sport et les idéologies depuis le XIXe siècle
Paul DIETSCHY
Ancien élève de l’École normale supérieure de Fontenay - Saint-Cloud, agrégé d’histoire et docteur en histoire contemporaine, il est maître de conférences en histoire du sport et en histoire contemporaine à l’université de Franche-Comté et chercheur au Centre d’histoire de Sciences Po.
« Pour un monde meilleur » : c’est avec ce slogan d’une naïveté confondante que les athlètes français préparant les Jeux olympiques de Pékin ont voulu exprimer leur attachement aux droits de l’homme. Oubliant que les régimes totalitaires ont également prétendu construire un « monde meilleur », ils n’en sont pas moins sortis d’une neutralité longtemps revendiquée par les grandes organisations sportives (CIO, FIFA...), dont les statuts comportent par ailleurs des articles inspirés des droits de l’homme. Vœux pieux ou leçons tirées des erreurs passées, ces résolutions signaleraient-elles une « fin de l’histoire » dans le domaine du sport, qui ferait de celui-ci le réceptacle de l’idéologie de la démocratie libérale occidentale ? L’ampleur des critiques contre l’apolitisme du mouvement sportif rend compte de la puissance symbolique du sport, celle que l’histoire a montrée. Ainsi, le sport, par sa plasticité fondamentale, endosse tous les habillages idéologiques du xxe siècle, tout en restant un agent efficace de l’occidentalisation du monde.
Genèse, essence et mortalité des sports
Patrick CLASTRES
Agrégé d’histoire, professeur de khâgne à Orléans et chercheur rattaché au Centre d’histoire de Sciences Po, il vient de publier les Mémoires de jeunesse de Pierre de Coubertin (Nouveau Monde Éditions, 2008) et Jeux olympiques. Un siècle de passions (Les Quatre Chemins, 2008). Avec Paul Dietschy, il est l’auteur de Sport, sociétés et cultures en France du xixe siècle à nos jours (Hachette, 2006).
Les sports ont colonisé la planète et se sont imposés à la fois comme loisir et comme spectacle. Leur présence est telle que nous les croyons éternels. Toutefois, comme les civilisations dans lesquelles ils s’inscrivent, les sports sont bel et bien mortels. Les sports de l’Antiquité sont-ils vraiment des sports ? Les sports modernes sont-ils les héritiers des jeux médiévaux ? Selon l’auteur, les différents sports, progressivement régulés entre le xvie et le xixe siècle, se constituent en famille sportive au cours de la première mondialisation (années 1880-1910). Quatre nouvelles formes sportives qui ont en commun de rejeter le sport compétitif et fédéral sont apparues depuis les années 1960 : les sports de glisse, les sports extrêmes, les sports verts et éthiques, les sports virtuels. Par leur côté « vieux sports », du fait aussi de la sélection sportive sur des bases nationales, les Jeux olympiques semblent en décalage croissant avec les jeunesses, du moins celles des pays riches. Survivront-ils sans prendre en compte les sports postmodernes et hypermodernes ?
Le sport, révélateur des nouveaux défis identitaires
Frédéric SAMPSON
Ancien élève de l’École normale supérieure-Ulm et de Sciences Po Paris, où il a été chargé de cours (enjeux politiques), il est le coordonnateur éditorial des Rapports mondiaux de l’UNESCO, dont le second paraîtra à l’automne 2008, sur le thème des défis de la diversité culturelle.
Vecteurs de paix et d’amitié entre les peuples pour les uns, ou véhicules de la violence raciste et xénophobe pour les autres, les grandes compétitions sportives sont un révélateur des défis identitaires de ce début de siècle. Bien sûr, la tentation de les instrumentaliser à des fins politiques ou autres reste tenace. Mais dans un monde à la recherche de nouveaux universaux, le sport ne représente-t-il pas un chemin qu’il serait déraisonnable de négliger ?
Olympisme : des jeux d’argent ? Pour un modèle économique efficace et régulé
Jean-Charles TRÉHAN
Diplômé de Sciences Po Paris et de l’ESSEC, cadre dirigeant dans un groupe international d’origine française, il a auparavant travaillé dans plusieurs cabinets ministériels à Bercy. Il a contribué aux travaux de la Fondation pour l’innovation politique et est notamment l’auteur d’un article sur l’argent dans le football, intitulé « But en or », paru dans le numéro 2 de 2050 (juillet 2006).
Il est de bon ton de déplorer les relations coupables qui uniraient olympisme et argent. Ces liens sont devenus à tel point indéfectibles qu’il convient de travailler à les rendre plus efficaces, plus transparents et bénéfiques au plus grand nombre. À mi-chemin entre l’angélisme qui magnifierait le supposé âge d’or d’un olympisme « propre » et les sirènes hurlantes d’un capitalisme sans vergogne, ne reste-t-il pas une place pour l’émergence d’un cercle plus vertueux ? L’argent a sa place dans le monde du sport et de l’olympisme, et même une place méritée tant l’injection de capitaux privés a permis des avancées. Si l’activité sportive tend à ressembler à une activité économique classique, il devient plus que jamais nécessaire de lui adjoindre des mécanismes de régulation afin de la prémunir des dérives. Pour garantir le spectacle, laissons ce nouveau modèle économique, efficace et régulé, en créer les conditions.
Entre deux feux
Philippe LE GARS
Grand reporter à la rubrique cyclisme de L’Équipe depuis 1992, il a couvert pour le quotidien sportif quinze Tours de France et les plus grands événements cyclistes, mais aussi les Jeux olympiques de Sydney, en 2000. Il collabore régulièrement à Vélo Magazine. Spécialiste du sport dans les pays de l’Est et en Allemagne, il est l’auteur de la biographie de Gilbert Duclos-Lassalle, Au cœur de la course (Amphora, 1997).
La polémique sur les Jeux de Pékin 2008 et le passage mouvementé de la flamme olympique dans les rues de Paris en avril dernier laissent apparaître de nouveaux rapports entre le sport et la politique et surtout une évolution dans leur traitement. Les problèmes du Tibet concernent-ils le sport dans son ensemble, et dans quelle mesure doivent-ils être appréhendés par la presse sportive ? Le journaliste sportif est de plus en plus confronté à l’impact de l’actualité, où sa sensibilité le pousse souvent hors de son champ d’action traditionnel. Mais il ne peut occulter le poids de plus en plus important des faits de société et de la politique dans l’évolution du sport. Ils sont désormais étroitement liés, la presse sportive y est tout naturellement confrontée.
Fans, ultras, hools : Le football entre spectacle de masse, politique et violence
Patrick MOREAU
Docteur en histoire, docteur d’État en sciences politiques, chargé de recherche au CNRS, UMR 7043 « Cultures et sociétés en Europe », à Strasbourg, il est l’auteur de nombreux ouvrages et articles portant sur le national-socialisme, l’extrême droite et le communisme en Europe.
Les rencontres de football dans toute l’Europe sont de plus en plus fréquemment accompagnées d’affrontements violents provoqués par les hooligans et certains groupes d’ultras. Le racisme est lui aussi présent. L’extrême droite, dans les tribunes et à la sortie des stades, veut utiliser ce potentiel de violence et l’inclination raciste de certains spectateurs des matchs pour politiser et radicaliser les masses, surtout les jeunes. L’analyse présentée vise à mesurer la place réelle de cette dernière dans les phénomènes de violence, mais aussi à préciser les modes d’organisation, les pratiques et la culture politique et sportive des différents types de fans.