" L’espace, nous dit Perec semble être, ou plus apprivoisé, ou plus inoffensif que le temps : on rencontre partout de gens qui ont des montres, et très rarement des gens qui ont des boussoles. " Nul doute que cette idée s’applique particulièrement bien à un domaine où le temps s’impose de tout son plein : l’enseignement.

Le temps est en effet une variable centrale du quotidien des professeurs. Combien de semaines, par exemple consacrer à telle partie du programme pour espérer le parcourir dans sa totalité ? Combien de minutes pour que les élèves, y compris les plus faibles, se familiarisent avec l’exercice proposé ? Comment savoir, encore, si telle décision prise sur le vif pour répondre à une remarque inattendue d’un élève. fera progresser le savoir ? On le voit, le temps de l’enseignement est lié à des thématiques variées : l’efficacité et l’équité des pratiques, leur nécessaire part d’improvisation, la gestion des hétérogénéités des élèves...

Une étude empirique rigoureuse permet toutefois de frayer un chemin dans cet ensemble dense et conduit le lecteur à un changement de perspective. Tout en reconnaissant que le professeur " s’arrange" quotidiennement avec le temps qu’on lui impose (celui de l’horloge, des élèves, etc.), il s’agira de le considérer peu à peu comme un véritable auteur de temps : celui du passage de l’ignorance au savoir pour un ensemble d’élèves donné. Avec ce renversement, c’est toute une conception des pratiques d’enseignement qui peut être déployée. Elle aboutit dans cet ouvrage à l’émergence d’un concept nouveau pour l’étude de l’action des professeurs : celui de la visibilité didactique.

L’auteure

Marie-Pierre Chopin est maître de conférences de Sciences de l’éducation à l’université Victor Segalen Bordeaux 2 et chercheur au sein du laboratoire Cultures, éducation, sociétés (LACES) équipe DAESL (Didactique et d’anthropologie des enseignements scientifiques et langagiers).