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Le travail militant

Un ouvrage sous la direction de Sandrine Nicourd (Presses universitaires de Rennes, coll. "Res Publica", 2009)

publié le mardi 22 décembre 2009

Domaine : Science politique

Sujets : Mouvements politiques et sociaux

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Par Luc Sigalo Santos [1]

L’ouvrage collectif dirigé par Sandrine Nicourd et publié aux Presses universitaires de Rennes en 2009 constitue une nouvelle contribution à la sociologie de l’engagement. A travers une série de neuf contributions relativement courtes et articulées autour de trois axes principaux, l’ouvrage revisite la question de l’engagement militant au prisme du travail quotidien que celui-ci implique. Mettant à profit les développement récents sur le militantisme issus de la sociologie politique française (notamment autour d’Olivier Filleule, Frédéric Sawicki et Johanna Siméant), cette contribution collective à l’étude du « militantisme au quotidien » adopte un point de vue à la fois intéressant et orignal qui consiste à mettre en évidence les conditions organisationnelles qui rendent possible l’accomplissement du travail militant.

Partant du postulat théorique que les organisations militantes ne sont pas réductibles à la somme des militants qui les composent, les auteurs prennent leurs distances avec des lectures plus individualistes de l’engagement. De ce point de vue, l’accent est davantage mis sur l’analyse des contraintes institutionnelles qui contribuent à produire conjointement de l’engagement et du désengagement que sur les raisons individuelles qui peuvent par ailleurs les motiver, sans pour autant que la dimension individuelle ne soit éludée. L’un des mérites de l’ouvrage repose en effet sur la mise en œuvre d’un « jeu d’échelle » maîtrisé et constructif qui articule le « méso sociologique » (au niveau de l’organisation) et le « micro sociologique » (au niveau des individus qui la composent). Ceci est rendu possible par la mise en œuvre de la démarche ethnographique, au sein de laquelle les trajectoires individuelles (entretiens) éclairent de manière fructueuse les conditions de réalisation du travail au quotidien (observation directe, observation participante).

La première partie de l’ouvrage, intitulée « Les organisations et le travail militant », donne à voir les différentes façons dont les collectifs militants « impliquent » les individus qui les composent : à travers la mise en œuvre d’une forme particulière d’organisation du travail aboutissant à l’émergence d’une « morale prud’homale » dans le cas des Prud’hommes (Laurent Willemez), par le biais d’un travail précoce de détection de la « vocation sacerdotale » en qui concerne l’institution catholique (Philippe Cibois), ou encore par la multiplication des dispositifs de soutien aux détenus politiques et la fétichisation de la figure du « martyr » [2] dans le cas des militants indépendantistes basques (Isabelle Lacroix).

La deuxième partie de l’ouvrage, intitulée « Comment se construisent les compétences militantes ? » s’attache plus particulièrement à identifier les répertoires d’action au fondement du travail militant. Etablissant une comparaison entre engagements associatif et syndical, la contribution de Sandrine Nicourd montre de quelle manière les compétences militantes acquises au sein d’une organisation peuvent être par la suite réinvesties dans une autre organisation, sous réserve que celles-ci partagent une idéologie commune (en l’occurrence, la disqualification des « logiques d’appareil »). Étudiant le rôle d’intermédiaire entre les habitants et les pouvoirs publics qu’occupent les militants d’une association de locataire de banlieue, Elsa Lagier souligne quant à elle l’importance de la socialisation religieuse islamique dans le façonnement de leurs compétences militantes. Enfin, Béatrice de Gasquet analyse les différentes manières dont deux synagogues atypiques « fabriquent » des militants, en portant une attention particulière aux rapports sociaux de sexe qui s’y déploient.

La troisième et dernière partie de l’ouvrage, intitulée « Fragilité des collectifs d’engagement », s’attache à mesurer l’impact de la division du travail militant sur les processus de désengagement. A partir d’une enquête de terrain dans un système d’échange local (SEL), Catherine Lenzi montre de quelle manière l’entrave au principe de réciprocité de l’échange, qui s’appuie en l’occurrence sur une solidarité « active » et sur une conception « libérale » de la justice sociale, contribue à disqualifier les moins actifs en les stigmatisant. Faisant la synthèse d’un travail mené sur des collectifs de « sans » (sans-papiers, sans-logis, sans-emploi), Xavier Dunezat met au jour les processus de sélection sociale à l’œuvre dans l’accès aux postes à responsabilités, paradoxalement occupés par des individus qui ne partagent pas objectivement la condition sociale de ceux qu’ils défendent. Analysant la division du travail au sein d’un collectif constitué autour du développement d’un logiciel libre, Didier Demazière, François Horn et Marc Zune montrent de quelle manière la production d’une idéologie « alternative » opère comme outil de contrôle social, en régulant les usages mais également les discours autour du logiciel en question.

Au final, bien que l’on puisse regretter la concision des contributions (neuf à dix pages en moyenne), la diversité des terrains d’enquête rend la lecture de l’ouvrage agréable tout en donnant à voir les multiples dimensions de l’engagement militant contemporain.

NOTES

[1Étudiant au département de sciences sociales de l’École normale supérieure (Ulm)

[2A ce titre, on pourra regarder avec intérêt le dernier film de Jacques Audiard, Un prophète (2009), où il est notamment question du maintien de l’engagement politique de détenus corses

Note de la rédaction

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