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Les classes populaires dans l’enseignement supérieur. Politiques, stratégies, inégalités

Un numéro de la revue Actes de la Recherche en Sciences Sociales (n°183, Juin 2010)

publié le lundi 16 août 2010

Domaine : Sociologie

Sujets : Education

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Par Eric Keslassy [1]

Le débat public concernant la démocratisation nécessaire de l’enseignement supérieur s’est focalisé, en France, sur la question des grandes écoles. Dans leur introduction à ce nouveau numéro des Actes de la recherche en Sciences Sociales, Stéphane Beaud et Bernard Convert le regrettent explicitement. On peut leur donner raison même si l’on peut comprendre qu’un enjeu essentiel est bien l’ouverture sociale de nos élites, particulièrement homogènes, précisément dans le but de modifier les inégalités qui parcourent l’ensemble du système scolaire. Les auteurs reconnaissent d’ailleurs que les derniers gouvernements sont moins formés d’énarques ou de normaliens, ce qui conduit ses membres à s’interroger sur l’inégalité des chances face aux différents concours qui mènent aux grandes écoles. On doit donc pouvoir affirmer que des élites moins homogènes sur le plan social devraient davantage se soucier du sort des classes populaires (selon l’auteur de cette note).

Toutefois, il paraît également évident que la logique de ce débat forment médiatisé et institutionnalisé contribue (volontairement ?) à masquer une autre problématique au moins aussi importante et, par contre, beaucoup plus large : la démocratisation de l’enseignement supérieur pris dans son ensemble. D’une part, la disposition gouvernementale « 30 % de boursiers » en grandes écoles laisse supposer que la démocratisation de l’enseignement supérieur pourrait s’arrêter à celle des grandes écoles alors que, par exemple, la composition sociale des étudiants de 3ème cycle à l’université est absolument comparable à celle des effectifs des grandes écoles. D’autre part, l’essentiel des étudiants, et singulièrement ceux qui sont issus des classes populaires, passe par l’université. Il n’est donc pas déraisonnable de penser que l’effort de la société doit d’abord se porter sur les études universitaires. D’autant que : 1) les effectifs universitaires ont fortement progressé sous l’effet de la démocratisation du lycée et de l’accès au baccalauréat 2) les filières n’ont cessé de se diversifier à l’université, ce qui s’est traduit par une accentuation de la hiérarchisation entre elles.

Le dossier réalisé par les Actes de la recherche en Sciences Sociales nous apporte de nombreux éléments d’analyse. Parmi ceux-là, on relèvera plus particulièrement deux articles : ainsi, Sandrine Garcia nous montre, dans une enquête intitulée « Déscolarisation universitaire et rationalités étudiantes », que les étudiants du premier cycle universitaire de milieu populaire sont au prise avec un processus de « déscolarisation négative » qui se traduit par un absentéisme plus fréquent, un usage non scolaire du temps libre, le développement d’une sorte de « oisiveté » ou encore la faible perception de l’intérêt du travail personnel. Il y a donc un problème d’« acclamation » des étudiants issus des classes les plus défavorisées à l’université qui, d’ailleurs, ne s’explique pas que par des variables scolaires plus défavorables. En effet, Vanessa Pinto indique, dans un autre article, titré « L’emploi étudiant et les inégalités sociales dans l’enseignement supérieur », combien la nécessité de recourir à un travail salarié pour une grande partie des étudiants de milieux populaires, afin de compenser des conditions matérielles d’étude inégalitaires, s’avère très souvent avoir une influence forte sur leurs résultats universitaires. L’auteur nous propose une typologie particulièrement significative des différents usages du travail salarié étudiant : - « anticipation » pour les étudiants qui parviennent à trouver un emploi dans une branche qui leur apporte une expérience directement utile dans le futur professionnel qu’ils s’envisagent ; - « provisoire » pour les étudiants qui ne considèrent leur emploi uniquement comme un moyen de financer leurs études supérieures ; - « éternisation » pour ceux qui, peu à peu, abandonnent le travail universitaire et voient leur emploi du « moment » devenir leur véritable métier. Or, il devient de plus en plus difficile de se consacrer exclusivement à ses études : la baisse des revenus des parents en même temps que des frais plus élevés en matière de transport et de logement sont autant de facteurs qui rendent le travail salarié essentiel, ne serait-ce que pour avoir des conditions d’existence simplement digne. Et ce sont bien les étudiants de milieu populaire qui sont « attirés » par ces « petits boulots » qui tout en apportant une « aide » économique conduisent à délaisser progressivement les études dans une université qui ne sait plus autant qu’avant encadrer et socialiser (voire sociabiliser).

Au fond, ce numéro montre très bien que l’on demande beaucoup à l’université, notamment d’accueillir un public plus nombreux et plus fragile scolairement, sans pour autant lui donner les moyens qui pourraient correspondre à cette mission plus « lourde ». Si l’ouverture sociale des grandes écoles est sans aucun doute une nécessité absolue (point de désaccord avec les auteurs de ce dossier qui considèrent qu’il ne s’agit pas vraiment d’une priorité), repenser l’université en est une autre. Incontestablement.

NOTES

[1Sociologue et enseignant (Sciences Po Lille)

Note de la rédaction

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