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Les dérives de l’universalisme. Ethnocentrisme et islamophobie en France et en Italie

Un ouvrage de Annamaria Rivera (La Découverte, 2010)

publié le jeudi 16 septembre 2010

Domaine : Anthropologie , Sociologie

Sujets : Migrations, minorités , Politique , Religions, croyances

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Par Eric Keslassy [1]

Le débat sur l’efficacité de notre modèle républicain est sans cesse réactivé. La place de l’Islam est très souvent au centre de ces discussions. Cette religion est-elle soluble dans la République ? Il est sans doute intéressant de mentionner que la question s’est posée en d’autres temps pour les autres religions monothéistes. L’objectif de cet ouvrage n’est pas cependant de se plonger dans l’histoire, mais plutôt d’analyser ce qui peut se passer ailleurs sur cette thématique d’une brûlante actualité. Annamaria Rivera, professeure d’ethnologie et d’anthropologie sociale à l’Université de Bari, nous propose un essai précieux en ce sens qu’il nous permet de regarder nos éventuelles difficultés à la lumière de celles qui peuvent exister dans un pays voisin : l’Italie. En sortant de ce que l’auteure appelle une « certaine autarcie culturelle », il s’agit finalement de nous offrir un regard neuf sur une problématique bien connue...

L’ambition de cette étude très documentée, aux références sérieuses, est de nous proposer une réflexion sur les pratiques discursives et sociales relatives aux minorités d’origine immigrée dans deux contextes nationaux différentes. Si les points communs entre la France et l’Italie sont traités, cette méthode qui emprunte davantage à l’anthropologie qu’à la sociologie souligne particulièrement les spécificités de chacun des deux pays en la matière. N’ayant pas la même histoire, ils relèvent également de principes différents : l’universalisme républicain en France qui insiste sur le principe d’égalité et la laïcité ; un provincialisme « borné et obtus » oscillant notamment entre les racines judéo-chrétiennes de l’Europe et l’exaltation des identités régionales en Italie.
Dès lors, trois grandes questions sont approfondies dans cet ouvrage qui résulte du développement et de la mise à jour d’une publication italienne en 2005 (La guerra dei simboli. Veli postcoloniali e retoriche sull’alterità).

Tout d’abord, il s’agit de comprendre l’opposition systématique au relativisme culturel et au communautarisme. Ne faut-il pas y voir une forme de rejet des minorités ? Cette peur panique d’ouvrir la fameuse « boîte de pandore » ne cache t’elle pas une volonté exclusivement conservatrice ? Est-ce si problématique que les communautés souhaitent s’organiser en force politique ? Pour essayer de répondre, l’auteure s’appuie sur ce qu’elle nomme le « discours post-colonial ». Le lien avec le passé expliquerait bon nombre de positions présentes. Il faut dire que le récent débat français sur le « rôle positif de la colonisation » (article 4 de la loi de 2005) donne un crédit certain à cette thèse qui débouche finalement sur une très belle, mais discutable, définition du racisme : « la socialisation de la rancœur ».

Ensuite, l’analyse est portée sur l’universalisme particulier et abstrait qui se manifesterait, selon l’auteure, comme l’une des marques de l’hégémonie occidentaliste et des stratégies impériales. Quelles idéologies et stratégies politiques se cachent derrière ces rhétoriques universalistes ? Cela revient à s’interroger sur les fondements mêmes de notre civilisation qui privilégierait une sorte de « nous-centrisme ». L’opposition entre le « nous » et le « eux » - soit la population majoritaire et les minorités issues de l’immigration - structure alors la vision du monde développée par Annamaria Rivera qui, dès lors, ne parvient pas à garder la neutralité attendue.

Enfin, cet ouvrage réfléchit longuement sur les différentes affaires du voile telles qu’elles furent débattues en France (du « tchador » à la « burqa ») et en Italie. A noter un lexique très précis qui permet de bien comprendre les différences entre ce que l’on a l’habitude de désigner grâce au terme générique de « voile ». Quelles sont les conditions de surgissement de ces affaires ? Pourquoi reviennent-elles cycliquement sur le devant de la scène ? Que permettent-elles de comprendre sur l’état de notre société ? Le retour détaillé sur chacune de ces affaires et l’étude de leurs conséquences sociales donnent des éléments de réponse à chacune de ces questions. On l’a compris, la dimension politique n’est pas la seule qui est examinée et on peut noter une grille d’analyse inédite : interpréter les affaires du voile au regard des relations de genre et du rapport entre signes extérieurs de différenciation sexuelle et contrôle de corps féminin.

Si l’approche est globalement originale et instructive, on peut regretter un certain parti-pris de l’auteure. Il n’empêche pas de saluer la finalité de la thèse : repenser le binôme unicité/particularité dans des formes plus adaptées à la réalité présente, dans l’espoir que puisse naître « un nouvel universel, polycentrique et transculturel ». Détruire les barrières qui nous empêchent de « faire société », trouver les moyens d’un « nous » plus englobant en quelque sorte...

NOTES

[1Sociologue et enseignant (IEP de Lille)

Note de la rédaction

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