Face aux dangers d’une criminalité, nationale et transnationale, qui menace les personnes, les Etats, et parfois même la planète, les politiques actuelles du contrôle social - sécuritaires en ce sens qu’elles fondent leur légitimité sur la dangerosité et non sur la culpabilité - sont présentées comme à l’avant-garde du progrès : profilage, repérage des facteurs de risque au croisement d’observations cliniques et d’études statistiques, interconnexion des banques de données et corrélation avec les identifiants biologiques, autant de stratégies de haute technologie qui sont désormais soutenues par une industrie de la surveillance en pleine expansion.
Faut-il considérer que ces « nouvelles » stratégies ne sont que de vieilles solutions, remontant au discours sécuritaire de l’Ecole positiviste du 19ème siècle, repris au début du 20ème siècle avant d’être aménagées par la « Défense sociale nouvelle » ? Redécouvertes, et réactivées dans le contexte de l’après 11 septembre 2001 par les doctrines du « droit pénal de l’ennemi » et de « l’ennemi combattant illégal », de telles stratégies auraient les mêmes défauts que leurs ancêtres, en termes d’efficacité (faible) et de légitimité (douteuse).
Ou s’agirait-il d’une véritable mutation, dès lors que la dangerosité est conçue non seulement, comme l’avaient souhaité les positivistes du 19ème siècle, de façon autonome par rapport à la culpabilité, mais encore sur le modèle évolutif d’une « société du risque », appelée au nom du principe de précaution à anticiper sur des dangers de plus en plus imprévisibles ?
Pour éclairer ce débat sur les politiques sécuritaires (discours et pratiques) qui se mettent en place en Europe et aux Etats-Unis, nous avons invité historiens, pénalistes, sociologues, philosophes et politologues à revisiter ensemble la doctrine pénale du 19ème au 21ème siècle et la façon dont s’entrecroisent et se légitiment réciproquement les doctrines et les pratiques. Des doctrines aux pratiques, puis des pratiques aux doctrines, les interactions seront analysées dans une triple perspective : historique, contemporaine et prospective
Programme
Matin : 9h30-12h30
Introduction
Par Mireille Delmas-Marty
Perspective historique : Des doctrines aux pratiques
- « Ambivalence des doctrines pénales modernes », Jean-Louis Halpérin, professeur ENS Ulm
« L’impact de l‘Ecole positiviste italienne sur la doctrine américaine du 19ème au début du 20ème siècle », Carlos Petit, professeur Univ. Huelva, Espagne
« La genèse de la rationalité actuarielle aux Etats-Unis au 19ème et 20ème siècles », Bernard Harcourt, professeur Univ. Chicago, USA
« Les politiques sécuritaires à la lumière de la doctrine de défense sociale nouvelle », Jean Danet, professeur Univ. Nantes
Débat général
Après-midi : 14h00-18h00
Perspective contemporaine : Des pratiques aux doctrines
- « Droit pénal de la dangerosité, droit pénal de l’ennemi », Geneviève Giudicelli-Delage, professeur Univ. Paris 1 (Panthéon-Sorbonne)
« La doctrine américaine de l’ennemi combattant illégal », Julien Cantegrel, ATER Collège de France
« Identifier, contenir et mettre à l’écart : le retour du discours sécuritaire et de ses prétentions scientifiques », Laurent Mucchielli, sociologue, directeur de recherches au CNRS
Table ronde prospective : Comment sortir de l’impasse ?
Mireille Delmas-Marty, Christine Lazerges, professeur Univ Paris1 (Panthéon-Sorbonne), Bernard Manin, directeur d’études EHESS, professeur New York University, et les intervenants
Débat général
Conclusion par Robert Badinter, sénateur