Par Igor Martinache
Pour ceux qui ne le sauraient pas encore, Arte n’est pas qu’une chaîne de télévision franco-allemande spécialisée dans la "culture cultivée", c’est aussi une "web-radio" (c’est-à-dire une radio diffusée exclusivement sur Internet) dont le contenu vaut le détour (qui, en l’occurence, ne coûte ici qu’un simple "clic"...).
Un contenu plutôt éclectique, conformément à l’image que cherche à se donner la "marque" Arte, ce qu’un rapide coup d’oeil aux rubriques suffit à confirmer. Ainsi, de brefs commentaires d’actualité côtoient des enregistrements de slams et autres "perfs" d’écrivain-e-s ou de vieux routards de la radio, qui trouvent ici de quoi donner libre cours à une imagination d’habitude bridée par les besoins de leurs chaînes respectives.
On trouve également sur ce site à côté des créations sonores ou musicales et autres fictions des documentaires "de société" possédant un intérêt sociologique certain.
Parmi ceux-ci, on peut noter la récente "publication" de "Ma cité va parler", dans lequel le réalisateur Mehdi Ahoudig revient dans le quartier de Garges-lès-Gonesses (Val-d’Oise) où il a passé son enfance. L’occasion de retrouver d’anciens copains, et surtout de leur laisser la parole. Le témoignage de ces jeunes trentenaires permet de battre en brèche un certain nombre d’idées reçues quant aux quartiers d’habitat populaire, et donne une idée moins sensationnaliste -et ainsi plus réaliste- du vécu quotidien et des représentations des jeunes qui ont grandi et vivent encore (mais pas tous) dans ces quartiers partiellement oubliés des politiques publiques, mais pas des médias [1].
Ce reportage sonore arrive également comme une illustration du récent ouvrage d’Emmanuelle Santelli, Grandir en banlieue (CIEMI, 2007). La sociologue y dresse un portrait de la cohorte des "vingtenaires" (environ 400) qui ont en commun d’avoir grandi dans le même ensemble d’immeubles d’une "cité" du sud-est lyonnais et d’avoir des parents ou grands-parents originaires d’un pays du Maghreb. Contrairement à l’image homogénéisante de ces "jeunes des banlieues", elle met en évidence la diversité des trajectoires, dressant une typologie en quatre catégories selon la plus ou moins grande "réussite" scolaire, mais aussi professionnelle, ainsi que le rapport subjectif au quartier d’origine - car nombre d’entre eux ont fini par le quitter. En fait, remarque Emmanuelle Santelli, le plus petit dénominateur commun de ces jeunes "issus des quartiers" est ce sentiment plus ou moins prononcé de n’être pas totalement "intégré" par la société française, celle-là même qui les a vus naître et grandir, et ce quelque soit du reste leur trajectoire sociale.
A signaler également parmi les reportages disponibles sur Arte Radio, "Dans l’ambulance", où Claire Hauter suit les déplacements d’ambulanciers psychiatriques ; "Le ballon noir" de Jérémi Nureni Benafunzi consacré aux "rêves de foot et d’exil" que nourissent un certain nombre de jeunes garçons en Afrique, et qui peut les conduire à de cruelles désillusions une fois leur rêve concrétisé [2] ; ou encore un reportage où Anne Salzberg donne la parole cette fois aux "Ouvriers de Well", licenciés après plusieurs décennies de "bons et loyaux services" comme on dit.
Un échantillon non exhaustif des reportages que vous pourrez écouter, faire écouter, mais aussi discuter...