Par Philippe Cibois [1].
N.B. : Cet article est initialement paru dans Socio-Logos, la revue électronique de l’Association française de sociologie (AFS), et est reproduit dans liens socio avec l’aimable permission de son auteur, Philippe Cibois. Liens Socio a aussi publié un compte-rendu de ce livre par Frédéric Abécassis.
Les méthodes pour l’historien peuvent être utiles au sociologue car le terrain du sociologue et celui de l’historien sont identiques : tous deux travaillent sur des personnes, des textes, des réseaux sociaux, des institutions, des trajectoires. De ce fait, les méthodes quantitatives utilisées sont les mêmes : méthodes à visée descriptive : analyse factorielle, analyse des réseaux, analyse des séquences ; méthodes à visée explicative : régression linéaire, logistique, analyse des séquences. Le mode de présentation de cet ouvrage n’est pas technique mais s’apparente plus à un guide de bon usage : il peut servir à tout chercheur voulant se faire une idée de ces méthodes et cherchant une aide pour faire son choix.
Le premier chapitre pose, pour l’histoire, une question qu’on peut se poser en sociologie : il suggère que les méthodes quantitatives ont été l’objet d’une mode qui, comme toute mode, a eu une fin, ce qui fait que l’utilisation actuelle est plus réfléchie. Par exemple, André Zysberg pour étudier les galériens a traité 60.000 fiches individuelles et s’est rendu compte ensuite qu’un échantillonnage de 1000 aurait suffit. La microhistoire a également eu un impact, comme en sociologie d’ailleurs : il vaut la peine de citer ce qui en est dit, qui vaut pour tous : « les microhistoriens ne choisissent pas nécessairement d’abandonner formalisation et modélisation. Leur démarche relève plus du déplacement que de la déconstruction. Ce qui est critiqué, est un travail de quantification utilisé pour mettre au jour des structures préexistantes, de fait déjà connues : celui qui emploie les outils surdimensionnés pour démontrer l’évidence. (...) La démarche est rejetée au profit d’une reconstruction du passé à partir de traces ou d’indices. Carlo Ginzburg en appelle ainsi à passer du « paradigme galiléen » au « paradigme indiciaire » (...) Il refuse Ie mythe d’une histoire scientifique, où le tableau de chiffres est en soi une conclusion pour redonner une dignité à l’interprétation de traces » (15-16).
Avant de parler des méthodes, il faut parler du recueil des données : c’est ce qui est fait dans les deux chapitres suivants où le sociologue, quant aux choix des sources à entrer et au codage qu’il faut en faire, trouvera des conseils judicieux. On y trouvera aussi des recettes concernant les problèmes de significativité et d’effectifs qui, n’étant pas basés sur une expérience montrée, s’apparentent comme souvent à la recette de cuisine, ce qui est légitime, mais parfois à la recette magique, ce qui l’est moins. On regrettera l’usage de la graphie chi-2 pour rendre compte du χ² de Pearson, car en français, la graphie chi incite à la prononciation comme dans chimie alors qu’il s’agit bien de la lettre grecque χ qui se prononce en français [ki] et en anglais [kai], s’écrit en français khi et en anglais chi (qui est la transcription latine de la lettre grecque). [...]
Après une présentation rapide de ce qu’on peut faire avec du texte (chap. 4), sont décrites l’analyse factorielle et les méthodes de régression (chap. 5) puis l’analyse des réseaux et des trajectoires (chap. 6). Pour chaque méthode, des exemples sont présentés et on renvoie à des expériences publiées, de plus une annexe électronique http://www.quanti.ihmc.ens.fr renvoie à bon nombre des articles cités dans la bibliographie, à des pistes bibliographiques complémentaires (manuels) et à des lieux de formation méthodologique.
Cet ouvrage s’adresse à de futurs utilisateurs qui veulent s’initier au vocabulaire des méthodes quantitatives utilisées en histoire (et en sociologie) et examiner à partir d’exemples leur intérêt : en 120 pages, c’est un programme qui est tenu.
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