Accueil |  Présentation  | Qui sommes-nous ?  | Charte éditoriale  | Nous contacter  | Partenaires  | Amis  | Plan du site  | Proposer un contenu

Suivre Liens socio

Mail Twitter RSS

Votre Liens socio

Liens Socio ?
C'est le portail d'information des sciences sociales francophones... Abonnez-vous !


Michel Foucault

Un ouvrage de Didier Eribon (Flammarion, Coll "Champs", 2011)

publié le vendredi 15 avril 2011

Domaine : Histoire , Philosophie , Science politique , Sociologie

      {mini}

Par Damien Simonin [1]

A quoi servent les biographies ? Puisque la personnalité de Michel Foucault prend une importance croissante avec la postérité de ses textes, cette nouvelle édition de sa biographie par Didier Eribon, éditée pour la première fois en 1989, sert d’abord à documenter le vie de l’auteur. D. Eribon retrace l’enfance de Michel Foucault, sa scolarité à Poitiers pendant la Seconde Guerre mondiale, puis à Henry IV et à l’ENS de la rue d’Ulm après la guerre. Il retrace aussi son parcours professionnel, comme enseignant en philosophie et psychologie à Lille, lecteur de français et responsable du centre culturel à Uppsala, à Varsovie et à Hambourg dans les années 1950, puis à nouveau l’enseignement en philosophie à Clermont-Ferrand et à Tunis dans les années 1960, au « Centre expérimental de Vincennes », et au Collège de France à partir de 1969. C’est une biographie intellectuelle, aussi D. Eribon présente-t-il également les principaux éléments du travail de Foucault : ses premières recherches sur la psychologie, sa thèse sur la folie, des analyses sur la littérature et la peinture, sur l’histoire de la médecine et des sciences humaines, plusieurs publications d’archives, les réflexions sur le discours et le pouvoir, la prison et la sexualité, les cours sur la biopolitique, la gouvernementalité ou encore la subjectivation.

En ce sens, plus qu’une simple chronologie individuelle, la biographie est donc une entrée possible dans les textes, en relation avec des influences multiples comme les lectures de Hegel puis de Nietzsche, de Blanchot et de Bataille, les rencontres avec Dumézil et Althusser, Canguilhem et Hyppolite, les amitiés avec Deleuze ou Barthes, les voyages au Japon et en Iran ou les séjours répétés aux États-Unis. Une entrée aussi dans leur contexte, avec notamment la forte influence de l’existentialisme et du marxisme ou les controverses autour du structuralisme. Le travail théorique de Foucault tel que le décrit D. Eribon est également marqué par son parcours politique : un passage par le PCF au tout début des années 1950, puis une période apparemment plus proche du gaullisme avec un engagement institutionnel en début de carrière (en participant à une commission de réforme de l’université en 1965), la période militante des années 1970 marquée notamment par la création du Groupe d’Information Prison et un rapprochement avec l’extrême gauche, la participation à de nombreux projets en soutien aux immigrés, à des condamnés à mort en Espagne, à des dissidents en Union Soviétique ou encore à la création du journal Libération, tout en s’éloignant des organisations politiques et du marxisme à la fin de cette décennie.

Mais la biographie, si elle peut servir à la compréhension des textes, n’est pas sans présupposés sur la valeur conférée à l’auteur et à sa vie. En resituant les textes dans des éléments de leur contexte, D. Eribon semble proposer une approche bourdieusienne du récit de la vie de Foucault (il parle par exemple de « trajectoires », de « dispositions », de « capital »). On peut penser aux critiques formulées tant par Bourdieu que par Foucault, critique de « l’illusion biographique » pour le premier, la vie pensée « comme existence dotée de sens, au double sens de signification et de direction » [2] ; critique de l’auteur pour le second, de sa fonction d’appropriation des discours et des privilèges ainsi accordés au sujet [3]. L’homosexualité, par exemple, apparaît dans le récit de D. Eribon pour expliquer une tentative de suicide de Foucault pendant sa jeunesse, des éléments de son humour ou certaines de ses relations, son intérêt pour des thèmes comme la folie et la sexualité, alors que sa relation avec Daniel Defert ou ses pratiques sado-masochistes sont à peine évoquées. D’où l’intérêt, à côté de ce récit, des témoignages d’Hervé Guibert [4] et de Mathieu Lindon [5], qui donnent à voir d’autres aspects de la vie de Foucault. En effet, avec une biographie, il s’agit peut-être moins d’expliquer le sens des textes par la vie de leur auteur, que de montrer comment sa vie peut constituer un exemple de leurs sens possibles. C’est pourquoi on peut regretter que cette biographie se focalise tant sur le personnage public : c’est aussi dans des dimensions plus privées de sa vie que Foucault semble avoir développé son projet de « création de nouvelles formes de vie, de rapports, d’amitiés, (…) à travers [ses] choix sexuels, politiques, éthiques » [6].

NOTES

[1Doctorant en sociologie à l’Ens de Lyon, membre du Centre Max Weber, équipe "Dispositions, Pouvoirs, Cultures, Socialisations", allocataire ANRS.

[2Pierre Bourdieu, « L’illusion biographique », in Raisons pratiques. Sur la théorie de l’action, Paris, Seuil, 1994, p. 83.

[3Michel Foucault, « Qu’est ce qu’un auteur ? », Bulletin de la Société française de philosophie, n° 3, juillet-septembre 1969, in Dits et écrits I, Paris, Gallimard, 2001, n° 69, pp. 817-849

[4Hervé Guibert, A l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie, Paris, Gallimard, 1990.

[5Mathieu Lindon, Ce qu’aimer veut dire, Paris, POL, 2011.

[6« Michel Foucault, une interview : sexe, pouvoir et la politique de l’identité » (entretien avec B. Gallagher et A. Wilson, Toronto), The Advocate n° 400, 7 août 1984, in Dits et écrits II, Paris, Gallimard, 2001, n°358, p. 1555.

Note de la rédaction

À lire aussi dans la rubrique "Lectures"

Une réponse de José Luis Moreno Pestaña au compte rendu de Pierre-Alexis Tchernoivanoff
Un ouvrage de Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot (Payot & Rivages, Coll " Essais Payot", 2009)
Une réédition de l’ouvrage de Katharine Macdonogh (Payot & Rivages, Coll "Petite Bibliothèque Payot", 2011)

Partenaires

Mentions légales

© Liens Socio 2001-2011 - Mentions légales - Réalisé avec Spip.

Accueil |  Présentation  | Qui sommes-nous ?  | Charte éditoriale  | Nous contacter  | Partenaires  | Amis  | Plan du site  | Proposer un contenu