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Philosophie de l’environnement et milieux urbains

Un ouvrage de Thierry Paquot et Chris Younès (La Découverte, coll. "Armillaire", 2010)

publié le mardi 21 septembre 2010

Domaine : Philosophie

Sujets : Environnement

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Par Nassima Dris [1]

Cet ouvrage est issu d’une rencontre « environnement et milieux urbains » qui s’est déroulée les 9 et 10 juin 2008 à l’Institut d’urbanisme de Paris. Il regroupe neufs contributions d’auteurs d’origines disciplinaires diverses (philosophie, sociologie, architecture, urbanisme, géographie) et en guise de conclusion, un entretien avec Gilles Clément, auteur de l’ouvrage Le jardin planétaire (Albin Michel, 1999).

Dirigé par deux philosophes de l’urbain, cet ouvrage a pour objectif d’interroger la philosophie sur le sens qu’elle donne à « environnement » et « milieu urbain ». En soulignant la pluralité des analyses et des convictions lorsqu’il s’agit de la place de l’Homme dans la Nature et celle-ci dans la Connaissance selon que l’on se réfère à Descartes, Locke, Berkeley, Buffon, Rousseau, Condillac ou Novalis, les auteurs tentent un renouvellement de la pensée environnementale propice à la mise en œuvre d’un développement économique et urbain plus respectueux de l’environnement et de l’équilibre social. C’est dans cette perspective que les concepts de « nature », « environnement », « écologie », « écosystèmes », « biodiversité », « milieu urbain » sont revisités. En effet, le contexte global actuel de nos sociétés marqué par un engouement pour les questions du développement durable et des nouvelles réalités urbaines à l’échelle planétaire nous y invite fortement.

L’introduction de l’ouvrage rappelle l’intérêt de la philosophie depuis ses origines pour la « Nature » et les relations que les hommes nouent et dénouent avec elle. Si plusieurs acceptions de la définition du mot « nature » sont envisageables, c’est bien le caractère dynamique de celle-ci qui est fondamental. La nature ne peut être considérée comme une réalité immuable car ses fondements reposent sur la transition, le mouvement, le rythme, donc sur une renaissance perpétuelle : « Ni le « milieu » ni « l’environnement » ne sont des réceptacles passifs qui se contenteraient d’accueillir les humains et de les positionner avec le vivant .... Ce sont les chambres d’écho des vibrations des vies et des existences qui s’emboîtent, se distinguent, rivalisent, se reproduisent, s’estompent, s’épuisent, disparaissent et parfois renaissent. » (p.42). Il en est de même pour les interactions entre l’homme et la nature qui n’ont rien d’un acquis définitif mais restent marquées par des « tensions, tressaillements, entremêlements, excroissances rhizomiques, flux d’énergie, rythmes » (p. 11). Ce mouvement permanent n’autorise pas les interventions incohérentes susceptibles de « dénaturer » la nature.

Une des questions de l’ouvrage est de savoir dans quelle mesure la perception de la nature est liée à la culture. Si les hommes façonnent, consciemment ou non, un rapport à la nature grâce à leurs référents culturels, ce sont les « corythmes entre Nature et Culture qui constituent l’enjeu des reliances régénératrices des milieux urbains » (p.43). En effet, les travaux d’anthropologie de l’espace montrent de façon pertinente la relation étroite entre culture et nature et son importance dans la construction de l’espace vécu et la symbolique qui s’y rattache.

Ce « sentiment d’amitié » (p. 71) avec le monde qui nous entoure s’exprime sous des formes multiples requises ou fortuites et, entre la nature et les hommes se tissent continuellement des histoires de vie. Le concept de « Storied residence » (Holmes Rolston) est particulièrement intéressant parce qu’il permet de comprendre comment s’articulent les différents modes d’habiter humain, et l’impact de l’expérience de la nature sur la vie humaine. En effet, « pour que l’espace urbain existe, il faut qu’il soit racontable », écrit M. Lussault (Le Temps (Genève), juin 2007). C’est ainsi que l’espace construit et paysager peut constituer une « localité culturelle » (p. 69) entendu au sens de territoire d’une communauté historiquement constituée.

Toutes ces questions sont traversées par une dimension tout aussi fondamentale, « la justice environnementale ». Il s’agit du droit à un environnement de qualité des populations défavorisées appartenant souvent à des minorités ethniques et qui ne bénéficient pas d’une visibilité sur « l’ardoise environnementale au profit des causes plus spectaculaire, tel le réchauffement climatique » (p. 83). En reconsidérant la place des liens ordinaires dans le rapport à l’environnement, la référence à la pensée d’Henri Lefebvre sur « le droit à la ville » est ici pertinente. Ce rapport n’est pas fait d’événements exceptionnels comme le dit H. Lefebvre, mais d’activités de la vie quotidienne, autrement dit des liens entre les activités humaines ordinaires et la nature. En définitive, c’est dans la double fonction du territoire « creuset phénoménologique et cadre cognitif pour l’action » (p.115) que les enjeux environnementaux s’inscrivent et puisent leur sens.

Les initiatives se réclamant du « développement durable » sont pointées comme étant le plus souvent, une reformulation de politiques plus ou moins anciennes, adaptées aux exigences actuelles dans lesquelles deux conceptions de la ville durable s’affrontent, « la durabilité faible » présentée comme une « forme de radicalisation de la pensée moderne » et « la durabilité forte » comme une nécessité de préservation du capital naturel (p. 117). Ces deux acceptions de la durabilité urbaine s’opposent en vain car il ne s’agit pas de produire des villes nouvelles, mais de réhabiliter des villes du monde avec des moyens infiniment moindres (p.133). C’est le concept de « ville intégrée » qui semble plus adapté parce qu’il nécessite une approche globale et qualitative.

En définitive, ce livre présente un grand intérêt sur le plan épistémologique et pratique. Il s’inscrit dans l’ensemble des recherches menées actuellement autour de la question de la durabilité urbaine et environnementale en proposant un éclairage et des perspectives nouvelles. Mais la question du développement durable reste entière. Tant au niveau local que planétaire, les approches traitant du rapport à la nature et à l’environnement en général, ne peuvent ignorer les enjeux d’une gestion négociée des questions de développement local et l’implication des citoyens dans des processus qui les concernent durablement.

NOTES

[1Maître d conférences en sociologie à l’université de Rouen et membre du GRIS (Groupe de Recherche Innovations et Sociétés, EA 3232).

Note de la rédaction

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