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Pour un regard-monde. Entretiens avec Michel Sénécal

Un ouvrage d’Armand Mattelart (La Découverte, coll. "Cahiers libres", 2010)

publié le vendredi 10 décembre 2010

Domaine : Sciences de l’information

Sujets : Culture , Mondialisation , Politique , Médias, information, communication

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Par Loïc Ballarini [1]

Des personnalités incontournables d’une discipline, on a coutume de dire qu’il n’est pas (ou plus) besoin de les présenter, tant il paraît évident qu’on ne peut aborder sérieusement leur domaine d’activité sans connaître leurs productions. Ce pourrait être le cas d’Armand Mattelart, figure des Sciences de l’information et de la communication, dont il incarne un courant critique, attentif aux phénomènes de longue durée et à l’analyse des idéologies qui sous-tendent les discours technicistes et prophétiques, et dont les 45 livres et nombreux articles ont été traduits en plus de 15 langues. Ce serait pourtant une erreur, et l’on se rend vite compte, à la lecture de Pour un regard-monde, un ouvrage d’entretiens accordés au chercheur québécois Michel Sénécal, à quel point une meilleure connaissance du parcours d’Armand Mattelart nous éclaire sur son œuvre, et peut nous en faire découvrir des aspects méconnus.

S’il était encore besoin de prouver que les universitaires ne sont pas de purs esprits enfermés dans une tour d’ivoire et de concepts cultivés hors-sol, ce livre viendrait à point nommé pour le rappeler, d’une manière aussi riche de questionnements et de problématiques qu’elle est agréable à lire. Au fil de six chapitres de trente à quarante pages, Armand Mattelart détaille sa trajectoire, de son enfance en Belgique occupée (il est né en 1936) à ses derniers travaux. Les questions et relances de Michel Sénécal sont précises et pertinentes, invitant son interlocuteur à développer un point théorique ou lui offrant de se livrer sur un plan plus personnel. Rien d’indiscret cependant : il s’agit bien de montrer comment une pensée naît et se développe en lien étroit avec les expériences de la vie. Celles de la guerre et de la Libération, l’éducation catholique et les premiers voyages, puis les études de droit à Louvain et de démographie à Paris plongent Armand Mattelart dans un bouillonnement d’idées et de rencontres dont il retient les aspects à la fois les plus sociaux et les plus critiques des discours dominants - choix de sensibilité qui évoluera en engagement d’ordre politique, se traduisant notamment dans sa participation aux Forums sociaux mondiaux.

En 1962 débute pour lui et sa femme Michèle, rencontrée à Paris, un long séjour au Chili, brutalement interrompu en 1973 par le coup d’État de Pinochet et leur expulsion. Professeur à l’université catholique de Santiago, expert auprès des Nations unies, proche des mouvements qui conduisent à l’élection de Salvador Allende en 1970, il pose à cette époque les jalons de son travail de chercheur. D’abord en abandonnant la démographie pour la communication, ou plutôt en passant de l’une à l’autre par l’observation des politiques de contrôle des naissances, qui s’inscrivent dans le cadre des théories diffusionnistes, inspirées par le marketing et faisant appel aux médias. Ensuite en orientant sa réflexion sur les médias autour des problématiques d’internationalisation des industries culturelles et des systèmes de communication - une thématique criante en Amérique du sud, où le poids médiatique et culturel des États-Unis est alors écrasant. Pendant les trois années de l’Unité populaire, il participe également aux réformes des médias et des politiques de communication. Après son retour en France, qui s’effectue dans un paysage universitaire où les Sciences de l’information et de la communication n’en sont qu’au début de leur institutionnalisation, Armand Mattelart passe de contrat de recherche en commande de rapport officiel, tout en développant les aspects qui lui sont les plus importants. Ce n’est qu’en 1983 qu’il obtient un poste de professeur titulaire à Rennes-2, avant de rejoindre Paris-8 en 1997, puis de prendre sa retraite en 2005 - il est désormais professeur émérite.

À chacune de ces périodes, au Chili comme en France, correspondent des publications et des directions de recherches différentes, qui ont cependant toutes en commun l’attention première portée aux processus d’internationalisation et une approche généalogique qui lui fait toujours resituer le moment présent dans le temps long des évolutions sociales et (géo)politiques, des premières critiques de l’internationalisation des industries de la communication (Agresión desde el espacio, 1972) aux travaux les plus récents sur les systèmes de contrôle (La Globalisation de la surveillance, 2007). Pour un regard-monde aborde un grand nombre de ces ouvrages, écrits seul ou à quatre, voire six mains (avec Ariel Dorfman, Érik Neveu, Seth Siegelaub...) de 1964 à aujourd’hui, et parmi lesquels les plus connus sont peut-être Donald l’imposteur ou L’impérialisme raconté aux enfants (1976), le classique Penser les médias (avec Michèle Mattelart, 1986) et la trilogie historique composée de La Communication-monde (1992), L’Invention de la communication (1994) et Histoire de l’utopie planétaire (1999). C’est à chaque fois l’occasion pour Armand Mattelart de résumer ses conceptions d’une manière limpide, mais aussi et peut-être surtout de replacer sa propre pensée dans le réseau de celles qui l’ont influencée et nourrie - et de celles qu’il a combattues. Le néophyte comme l’exégète y trouveront donc tous deux matière à réflexion, et invitation à la critique et à l’interdisciplinarité.

La démarche est assez rare, qui consiste à revenir sur son propre parcours de chercheur engagé dans les affaires de la science et du monde. Ce n’est cependant pas seulement en tant que telle qu’elle est à saluer, mais bien parce qu’elle s’inscrit dans une approche généalogique qu’Armand Mattelart applique, cette fois, à lui-même. Le choix du livre d’entretiens au lieu de l’autobiographie apporte un décentrement supplémentaire voulu par ce chercheur discret qui, s’il s’est toujours tenu à l’écart des luttes de pouvoir du champ universitaire et n’a pas cherché à faire école, n’en a pas moins multiplié les collaborations et les échanges, construisant ainsi une pensée forte et originale, puissant remède aux discours dominants dont elle démasque les présupposés idéologiques.

NOTES

[1Docteur en sciences de l’information et de la communication, Centre d’études sur les médias, les technologies et l’information (Cemti, Université Paris-8)

Note de la rédaction

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