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Recensement ethnique et changement de régime

Un numéro de la revue Critique Internationale (Presses de Sciences Po, n°45, octobre-décembre 2009)

publié le mercredi 21 avril 2010

Domaine : Science politique

Sujets : Statistiques

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Par Eric Keslassy [1]

Au moment où le débat sur les statistiques ethniques ne cesse de rebondir en France, tout dernièrement avec la parution du rapport de la COMEDD (Comité pour la mesure et l’évaluation de la diversité et des discriminations) présidée par François Héran qui préconise de laisser les chercheurs utiliser des catégories ethniques, il est particulièrement intéressant de se tourner vers d’autres pays. Si le premier texte propose une distinction salutaire et particulièrement instructive des différentes approches des statistiques ethniques : la logique républicaine de la France, la position anglo-saxonne et une dernière logique qualifiée d’internationale ; Critique internationale propose d’abord, comme à son habitude, d’analyser cette problématique - faut-il utiliser des catégories ethniques dans l’appareil statistique public ? - à partir des situations étrangères. En l’occurrence, il s’agit ici d’analyser la place des statistiques ethniques - entendue au sens large recouvrant également la statistique de la nationalité ou des minorités - dans quatre types de pays très différents : l’Ukraine, l’Ethiopie, le Laos et l’Iran.

Point très intéressant : plutôt que d’en rester à la thématique largement rebattue de l’assignation identitaire, ce dossier s’interroge sur la manière dont sont affectées les opérations de recensement dans le cas de changement de régime. Il se dégage alors deux fonctions essentielles des statistiques : celle de l’institution du social qui réside, comme pour la conscription et la scolarisation, dans la mobilisation à la fois effective et symbolique de la population à l’opération de recensement ; et un usage comme outil de gouvernement tant les chiffres relèvent de la souveraineté nationale. Se réclamant explicitement de l’école Desrosières, les différents auteurs cherchent à comprendre les rapports qui se nouent entre statistique publique et changement politique - le changement de régime traduisant un processus séquentiel de transformation des structures politiques mobilisant diverses opérations, dont celle qui relève des statistiques. Le dossier met en avant les points communs de l’utilisation des statistiques alors que les situations sur le plan politique mais aussi social est institutionnel peuvent se trouver très divergentes.

Le cas de l’Ukraine permet de traiter les pays qui ont connu la chute du régime soviétique. La statistique était en effet une pièce maitresse du modèle soviétique puisque cela servait la souveraineté nationale. « Libérée », l’Ukraine a utilisé les statistiques ethniques avec l’objectif de plébisciter le nouveau régime. L’Ethiopie qui a mis en place un régime fédéral à base ethnique s’est appuyée sur un recensement permettant de répartir les individus selon leurs origines ethniques. Il s’est donc établi une reconnaissance officielle de la diversité de la population, regroupée et stabilisée suivant une catégorisation rigide - qui se retrouve dans les contours du territoire.

Le Laos permet d’analyser les pays qui ont accédé à l’indépendance - après le temps de la colonisation. L’administration française y opéra de grandes distinctions de type ethnique - principalement au départ pour des raisons fiscales - qui perdurèrent sous le gouvernement royal. Il se développa alors une reconnaissance officielle de la diversité de la population sur le modèle de ce qui était pratiqué dans le cadre soviétique. On voit clairement que la statistique publique a suivi l’évolution des régimes : époque coloniale, monarchie et régime communiste.

Enfin, l’Iran présente le cas d’un régime monarchique qui est devenu une République islamique suite à la Révolution de 1979. Il y a alors eu une transformation de l’appareil statistique dans une séquence courte faite de bouleversements accélérés. Les projets de réforme, d’intégration et de contrôle de la population affirment la préférence pour les composantes socio-économiques au détriment de la question ethnique - tout en procédant à un recensement sans équivalent des populations nomades de la nouvelle République islamique.

Nous vous conseillons donc la lecture de ce numéro de Critique internationale qui à partir d’une approche originale nous fait pleinement prendre conscience que la production de chiffres sur la composition ethnique de la population et, en amont, l’enregistrement dans les recensements de caractères définissant l’ethnicité des individus s’inscrivent historiquement dans la mise en place des régimes politiques fondées sur la souveraineté nationale. Les changements de régime introduisant des conflits politique sur cette question. Dès lors, on peut se demander si le débat - parfois très violent - qui s’est organisé autour de la nécessité (ou, au contraire, la dangerosité) de l’introduction de la dimension ethnique dans les statistiques ne traduit pas, en France, le fait que nous sommes sur le point de changer de régime. Peut-être même sans nous en apercevoir réellement...

NOTES

[1Sociologue et enseignant (Sciences Po Lille).

Note de la rédaction

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