Suppression de la taxe professionnelle, inversion des processus de décentralisation par durcissement de la contrainte budgétaire, remplacement des conseillers généraux et régionaux par des conseillers territoriaux moins nombreux mais mieux pensants, redécoupage des territoires et des compétences, fronde des notables sénatoriaux. A l’occasion des élections régionales de mars 2010, il nous a paru opportun de traiter de la question des territoires locaux.
Classiquement opposé au "national", le "local", de par les propriétés qui lui sont parfois très généreusement associées (diversité, dynamisme, inventivité, proximité, gestion sinon apolitique au moins non partisane, traitement sur le terrain des urgences sociales, laboratoire d’expérimentations et de démocratie participative.), est souvent paré de toutes les vertus et certains de ses représentants censés incarner au quotidien d’autres manières de faire de la politique. Si l’on admet avec Jacques Lagroye, "que les "notions" de local et de national sont des catégories forgées par les acteurs à d’autres fins que scientifiques, et que le chercheur ne peut donc s’approprier qu’avec une infinie prudence", le caractère proprement mythologique de cette opposition binaire durcie peut être vérifié à l’approche des élections régionales sur toute une série de questions.
En quoi les scrutins régionaux (derniers venus dans la liste des "nominations électives au suffrage universel") sont-ils singuliers ? Les mécanismes de structuration de l’offre (délimitation des éligibles et constitution des listes) sont-ils spécifiques ? Les conseillers régionaux qui en sont issus sont-ils socialement plus représentatifs de leurs électeurs que les titulaires d’autres mandats ? Au terme de trois décennies, comment évaluer le degré réel d’autonomie et de particularisme dont bénéficieraient les collectivités locales ? Quels effets a eu la montée en puissance de l’intercommunalité sur le jeu politique local ? Pour des raisons budgétaires, n’assiste-t-on pas dans certains domaines (la santé, par exemple) à une dynamique de "verticalisation" qui restreint toujours plus les marges de manoeuvre des collectivités territoriales aux prises avec des services déconcentrés de l’Etat fusionnés donc toujours plus puissants ?