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Ruptures postcoloniales. Les nouveaux visages de la société française

Un ouvrage sous la direction de Nicolas Bancel, Florence Bernault, Pascal Blanchard, Ahmed Boubeker, Achille Mbembe et Françoise Vergès (La Découverte, coll. "Cahiers libres", 2010)

publié le mardi 8 juin 2010

Domaine : Histoire , Sociologie

Sujets : Migrations, minorités

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Par Eric Keslassy [1]

Se situant explicitement dans la droite ligne de La Fracture coloniale (Blanchard, Bancel, et Lemaire, La Découverte, 2005), ce volume imposant - pas moins de 540 pages - se propose de faire le point sur toutes les questions relatives à la France postcoloniale. Et elles sont très nombreuses.

Il faut tout d’abord remonter à la vision de l’histoire qui a servi à constituer la communauté nationale : il s’agit alors de mettre en avant les épisodes glorieux du passé français et de minimiser, et même le plus souvent d’occulter, les passages les plus noirs. Evidemment, les pages longtemps oubliées concernent d’abord l’esclavage et la colonisation. Une des idées qui structurent cet essai - pourtant composé de contributions assez disparates - peut se trouver ici : ces oublis volontaires ont des répercussions aujourd’hui. Notamment dans le regard que pose la société française sur ses immigrés et leurs enfants. On a ainsi tendance à considérer que les vagues d’immigration du début du 20ème siècle se sont déroulées sans accrocs, que les italiens et les polonais ont été accueillis les « bras ouverts » et que leur intégration n’a posé aucune gêne. Méconnaissance absolue de l’histoire (et notamment de la xénophobie parfois criminelle qui pouvait régner à cette époque) qui permet, à bon compte, de désigner les immigrés comme les premiers (voire les seuls) responsables de leurs difficultés.

Un autre thème récurrent de cet ouvrage se noue autour des questions liées à la diversité de notre société. Alors que le sociologue Michel Wieviorka interroge ce concept de diversité qui paraît s’être imposé définitivement (n’avons-nous pas actuellement un Haut commissaire à la diversité - et à l’égalité des chances ?) tandis que le démographe Patrick Simon se concentre sur les discriminations subies par les « migrations postcoloniales » qui dévoient de fait le pacte républicain. Un autre article revient sur la place de cette diversité à la télévision : et de constater que les « minorités visibles » sont encore trop invisibles sur nos écrans - ou sont-elles cantonnées trop souvent dans des fonctions qui alimentent directement les préjugés.
Ce volume qui cherche à penser la France d’aujourd’hui pour envisager les fondements d’un nouveau « vivre ensemble » ne pouvait faire l’impasse sur deux sujets qui se sont révélés d’une grande portée depuis quelques années : la situation de l’Islam et l’émergence d’une « question noire ». On notera tout particulièrement l’article très éclairant de Valérie Amiraux : « De l’Empire à la République : l’‘‘islam de France’’ ». En quelques pages, cette spécialiste des religions réussit le tour de force de plonger dans une sorte de fondement historique de la place des musulmans français pour finir sur une analyse philosophique de la question en passant par un examen des conditions qui ont présidées à l’installation du CFCM (Conseil français du culte musulman). Pour ce qui concerne l’apparition d’une problématique noire, on se référera très utilement à l’article de Dominic Thomas qui montre combien, paradoxalement, dans République « une et indivisible », le débat de plus en plus souvent sur ses composantes ethniques en général, noires en particulier. Polémique liée aux tests ADN, réception de l’esclavage, lutte contre les discriminations, statistiques de la diversité sont évoquées pour montrer combien le « fait minoritaire » noir est devenu un enjeu très important.

Au fond, cet essai se donne des missions essentielles : comment éviter les « guerres de mémoire » qui peuvent tant déstabiliser notre société lorsqu’elles se retrouvent au centre des débats ? Comment renouveler le contrat social signé entre la République et sa diversité ? De quelle façon sortir de ce que les auteurs nomment les « pièges de l’identité nationale et des fantasmes sur les dangers de l’immigration » ? Que dire des crises urbaines qui semblent se déclarer à intervalle de plus en plus rapproché et avec une intensité toujours plus forte ? Comment se positionner face aux questions d’appartenance culturelle qui se pose avec une grande acuité ? Que dire des relations intercommunautaires et du communautarisme ? De quelle manière analyser les relations entre la France et le monde postcolonial incarné par les nations devenues indépendantes qui souhaitent définitivement couper le cordon et les territoires d’outre-mers qui réclament de nouveaux rôles et une autre considération ? Est-il possible de repenser la mondialisation à la lumière de ces enjeux ?

Un livre rédigé par des spécialistes reconnus - qui semblent toutefois partager une vision du monde relativement proche - appelé à devenir un recueil incontournable pour l’honnête homme tant il est à la fois « une somme et une ouverture » : une somme de connaissances indispensables et une ouverture vers un futur enfin apaisé.

NOTES

[1Sociologue et enseignant (Sciences Po Lille

Note de la rédaction

Note de la rédaction : l’ouvrage chroniqué ici a suscité un certain nombre de réactions, à la fois en raison de ses partis pris que des critiques qu’il porte à l’égard d’un certain nombre de travaux et de chercheurs dans le champ des études post-coloniales. Nous voudrions donc, en complément et en contrepoint du compte rendu que nous publions ici, mentionner certaines de ces réactions :
- Jean-François Bayart, « Les très fâché(e)s des études postcoloniales », Sociétés politiques comparées. Revue européenne d’analyse des sociétés politiques, n° 23, mars 2010 ;
- Sylvain Laurens, « Post-colonial Business », Le blog des éditions Agone, 18 mai 2010.

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