La recherche sur les enjeux sociaux et politiques liés à l’épidémie de VIH/sida met les sciences sociales face à des questions complexes, inscrites dans une histoire courte mais dense, des terrains qui se diversifient, notamment au Sud, et des interrogations éthiques sans cesse renouvelées : implication du chercheur, rapport au terrain, pratiques d’enquêtes, restitution des données aux personnes enquêtées... Le nombre important de travaux menés sur le sida pose également la question de la transmission et de la circulation des savoirs.
Ces questions se sont clairement dessinées lors des journées doctorales organisées sous l’égide du réseau Santé et société de la MSH, en avril 2008 , sur le thème « Implication, réflexivité et positionnement des jeunes chercheurs travaillant sur le sida aujourd’hui ». La richesse et la densité des débats ont bien souligné l’intérêt de poursuivre et d’approfondir ces réflexions épistémologiques et éthiques, à partir de nos expériences de doctorants ou post-doctorants. Le projet d’un séminaire « Sciences sociales et sida » est né de cette rencontre entre jeunes chercheurs partageant un même objet de recherche - au sens large- le VIH/sida.
Penser l’implication ou la distanciation du chercheur vis-à-vis de son terrain et des personnes enquêtées relève de préoccupations épistémologiques anciennes, voire originelles, dans le champ spécifique de la recherche sur le VIH, et plus généralement dans les sciences sociales. De même, l’attention réflexive aux pratiques de recherche s’est progressivement imposée comme une étape essentielle de la démarche scientifique. Dans ce sens, les questions que se posent les jeunes chercheurs travaillant sur le VIH/sida ne constituent pas une radicale « nouveauté ». Cependant, le contexte d’une épidémie aux implications complexes, marquée par des transformations sociales, politiques ou thérapeutiques rapides, nous conduit à un re-questionnement et une réévaluation des pratiques d’enquêtes à partir de nos terrains. Parmi ces enjeux, deux nous ont particulièrement intéressés : la place des sciences sociales dans l’étude d’une épidémie, et les enjeux de transmission des savoirs. (voir pièce jointe : Argumentaire).
Séances : Les séances se dérouleront sur une journée, autour de plusieurs interventions de 30 à 40 minutes, discutées par un chercheur plus confirmé ; des militants associatifs apporteront également leur regard sur les travaux présentés. Puis un échange aura lieu avec les participants du séminaire.
Les deux premières séances du séminaire auront lieu à Aix en Provence, en lien avec le séminaire du CReCCS intitulé : « De la participation à la recherche à la co-construction d’un objet anthropologique ». Ces deux séances introduiront les problématiques transversales du séminaire.
Jeudi 18 décembre 2008
CReCCS, Aix-en-Provence
Identité et positionnement
La relation lors du processus d’enquête n’est jamais la rencontre « neutre » d’un chercheur et d’un « terrain ». Les choix méthodologiques du chercheur, l’intérêt des enquêtés à lui répondre, les implications émotionnelles, les risques/tentations d’instrumentalisation,... sont autant de questions qui participent de la recherche elle-même. Ainsi, prendre au sérieux les effets « d’identité » et d’engagement du chercheur est une condition essentielle du travail scientifique, afin de mieux comprendre les dynamiques du terrain.
Matinée :
F. Chabrol (Iris, EHESS) et S. Musso (EHESS, CEAf, CReCSS) : Présentation du séminaire et du réseau des jeunes chercheurs sciences sociales et VIH/sida
G. Girard (CERMES, EHESS) : Questions de positionnements dans une recherche auprès d’homosexuels masculins en France.
Après-midi :
F. Héjoaka (CEAf, EHESS) : De l’engagement au positionnement moral : les dilemmes du chercheurs sur son terrain.
A-L. Faurand Tournaire (CRECCS) : L’expérience de terrain aux limites de soi. Osciller entre identité de médecin et d’anthropologue dans un service de maternité au Cambodge
Discutants : B. Spire, chercheur en virologie et en sciences sociales, président de AIDES et L. Hérault, maître de conférence en anthropologie.
Jeudi 29 janvier 2009
CReCCS, Aix-en-Provence
Semaine « Anthropologie et sida »
10h-13h :
Transmission des savoirs et des connaissances sur le sida
Cette séance permettra d’aborder les enjeux de la transmission des savoirs produits par les chercheurs en sciences sociales. Deux dimensions seront explorées : les enjeux de la transmission des résultats de recherche sur le VIH/sida auprès d’autres acteurs du terrain, et les questions relatives à la capitalisation des résultats au sein même de nos disciplines.
E. Bureau (Bordeaux II-IRD) :
Les enjeux de la transmission des savoirs entre chercheurs en sciences sociales et acteurs de la lutte contre le sida. Expérience cambodgienne
J. Castro (EHESS-Iris) : (sous réserve)
Discutant : M. Egrot (IRD) (sous réserve)
14h-17h :
Rapport au terrain, relation d’enquête
L’expérience du terrain, en sciences sociales, pose des questions nouvelles, bien souvent non anticipées à l’origine de la recherche. La confrontation à l’inattendu oblige souvent à reformuler les questions de recherche. Cette dimension de l’enquête s’avère particulièrement sensible au contact avec les autres acteurs qui « occupent » déjà le terrain : soignants, associatifs, patients, familles et proches des patients... Comment gérer les attentes non anticipées, formulées par les acteurs du terrain ? Comment se positionner sur un terrain très ou « sur- »investi par la recherche biomédicale ? Quelle attitude éthique face à l’isolement, la souffrance et/ou la précarité des personnes affectées par le VIH ?
L. Achilli (CEAf, EHESS) : Oscillations autour de la démarche empathique. Réflexions autour de la relation ethnographique dans une recherche sur le sida au Burkina Faso.
A. Billaud (CEAf, EHESS) : Enquêter auprès des associations de lutte contre le Sida au Sénégal : figures du positionnement du jeune chercheur.
M. Couderc (CreCSS) : (titre)
Discutants : F. Le Marcis, Univ. Bordeaux II ; V. Noséda, V. Douris (Sidaction)
Jeudi 2 avril 2009
Agence Nationale de Recherche sur le Sida et les Hépatites (ANRS), 101 rue de Tolbiac 75013 Paris
De l’objet d’étude à l’objet de recherche
Le processus de construction de l’objet de recherche pose très directement la question des relations entre le chercheur et son terrain d’enquête, les personnes rencontrées et/ou interviewées. La confrontation au terrain, les enjeux éthiques et les obstacles politiques engagent souvent un travail de redéfinition de l’objet de recherche. Par ailleurs, la frontière entre le chercheur et son terrain peut-elle rester imperméable ? Comment s’élabore une question de recherche, lorsque l’on souhaite produire des résultats « utiles » pour les personnes vivant avec le VIH ? Comment garantir un cadre de scientificité, tout en prenant en compte les attentes des autres acteurs ?
Matinée
S. Ouédraogo (EHESS- Iris) : Tensions disciplinaires et attentes institutionnelles : à partir d’une enquête sur la sentimentalité amoureuse en temps de sida au Burkina Faso.
P. Awondo (LAS, EHESS) : Conflits de loyauté et assignation identitaire du jeune chercheur : réflexions sur la « situated ethics » sur le terrain des migrants homosexuels
F. Chabrol (EHESS- Iris) : Penser les niveaux d’analyse et la transformation de l’objet de recherche à partir d’une enquête sur le sida au Botswana
Discutants :L. Vidal (IRD)
Après-midi
N. Tsotsa (CEAN, Bordeaux) : Analyser le VIH/Sida en tant qu’objet politique : l’expérience d’un ’emprunt’ d’outils théoriques.
W. Tchuinkam (CEMAF, Université Paris 1) : Le sida comme enjeu de la coopération internationale : construction d’un objet de recherche entre politiques publiques et relations internationales. A partir de l’exemple de la politique d’accès aux ARV au Cameroun.
Discutants : O. Nay (CERAPS, Université Lille 2) (sous réserve) ; J-M Le Gall, D. Rojas (AIDES)
Jeudi 11 juin 2009
Agence Nationale de Recherche sur le Sida et les Hépatites (ANRS), 101 rue de Tolbiac 75013 Paris
Enjeux et modalités de la restitution des résultats
Dans le travail d’enquête, la nécessité de restituer ou d’organiser un « retour » des analyses produites se pose en permanence : car la restitution n’est pas uniquement une étape finale de la recherche. Son intérêt se pose aussi dans la construction d’un cadre de confiance, l’élaboration d’un contrat « éthique » nécessaire entre enquêteurs et enquêtés. Dans le cas de l’épidémie de VIH/sida, les malades et leurs associations ont très tôt manifesté la revendication de n’être pas que des « objets d’étude », de pouvoir participer activement à la recherche, et d’être informés des résultats. Si ce cadre éthique a été formalisé dans les recherches biomédicales, les jeunes chercheurs en sciences sociales sont porteurs de nombreuses réflexions sur les manières de partager les résultats de recherche.
Le programme de cette séance sera communiqué ultérieurement