Pour cette 19ème édition, La Semaine du cinéma ethnographique vous propose d’explorer la thématique de l’alimentation. Il s’agit là d’un objet anthropologique et sociologique de première importance, souvent qualifié de fait social total, c’est-à-dire mettant en jeu l’ensemble de la société.
En effet, au-delà de la satisfaction de besoins physiologiques vitaux, l’alimentation constitue une construction sociale et culturelle : marqueur identitaire, outil dans des stratégies de positionnement ou d’ascension sociale, expression de la convivialité,… Elle revêt une forte charge symbolique. En témoignent, par exemple, la valeur associée à l’aliment de base de tel groupe social (blé, riz, taro, sagou,...) ou encore les interdits, évitements ou prescriptions alimentaires (en particulier religieux ) en vigueur dans tel autre ; mais aussi les mythologies associées à l’origine de certaines productions alimentaires. Les manières d’associer, de présenter et de consommer les aliments sont elles mêmes culturellement déterminées et l’objet de classements et de représentations : il en est ainsi des saveurs - chacun saisit sans peine le caractère relatif de ce qui est “bon à manger” ou non - ou des modes de préparation culinaire : par exemple, le cru et le c uit dont le statut a varié.
Enfin, faut-il le rappeler, les aliments consommés sont indissociables des modes de production, d’approvisionnement et de commercialisation dont ils sont issus. Et ces modes de production et de commercialisation sont aussi à considérer en tant que faits culturels, aussi bien dans les sociétés dites traditionnelles que dans nos sociétés post-modernes où prévalent les industries agro-alimentaires.
La programmation de cette 19ème édition ne prétend pas épuiser un sujet d’une telle ampleur mais propose de saisir la richesse, mais aussi le poids, du fait alimentaire dans nos sociétés, aujourd’hui et hier, près ou au contraire loin de nous. Et ce, sous divers angles et dans différents milieux sociaux et culturels, par exemple : la société belge de la fin des années 1950, la haute bourgeoisie de Montréal, un hospice pour vaches sacrées en Inde, un abattoir industriel aux États-Unis, les anciennes halles de Paris, une famille musulmane durant le ramadan à Paris, un fritkot et sa clientèle à Bruxelles, les petits producteurs-commerçants et les chalands d’un marché de la campagne vaudoise en Suisse....
Tous les films à l’affiche ont été choisis en fonction de la pertinence de leur contenu et de leur qualité formelle. Plusieurs d’entre eux comportent des images susceptibles de heurter un public sensible et sont à ce titre signalés comme tels. Il est vrai qu’ils donnent à voir ce que nous ne voulons peut-être pas voir, ou ce que l’on voudrait peut-être cacher. Aucune intention dans ces films de verser dans la provocation ou dans le sensationnel. Bien au contraire, ils sont marqués par l’exigence même du geste documentaire : donner à voir et à penser le réel - fût-il difficile à regarder - susciter la réflexion, tendre un miroir, interroger nos pratiques,....’,