Accueil |  Présentation  | Qui sommes-nous ?  | Charte éditoriale  | Nous contacter  | Partenaires  | Amis  | Plan du site  | Proposer un contenu

Suivre Liens socio

Mail Twitter RSS

Votre Liens socio

Liens Socio ?
C'est le portail d'information des sciences sociales francophones... Abonnez-vous !


Sexualité et maternité des adolescentes. Voix anglaises et écossaises

Un ouvrage de Fabienne Portier-Le Cocq (Presses universitaires de Rennes, 2009)

publié le jeudi 26 novembre 2009

Domaine : Sociologie

Sujets : Sexualité , Jeunesse

      {mini}

Par Frédérique Giraud

Les adolescents britanniques, par comparaison aux adolescents de l’Europe de l’Ouest, ont le taux le plus élevé de grossesses adolescentes de l’Union Européenne. De plus, le Royaume-Uni est le seul pays d’Europe à ne pas avoir vu les taux de conception baisser en trente ans. C’est pourquoi les taux de fécondité chez les adolescentes sont perçus comme fortement problématiques. Si la stigmatisation de la maternité monoparentale a considérablement diminué ces dernières décennies, force est de constater qu’il n’en est pas de même pour les maternités adolescentes. Ce qui est en jeu est la détermination de l’âge auquel il serait approprié pour une femme d’avoir des enfants. La maternité précoce est souvent envisagée comme un problème social et un problème de santé publique, à tel point que dans les années 1990 les politiques gouvernementales britanniques ont accordé une telle importance aux grossesses et à la maternité adolescente, que cet intérêt a éclipsé de l’agenda les problèmes liés à la monoparentalité. En 1992 dans un Livre Blanc intitulé The Health of the Nation, le ministère de la Santé a identifié la santé sexuelle (aux côtés du sida) comme l’un des cinq objectifs prioritaires de son programme et visait à réduire de moitié le taux de conception chez les adolescentes de moins de seize ans d’ici l’an 2000 [1]. Le quatrième chapitre revient de façon approfondie sur les politiques gouvernementales s’attachant à la maternité adolescente.

Parce que c’est un sujet d’intérêt politique et populaire, il regorge de prénotions, sur lesquelles le second chapitre offre un coup de projecteur. Parmi les perceptions de l’imaginaire collectif, on retrouve l’idée que les grossesses adolescentes sont d’abord un problème spécifique du Royaume-Uni. Or depuis l’entrée dans l’Europe de la Roumanie et de la Bulgarie, le Royaume-Uni n’est plus le pays européen dont les taux de naissances vivantes, chez les filles âgées de quinze à dix-neuf ans, sont les plus élevés. L’Arménie, les Etats-Unis, l’Ukraine ont les taux plus élevés de grossesses adolescentes avec respectivement des taux de fécondité de 56,2 pour mille femmes âgées de quinze à dix-neuf ans, de 54,4 pour mille et 54,3 pour mille. Le Royaume-Uni avec un taux de 32,1 pour mille est donc loin de se situer en tête de liste. Toutefois, les taux de fécondité de ces pays sont-ils vraiment comparables entre eux ? De façon commune également, on trouve l’idée que les adolescentes devenues mères n’ont cessé de changer de partenaires et ont eu des rapports sexuels avec le premier venu, ce qui semble être la cause de leur grossesse. On porte également souvent au crédit de ces mères la volonté de faire élever leur enfant par leur mère ou même de le faire adopter par celle-ci... C’est l’un des succès de cet ouvrage, que de rompre avec les opinions subjectives et préconçues, et de proposer un point de vue construit et problématisé sur cette question de la maternité adolescente. Cela passe par la prise en compte circonstanciée et contextualisée du regard des pairs, des parents, des proches, de l’opinion publique et des médias de ce « problème public ». En contrepoint, le lecteur saisit l’importance qu’il y a à saisir le regard des mères adolescentes sur leur grossesse et leur maternité. Là se situe l’ambition de son ouvrage. La perspective retenue par l’auteure consiste à saisir le récit personnel de l’adolescente, donc le discours des mères sur leur grossesse et leur maternité. Les opinions des jeunes mères étant absentes de la littérature scientifique sur la maternité adolescente, l’objectif de l’auteure est de contribuer à combler cette lacune.

Le premier chapitre est l’occasion de revenir de façon détaillée sur l’enquête de terrain qui constitue le sous-bassement de l’ouvrage. L’enquête qualitative menée en Ecosse et en Angleterre a consisté en soixante-dix-huit entretiens semi-directifs de mères adolescentes ou d’adolescentes enceintes menant leur grossesse à terme : 26 entretiens ont été recueillis en Ecosse et 52 en Angleterre. Deux futurs pères ont également été interrogés. Les échanges électronique et épistolaire ont été mobilisés lorsqu’il était impossible à l’auteure de rencontrer les (futures) mères. Parmi les mères interrogées, 20 ont eu leur enfant à quatorze ans, 19 à quinze ans et 14 jeunes femmes à seize ans. Dans l’échantillon, cinquante-six mères étaient primipares, sept jeunes mères avaient deux enfants. Fabienne Portier-Le Cocq dessine le profil des mères adolescentes : ce sont pour 60% d’entre elles des jeunes femmes de moins de seize ans à la conception, (l’âge de la majorité sexuelle étant de seize ans en Angleterre et en Ecosse), elles vivent pour 64% d’entre elles dans des familles nombreuses de trois à cinq enfants, un tiers de leurs sœurs sont également mères adolescentes. Dans un tiers des cas, elles sont nées elles-mêmes d’une mère adolescente. 40% des mères et 63% des pères de l’adolescente sont actifs et occupent un emploi dans des secteurs manuels en règle générale. Le troisième chapitre offre un panorama de la maternité adolescente qui offre de nombreuses données statistiques et des graphiques, qui permettent d’aborder la maternité adolescente avec précision. Malheureusement cette précision ne se retrouve pas dans l’analyse des entretiens.

La troisième partie, composée de deux chapitres est plus précisément centrée sur les expériences des mères adolescentes. Dans le chapitre cinq « De la naissance d’un évènement », l’auteure s’interroge sur les circonstances familiales et sociales, les facteurs personnels et les comportements à risque à l’origine de la maternité adolescente. Pour la plupart, les mères adolescentes proviennent de familles désunies par une séparation ou un divorce ou vivent avec leurs beaux-parents. L’influence du milieu familial est nette. Les foyers sont pauvres, les adolescentes racontent une enfance malheureuse, au cours de laquelle elles ont changé souvent de domiciles, de familles d’accueil et d’écoles. Le chapitre cinq repose sur une analyse de contenu des discours des mères adolescentes, on regrettera cependant que l’analyse omette à ce moment-là de prendre en compte l’influence des circonstances sociales, pourtant notée comme déterminante dans le survey de la littérature proposé dans la première partie du chapitre cinq.

Par exemple, si la découverte de la grossesse est dans la grande majorité des cas non planifiée, involontaire, certaines adolescentes rapportent avoir souhaité leur enfant, avoir planifié la naissance. Il serait alors profondément heuristique de connaître les propriétés sociales qui distinguent ces jeunes filles de celles qui restent dans le déni de leur grossesse. Si 40% des mères et 63% des pères de l’adolescente sont actifs et occupent un emploi dans des secteurs manuels en règle générale, que font les autres parents ? En quoi ces mères adolescentes ont-elles des parcours et des expériences de la maternité différentes des autres ? On ne peut indûment mettre le doigt sur les circonstances familiales et sociales qui sont à l’origine des maternités adolescentes et ne pas les mentionner ensuite dans l’analyse de discours des adolescentes. Les extraits d’entretiens nombreux qui agrémentent le propos ne sont en effet jamais renvoyés aux propriétés sociales des mères. Ces critiques trouvent une partie de leur explication dans l’origine de l’ouvrage. Celui-ci est issu d’une thèse soutenue en novembre 2007 pour le doctorat d’anglais mention civilisation britannique [2] , il ne s’agit donc pas d’une thèse de sociologie. Ainsi les remarques que l’on peut faire ici doivent être rapportées à la hauteur des attentes soulevées par l’ouvrage, et doivent être considérées comme autant de pistes à explorer de façon plus approfondie. Reste que les facteurs pris en compte sont exhaustifs : âge du premier rapport sexuel des enquêtées, lieux de rencontre, raison de l’acte sexuel, rapport à la religion à l’école, moyens de contraception... On peut noter avec intérêt que les témoignages démontrent que les adolescentes n’ignorent pas totalement, à quelques exceptions près, la contraception ou la sexualité, contrairement à ce que suggèrent les analyses les plus communes. Il apparaît qu’un faible niveau scolaire est le plus puissant facteur de probabilité de parentalité adolescente. En effet, presque 40 % des mères adolescentes n’ont pas l’équivalent du brevet des collèges, ni même une seule matière de ce diplôme, c’est-à-dire qu’elles n’ont aucune qualification.

Le sixième et dernier chapitre s’intéresse aux réactions des adolescentes et de leurs parents, du père biologique et de ses parents, des amis, des institutions... à l’annonce de la maternité. La réaction de l’institution scolaire varie fortement entre les établissements ou les enseignants, les conseillers d’orientation qui cherchent à aider l’élève enceinte à poursuivre ses études, soit au sein de l’établissement, soit au sein d’un centre pour mères adolescentes et celle des établissements, qui au contraire, ont recours à des stratégies diverses et (il)licites pour que la collégienne enceinte ne poursuive pas ses études au sein de son école d’origine. Un moyen fréquemment évoqué par les futures mères est l’assurance que les écoles n’ont pas contractée pour couvrir la jeune femme enceinte en cas de problème. On regrettera que les relations entre mère et adolescente soient peu approfondies.

Toutes les mères tentent de justifier leur maternité et cherchent à ne pas correspondre aux stéréotypes dont elles font l’objet : des filles faciles ayant des relations sexuelles avec des hommes plus âgés qu’elles. Les mères donnent parfois l’impression de produire un discours convenable, acceptable pour la société. Un double discours s’installe, celui très ancré, de ne pas considérer l’enfant comme une erreur, un enfant non désiré et celui de masquer une vérité qui semble dérangeante, parce que l’acte sexuel est ressenti comme une faute. Certaines adolescentes font état de leur maternité comme d’un nouveau départ dans leur vie, d’un déclic qui s’est opéré. Fortes de leurs nouvelles responsabilités, elles ne veulent pas décevoir leur entourage. Sont évoqués dans ce dernier chapitre les conditions de vie des mères adolescentes : logement, appui de la famille, difficultés budgétaires et d’insertion sociale, accès aux prestations sociales, perspectives d’avenir. Là encore les points abordés sont nombreux.

Au final, Fabienne Portier-Le Cocq offre avec son ouvrage une prise de vue exhaustive de la maternité adolescente, une lecture plus proche du vécu des mères adolescentes, au-delà des seules statistiques, en donnant la parole aux protagonistes.

NOTES

[1En 1989 le taux maximal de conception chez les adolescentes âgées de treize à quinze ans était de 9,5 pour mille et le gouvernement visait un taux de 4,8 pour mille en 2000

[2On retrouve celle-ci en libre accès sur le net à l’adresse suivante http://tel.archives-ouvertes.fr/docs/00/26/75/68/PDF/theseportier.pdf

Note de la rédaction

À lire aussi dans la rubrique "Lectures"

Une réponse de José Luis Moreno Pestaña au compte rendu de Pierre-Alexis Tchernoivanoff
Un ouvrage de Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot (Payot & Rivages, Coll " Essais Payot", 2009)
Une réédition de l’ouvrage de Katharine Macdonogh (Payot & Rivages, Coll "Petite Bibliothèque Payot", 2011)

À lire sur les mêmes sujets...

Sexualité

Un ouvrage de Natacha Chetcuti (Payot, Coll "Essais", 2010)
Sous la direction de Nathalie Deffains et Bruno Py (PU Nancy, coll. "Santé, qualité de vie et handicap", 2011)
Un ouvrage de Sébastien Roux (La Découverte, coll. "Textes à l’appui / genre & sexualité", 2011)
Un ouvrage de Françoise Picq (Editions Dialogues, 2011)

Jeunesse

Un numéro de la revue Agora. Débats/Jeunesses (L’Harmattan, INJEP, N° 56, 2010/3)
Un dossier de la revue "Agora débats/jeunesses" (L’Harmattan, Injep, N° 57, 2011)
Un ouvrage d’Elise Tenret (La documentation française, Coll. "Etudes et recherches - OVE", 2011)
Un ouvrage sous la direction de Sylvie Octobre (DEPS, Questions de culture, 2010)

Partenaires

Mentions légales

© Liens Socio 2001-2011 - Mentions légales - Réalisé avec Spip.

Accueil |  Présentation  | Qui sommes-nous ?  | Charte éditoriale  | Nous contacter  | Partenaires  | Amis  | Plan du site  | Proposer un contenu