"En octobre 2006, la dernière grande forge de Nouzonville, dans les Ardennes est fermée, liquidée, après avoir été pillée par ses repreneurs américains. Il y a trente ans à peine, le temps d’une génération, une quarantaine d’entreprises oeuvraient ici, tournant à plein régime. Marcel Trillat est venu à la rencontre des ouvriers fiers de leur savoir-faire, des ingénieurs dont le talent était reconnu par tous, de ces dynasties patronales héréditaires, souvent autoritaires mais toujours attachées à leurs usines et à leurs salariés. Toute une société laminée par une mondialisation qui se préoccupe peu de leur devenir..."
Quelques mois seulement après avoir pris une retraite bien méritée, Marcel Trillat reprend donc du service. Ce sont en fait les Pinçon et Pinçon-Charlot, couple de sociologues bien connus pour leur plongée dans le milieu de la grande-bourgeoisie qui, enquêtant sur les lieux dont Michel est originaire, sont venus lui proposer l’idée de ce nouveau documentaire. Après avoir été l’un des trop rares journalistes-documentaristes à donner la parole aux ouvriers, et à les montrer au travail, Marcel Trillat passe ici de l’autre côté de la chaîne, tendant son micro aux patrons de l’ancienne vallée sidérurgique. Le résultat est édifiant, consistant bien moins à dénoncer ou alimenter une quelconque vulgate anti-patrons, mais de pénétrer les représentations de celles et ceux qui étaient encore il y a peu les "maîtres des forges". Un autre regard, "par le petit bout de la lorgnete" selon les mots du réalisateur, sur la mondialisation et ses conséquences sur le tissu social d’une communauté locale.
Un documentaire qui n’est pas sans faire écho à un autre, "Ma mondialisation" (2006), où Gilles Perret suivait un petit patron d’une entreprise de décolletage de la vallée de l’Arve qui s’enrôle dans la grande "aventure" de la mondialisation. Et qui vient compléter utilement la trilogie que Marcel Trillat avait consacrée au monde ouvrier. Pour l’occasion, France 2 rediffuse d’ailleurs "Les Prolos", "Les 300 jours de colère" et "Femmes Précaires". Autant de rendez-vous à ne pas manquer, même si, "évidemment", il faudra se coucher bien tard pour avoir le droit de les voir...