Par Patrick Cotelette [1]
Après trois premières éditions en 1995, 2001 et 2003, Marlaine Cacouault-Bitaud et Françoise Oeuvrard reviennent en 2009 sur leur ouvrage résumant la Sociologie de l’éducation. Toutes deux spécialistes de ce domaine, elles donnent ici un compte-rendu exhaustif de la sociologie française de l’éducation des années 1950 à nos jours, fidèles en cela à l’esprit de la collection Repères. On regrettera néanmoins l’absence de références étrangères, notamment anglo-saxonnes, sur le sujet [2] . Les chercheurs anglo-saxons sont en effet pionniers dans l’analyse des conditions et la définition de l’efficacité éducative, qui est pourtant « un champ d’investigation pour les chercheurs : quels sont les critères d’une bonne école, d’une école efficace, efficace pour quels élèves... ? » (p.15). Les auteurs ont ici négligé d’apporter à la sociologie française un regard étranger sur une nouvelle interrogation [3]. .
Cette remarque mise de côté, l’ouvrage reste une très bonne synthèse de la sociologie française de l’éducation. La première partie est consacrée à l’analyse de l’évolution de la pensée sociologique rapportée à l’évolution du système scolaire français. Les auteures montrent ainsi que le passage d’une sociologie centrée sur les inégalités scolaires et sociales à une sociologie centrée sur les pratiques scolaires face à des publics hétérogènes renvoie à l’évolution du système scolaire français, des écoles hiérarchisées de l’après Seconde Guerre Mondiale au collège unique démocratisé de 1975.
La deuxième partie, la plus importante, recense ensuite les inégalités scolaires et leurs évolutions depuis la Seconde Guerre Mondiale. De la maternelle à l’Université, preuves à l’appui, les auteures questionnent la notion de « démocratisation » scolaire et montrent que l’augmentation quantitative du nombre d’enfants scolarisés dans une même classe d’âge (démocratisation quantitative) s’accompagne d’un déplacement des inégalités scolaires entre PCS, notamment par filières et dans l’accès à l’Université et aux classes préparatoires (« démocratisation ségrégative » pour reprendre l’expression de Pierre Merle). Les auteures s’attachent également à la description des inégalités selon le genre, selon la nationalité d’origine et selon la zone d’habitation.
La troisième partie recense quant à elle les sources de ces inégalités, de l’explication bourdieusienne des dotations inégales en capital culturel des familles, en passant par l’explication de Boudon des stratégies éducatives différenciées, jusqu’aux explications liées à l’organisation différenciée des établissements scolaires. Des réponses sont ainsi apportées sur les effets sociaux de la suppression de la carte scolaire et sur les effets spécifiques de l’enseignement privé par rapport à l’enseignement public. On peut ici utilement lire la sixième partie de l’ouvrage à la suite de cette troisième : elle apporte en effet un dernier éclairage sur l’explication des inégalités scolaires, en insistant sur les effets de la nature des contenus enseignés, des pratiques enseignantes et de l’apprentissage différencié du « métier d’élève ».
Les quatrième et cinquième parties de l’ouvrage apportent des angles complémentaires à la sociologie française de l’éducation. Le premier angle concerne les rendements professionnels de l’éducation. Les auteures étudient l’évolution de l’insertion professionnelle, selon le niveau du dernier diplôme obtenu (universitaire long, universitaire court, baccalauréat, CAP ou BEP, sans diplôme) et selon les filières, abordant ainsi la question socialement sensible du déclassement. Les auteures remarquent à ce sujet que, malgré les disparités professionnelles entre diplômés du supérieur, ces derniers « font figure de privilégiés si on les compare aux jeunes qui n’ont pas continué des études au-delà du second degré » (p.72). Le deuxième angle concerne le corps enseignant et ses évolutions. Sont ainsi abordées les questions du nombre de professeurs, de leur origine sociale selon le niveau d’enseignement et leur rapport au métier d’enseignant.
D’une manière générale, c’est ainsi une synthèse quasi-exhaustive de la sociologie française de l’éducation que livrent Marlaine Cacouault-Bitaud et Françoise Oeuvrard. L’ouvrage est donc conseillé pour tous ceux, étudiants ou professeurs, désirant une entrée rapide et efficace sur les questionnements et les réponses de la sociologie de l’éducation.