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Sortir sans diplome de l’Université. Comprendre les parcours d’étudiants décrocheurs

Un ouvrage sous la direction de Nathalie Beaupère et Gérard Boudesseul (La documentation française, Observatoire national de la vie étudiante (OVE), Coll "Etudes & Recherche", 2010)

publié le lundi 12 avril 2010

Domaine : Sociologie

Sujets : Protection sociale

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Par Romuald Bodin [1]

C’est sans doute moins la massification de l’enseignement supérieur que le projet de mise en concurrence des universités européennes (Bologne, 1999) [2] qui a conduit, ces dix dernières années, à faire de la question des « performances » des universités - dont les indicateurs sont entre autres les taux d’échec en premier cycle et, de façon plus centrale encore, les taux de sortie sans diplôme [3] - un élément incontournable du débat social et politique sur l’enseignement supérieur avant de s’imposer rapidement à la recherche scientifique. Ainsi, depuis 2000, un nombre croissant d’écrits, de rapports et d’études s’intéresse à « l’abandon » des étudiants.

L’ouvrage dirigé par Nathalie Beaupère et Gérard Boudesseul s’inscrit dans ce cadre. Il constitue d’ailleurs le second livre sur ce thème publié via l’OVE à la Documentation française. Mais alors que le premier [4] consistait en une synthèse des travaux consacrés à la question, celui-ci s’appuie sur une enquête qualitative constituée de soixante entretiens approfondis auprès d’anciens étudiants sortis sans diplôme d’un premier cycle universitaire [5].La difficulté dans le cadre d’une étude touchant à un problème ainsi politiquement préconstruit est double. On risque en effet soit de se laisser imposer la définition sociale et politique de l’objet et répéter ainsi, sous une autre forme, ce qui se dit déjà ailleurs, soit de croire faire œuvre d’avancée scientifique en revenant, contre ce discours imposé, à un état antérieur de la connaissance scientifique. Si l’ouvrage en question ne succombe pas au premier écueil, tout semblait en revanche réuni pour qu’il succombe au second. Ce n’est pourtant pas le cas. Les auteurs de ce livre se sont en effet donnés le salutaire objectif de venir compléter les analyses quantitatives du phénomène qui les ont précédés, plus qu’ils n’ont l’ambition des les contredire par le biais d’une autre approche plus qualitative : « il ne s’agit pas ici de revenir sur les facteurs du décrochage [genre, parcours scolaire, type de bac, PCS des parents, etc.], mais bien plutôt d’éclairer le processus qui conduit des jeunes à sortir sans diplôme de l’Université » en saisissant « la perception qu’[ils] ont de leur expérience et ce qui les a conduit à abandonner ».

Or de ce point de vue, l’ouvrage est d’une grande richesse. Non seulement, de nombreux extraits d’entretiens sont mobilisés tout au long de l’ouvrage (ce qui aide à la compréhension et permet, à l’occasion, de tirer des informations non directement traitées par les auteurs) mais, qui plus est, les trois parties qui le constituent offrent au lecteur trois types d’entrées très complémentaires. Les parties 1 et 2 exposent les diverses préoccupations et problèmes rencontrés à l’Université par les anciens étudiants interrogés et ce de façon chronologique (choix d’orientation, découverte de la vie à l’Université, processus de « décrochage », premières expériences sur la marché du travail...). La première insiste sur les parcours, les orientations, le travail universitaire, les difficultés d’apprentissage, alors que la seconde insiste sur des préoccupations liées à l’insertion professionnelle (contraintes liées à la situation d’étudiant salarié, interrogations concernant l’avenir, premières expériences professionnelles, etc.).

La troisième partie de l’ouvrage propose quant à elle une typologie des parcours de décrochage. Quatre figures sont distinguées. Les studieux font une expérience doublement négative de l’Université. Espérant profiter de « l’ascenseur social » que représentait pour eux l’enseignement supérieur, ils acceptent mal leur échec et se trouvent désemparés face à la nécessité de devoir réajuster leurs ambitions professionnelles. Les raccrocheurs, au contraire, parce que déjà investis dans des activités professionnelles ou en recherche d’une réorientation, ne vivent pas leur sortie sans diplôme comme un échec réel : « mieux informés des possibilités d’emploi et de formation, leur décision prise rapidement de quitter l’Université et de se mettre en situation de chercher des alternatives leur a été profitable ». Les opportunistes, de leur côté, vivent leur inscription à l’Université comme une expérience parmi d’autres et une phase de transition. Ils multiplient en ce sens les activités extra-universitaires mais essaient aussi, parfois, diverses (ré-)orientations. Enfin, les décrocheurs en errance (qui sont les plus nombreux) s’inscrivent à l’Université parce que « cela va de soi » mais n’arrivent pas pour autant à s’engager pleinement dans leur filière. Une fois sortis, ne sachant choisir entre la nécessité de travailler ou celle de reprendre des études, leur parcours oscille entre les deux, ce qui les conduit à errer aux marges du marché du travail.

NOTES

[1Maître de conférences en sociologie à l’université de Poitiers, membre du GRESCO (EA 3815).

[2F. Schultheis, M. Roca i Escoda, P-F. Cousin, Le cauchemar de Humboldt. Les réformes de l’enseignement supérieur européen, Paris, Raisons d’agir, 2008

[3Pour la génération de jeunes sortis du système d’enseignement supérieur en 2004, les sortants sans diplôme représentent 20 % de l’effectif total. Calmand J., Hallier P., « Etre diplômé de l’enseignement supérieur, un atout pour entrer dans la vie active », Céreq, 2008, Bref, n°253, juin

[4N. Beaupère, L. Chalumeau, N. Gury, C. Hugrée, L’abandon des études supérieures, Paris, La documentation française, 2007.

[5Ces 60 entretiens ont fait l’objet d’une analyse textuelle numérique par le logiciel Alceste

Note de la rédaction

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