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Vers une République sociale ? Un itinéraire d’historien

Un ouvrage de Yannick Marec (PU Rouen, Coll "Histoire et Patrimoine", 2010)

publié le jeudi 22 juillet 2010

Domaine : Histoire

Sujets : Culture , Politique , Protection sociale

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Par Stéphane Lembré [1]

Si la constitution d’un recueil rétrospectif d’articles et de contributions n’est pas un exercice nouveau, passer de l’assemblage à la réunion de textes portant sur des sujets et des chronologies variés n’est pas chose aisée. Aussi lit-on avec intérêt les vingt chapitres du « bilan prospectif » (p. 13) que se propose Yannick Marec : à travers les travaux successifs publiés depuis le début des années 1980 se lisent à la fois les intérêts de l’historien et le développement d’un champ de recherches. Il faut reconnaître que l’auteur n’en est pas à son coup d’essai, puisqu’un précédent recueil du même type a été publié en 2006 sous le titre Pauvreté et protection sociale aux XIXe et XXe siècles. Des expériences rouennaises aux politiques nationales (Presses Universitaires de Rennes).

L’ouvrage s’organise autour de quatre parties complémentaires. La première, intitulée « les mesures et les hommes », s’intéresse au système métrique, à l’arithmétique, à l’octroi et aux statistiques, dont les mutations à partir de la période révolutionnaire soulèvent des résistances et des appropriations. Plusieurs itinéraires rouennais sont suivis dans la deuxième partie, intitulée de manière assez neutre « Culture et politique » ; plutôt que des parcours individuels, il s’agit toujours d’entrer dans la réalité du temps grâce à un thème et une personnalité indissociable de son milieu. La campagne de Gustave Flaubert en faveur de la construction d’un monument à la mémoire de son ami le poète Louis Bouilhet permet à l’auteur de décrire le fonctionnement de la municipalité rouennaise d’une part, et d’autre part de peser les forces respectives des conservateurs et des républicains dans les premiers mois de la Troisième République (chapitre 8). Dans un troisième temps, Yannick Marec évoque les acteurs de la protection sociale, sous l’angle de la diversité et des réseaux : la franc-maçonnerie, les médecins normands, les figures de Richard Waddington et du pasteur Wilfred Monod. Les institutions multiples du social sont ainsi approchées par leurs réalisations et par les débats qui s’y tiennent, par les hommes qui les fréquentent, à l’image du débat qui mobilise Jules Siegfried et Paul Guieysse au Musée social, en 1906, autour des retraites ouvrières (chapitre 15). La quatrième partie est plus indépendante ; elle est centrée sur « l’approche patrimoniale » de la protection sociale. L’auteur s’y intéresse aux archives des Caisses d’épargne de Normandie, à la question de l’abandon des nouveaux-nés, aux hôpitaux de Rouen et à l’assistance publique - autant de manifestations d’un système rouennais de protection sociale dont l’émergence est parfois envisagée sous un angle comparatif (avec la situation à Paris principalement) qu’on aurait pu souhaiter plus développé.

La mise en perspective proposée dans l’épilogue permet un retour sur l’évolution de l’historiographie du « modèle social républicain de la fin du XIXe siècle ». Quoique le système rouennais ait réellement constitué un laboratoire, par exemple à propos de l’adoption de la loi de 1893 sur l’assistance médicale gratuite aux personnes privées de ressources (p. 489), la notion de modèle appelle quelques réserves : si l’importance des initiatives locales est attestée, les politiques sociales en mouvement contredisent l’aspect « achevé » du modèle. Entre libéralisme et interventionnisme social, la palette des positions, des débats et des réalisations s’avère large ; faut-il revendiquer l’étude par en bas des pratiques d’assistance pour revenir sur des travaux qui privilégieraient les sphères parisiennes, ou considérer que les dynamismes et les initiatives sont à la fois centrales et locales, et que le problème réside plutôt dans l’ajustement inachevable des discours et des pratiques identifiés à plusieurs échelons administratifs, politiques ou associatifs ?

Revenons enfin sur deux axes qui traversent ces études. Sans doute est-il devenu presque banal d’évoquer les réseaux et leur rôle dans l’institutionnalisation de la protection sociale ; encore faut-il prendre soin d’étudier précisément les hommes et les femmes qui les composent et les animent, quelles que soient leur envergure, leur « surface sociale » ou les conséquences de leur engagement. Ainsi Yannick Marec a minutieusement étudié le rôle d’Henri Vermont, de Maurice Lachâtre, de Richard Widdington, de Paul Guieysse ou de Wilfred Monod : tous sont avec plus ou moins d’ardeur et d’efficacité des passeurs et créateurs de normes décisives en matière de protection sociale.
L’étude des lieux d’élaboration et de diffusion de ces normes constitue l’un des autres points majeurs de cet itinéraire. Comme dans l’ouvrage de 2006, l’articulation entre le local et le national est incontournable. La ville de Rouen est tour à tour théâtre, caisse de résonance, cas exemplaire ou particulier selon les cas. Le déplacement du regard de l’Etat - obsession historiographique longtemps incontestée - vers les expériences départementales et municipales et le travail historien du local ne sont pas ici une facilité mais l’échelon pertinent d’analyse pour des politiques d’assistance et de prévoyance dont on connaît désormais mieux la part qu’y prennent les communes et les conseils généraux.

Une mention spéciale doit être accordée à la documentation ; le souci de fournir des documents originaux et importants s’accompagne d’une iconographie riche, à la fois illustrative et résolument intégrée à la démonstration. L’ensemble contribue à rendre la lecture de cet ouvrage spécialisé agréable, et à dépasser le bilan historiographique de trois décennies pour suggérer l’ampleur des questions qui restent ouvertes en matière d’histoire de la protection sociale.

NOTES

[1Professeur agrégé d’histoire, doctorant IRHiS - Lille 3

Note de la rédaction

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