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Vieillir pose-t-il vraiment problème ?

Un numéro de la Revue "Lien Social et Politiques" (n°62, automne 2009)

publié le mercredi 9 juin 2010

Domaine : Sociologie

Sujets : Vieillesse

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Par Stéphane Alvarez [1]

Vieillir pose-t-il vraiment problème ? Ce numéro de la revue « Lien social et politiques » affiche sa volonté de remettre en cause un postulat partagé tant par le sens commun, que par certaines « élites » scientifiques ou politiques. Ainsi le phénomène mondial du vieillissement démographique ne doit-il pas être pensé comme un « fardeau », incitant à un pessimisme démographique aux conséquences négatives multiples : économiques, sociales, politiques, sanitaires... Les nombreuses contributions de spécialistes venant de disciplines variées (démographes, spécialistes en santé publique, sociologues...) s’inscrivent dans cette intention de reconsidérer ce que les co-directrices [2] de ce numéro ont nommé un « pronostic apocalyptique » annoncé par le phénomène de vieillissement des populations.

Afin d’appréhender la complexité des transformations liées au phénomène du vieillissement des populations et des individus, cet ouvrage multiplie les angles d’analyse. Ainsi la première partie s’intéresse à la façon dont est traité socialement le vieillissement démographique dans une approche comparative. Le démographe Jacques Légaré, tout en insistant sur l’aspect positif du vieillissement, souligne le fait que l’entrée des baby boomers [3] québécois dans les âges de la retraite et de la vieillesse concerne toutes les générations. Cette évolution démographique doit orienter les politiques sociales contemporaines vers une « équité intergénérationnelle » pour une gestion saine et solidaire du vieillissement des populations. Ce but n’était pas celui poursuivi par l’administration Bush aux Etats-Unis, à en croire Daniel Béland. L’auteur montre que la campagne de 2004, restée vaine, en faveur d’une « privatisation partielle » des retraites, était basée sur une vision idéologique du vieillissement démographique : un « choc démographique » forcément pessimiste. Barbara Da Roit et Blanche Le Bihan, pour leur part, se demandent comment s’articulent l’aide familiale et l’intervention publique dans la prise en charge des personnes âgées dépendantes en France et en Italie, deux pays à la tradition familialiste. L’introduction d’allocation monétaire pour les tâches de care [4], permet certes d’externaliser le care, mais sans pour autant conduire à une défamilialisation de celui-ci. La place et le rôle des familles auprès de leur parent dépendant sont alors redéfinis par cette introduction des politiques sociales dans la sphère privée.

La seconde partie traite de l’injonction faite aux personnes âgées d’entrer dans un vieillissement « actif ». Débat d’actualité avec la réforme des retraites, le vieillissement « actif », ou le « bien vieillir », porte la préoccupation politique de réduction des coûts de santé publique. Le risque d’une telle volonté politique réside tout autant dans l’occultation de la pluralité des formes de vieillissement individuel que dans la mise en place d’une normalisation des pratiques individuelles. Aline Chamahian montre que les formations dans les Universités Tous Âges concernent une population âgée issue des classes moyennes, plus ancrée dans cette logique de vieillissement « actif » que les autres couches de la population. Pia-Caroline Hénaff-Pineau met pour sa part en avant la pluralité de sens que les personnes âgées donnent à leur pratique sportive, et Philippe Cardon analyse les transformations des pratiques alimentaires au moment du veuvage sous l’angle des différences de genre et de classe. Il nous livre ainsi un éventail de contextes sociaux influençant l’observance ou la non observance des prescriptions nutritionnelles très présentes chez les sujets âgés.

La troisième partie discute de la représentation sociale négative du vieillissement, qui masque la diversité du « vieillir » et les manières d’accompagner le vieillissement. Ainsi, Alain Thalineau et Laurent Nowik analysent les mobilités résidentielles des retraités se situant en « milieu de retraite », c’est-à-dire les personnes âgées de 70 à 84 ans vivant à domicile. Le sens donné à cette mobilité résidentielle se caractérise par la recherche d’une sécurité « ontologique » (Giddens, 1994), et d’un désir d’agir pour une préservation d’un Soi se démarquant de l’image du « vieux », image importée du sens commun faisant de ces derniers l’antithèse de l’injonction contemporaine à la mobilité. Vincent Caradec, s’appuyant sur une enquête réalisée auprès d’aidants familiaux, remet en cause la notion de burden, « fardeau ». L’élaboration d’une typologie tend à montrer que la satisfaction et l’engagement sont deux modalités effectives du sens que peuvent donner les aidants à l’accompagnement d’un proche âgé, loin d’être alors pensé seulement comme un « fardeau ». Enfin, Laure Blein et ses collaborateurs nous ramènent au Québec, où les aidants familiaux sont désormais de plus en plus issus du baby-boom. S’appuyant sur une enquête de terrain, ces auteurs montrent que leur conception de la vieillesse renvoie à une idéologie proche de « l’âgisme », produisant une image dépréciée de cette étape de la vie. Ces deux derniers articles mettent ainsi en relief diverses manières de penser l’aide selon que les aidants s’éloignent ou non des représentations sociales de la vieillesse et du vieillissement.

Enfin, la dernière partie s’intéresse davantage aux services publics ayant pour cible les personnes âgées dépendantes. Au Québec, l’articulation entre intervenants professionnels et famille dans la production de soins aux personnes peut être à même de créer des tensions relatives aux rôles que chacune des parties souhaitent jouer dans cette relation ternaire, selon Jean-Pierre Lavoie et Nancy Guberman. En France, Françoise Piotet et Elise Finielz se sont penchées sur la politique de prévention de la dépendance élaborée par la CNAV envers les personnes considérées comme « fragiles » . Les écueils auxquels fait face cette politique résident selon les auteurs dans la difficulté de définir ce qu’est la notion de fragilité, aujourd’hui largement inspirée du modèle biomédical. Peut être devrions nous davantage nous préoccuper de ce qui participe de la fragilité sociale ?

Par la question centrale et urgente qu’il pose et par sa volonté de la traiter aussi bien au niveau individuel que collectif, ce numéro de « Lien social et politiques » devrait intéresser aussi bien les politiques, les spécialistes du vieillissement que les non spécialistes qui sont ou seront confrontés tôt ou tard à leur propre vieillissement ou à celui d’un des leurs proches. Les différentes contributions permettent d’élargir la vision de la vieillesse et du vieillissement, en s’écartant d’une représentation sociale alarmiste grâce à la mise en lumière de la diversité des formes du vieillir et du sens donné par les acteurs à leurs pratiques et expériences.

NOTES

[1Doctorant en sociologie Laboratoire UMR PACTE 5194 Université Pierre Mendès France Grenoble 2

[2Nicole F. Bernier et Isabelle Mallon sont membres du comité international de rédaction de la Revue

[3Les baby-boomers sont les personnes nées entre 1945 et les années 60-70 (selon les pays), période de forte croissance du taux de natalité dans les pays industrialisés.

[4Le care est un terme anglo-saxon que l’on peut traduire par « prendre soin », « se soucier de ». Généralement, le care désigne l’ensemble des aides et des soins apportés aux personnes nécessitant de l’aide pour la réalisation de diverses activités. Voir Laugier, Molinier, Paperman, 2009.

Note de la rédaction

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