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de la journée d'études
Sciences sociales 2.0.
Introduction
,
par Pierre Mercklé
- Qu'est-ce que les nouvelles technologies font aux sciences sociales : qu'est-ce qu'on peut leur faire faire ?
Y aura-t-il encore des auteurs individuels dans 10 ans ? Des carrières comme elles se construisent aujourd'hui ?...
Les livres et les revues de sciences sociales vont-ils disparaître ?
par Pierre Mounier
Une question fondamentale : l'avenir du livre à l'ère du numérique : un cadavre dans la pièce d'à côté dont on ne sait que faire ?
Dès qu'on parle de livre, le débat se focalise sur des aspects techniques (fabrication, co
û
t, etc.) mais pas sur le fond.
au contraire, essayons d'aborder la question du point de vue des pratiques de lecture et d'écriture
Tentative de déconstruire la question, pour ne pas se limiter aux aspects techniques.
On peut mettre de côté le mot "livre".
Usage croissant des outils du Web 2.0 dans les sciences sociales : signets partagés, blogs, réseaux sociaux.
=> rupture avec les formes traditionnelles de publication
guerre des anciens contre les modernes ? Voix très différentes. Certains basculent dans ce nouveau monde, d'autres développent un discours beaucoup plus critique.
Adoption résolue de nouveaux modes de communication scientifique vs résistance contre un dévoiement de la pensée...
Argument intellectuel de Nicholas Carr : Google nous rend-il stupide, avec développement d'une pensée superficielle (shallow) ?
"Découper le cadavre en 2" : livre d'un côté, revue de l'autre.
1. Livres
Dépasser la définition matérielle du livre, plutôt une tradition intellectuelle.
Une tradition intellectuelle plus ancienne que les formes matérielles imprimées que l'on connaît aujourd'hui
objet intellectuel vs objet matériel
Tradition intellectuelle qui remonte à au moins plus de 2500 ans.
Enquête d'Hérodote comme un des premiers livres de sciences humaines, pour trois raisons :
- objet : l'homme dans ses différentes dimensions
- démarche : établir des faits à l'aune d'un jugement critique fondé sur la raison
Livre dépasse l'immédiateté : mais quelle différence entre livre et revue scientifique si l'on ne se place que dans la dimension et la tradition intellectuelle ?
DIstinction forte entre livre au sens fiscal et livre au sens intellectuel, qui peut revêtir des formes différentes, dont médias sociaux (ex. blog).
Le livre va-t-il disparaître ? Difficile de croire que cette tradition intellectuelle va disparaître alors qu'elle a déjà survécu à nombre de bouleversements matériels et technologiques.
Pas d'opposition frontale avec les médias sociaux, mais complémentarité : certains modes de diffusion de l'information sur le Web (blogs...) peuvent très bien être considérés comme des livres au sens intellectuel du terme. Inversement, certains livres au sens matériel du terme ne le sont peut-etre pas au sens intellectuel.
Expérimentations d'un groupe de chercheurs nommé
Open humanities press :
structure d'édition internationale de livres de sciences humaines en ligne et en libre accès. Certains livres ont une forme réellement nouvelle (par exemple les
living books
)
2. Revues
naissance des revues : 2e moitié 17e s
2 fonctions de communications scientifiques mêlées :
- "journal des savant" : conversation scientifique : échange de nouvelles, actualités et discussions
- "chambre d'enregistrement des découvertes scientifiques" : revue par les pairs
2.1 conversation scientifique
Fonction bien mieux prise en charge par le Web 2.0 que par les revues.
2.2 chambre d'enregistrement
Question de la certification des connaissances, de la validation des résultats de recherche, prise en charge par les revues à comité de lecture.
Question consubstantielle aux sciences modernes dans toutes les disciplines. En ce sens, une revue scientifique est un tribunal collectif qui juge à l'aune de la raison scientifique (voir Latour, "Nous n'avons jamais été modernes" - cf. recension
http://www.erudit.org/revue/as/1992/v16/n3/015244ar.pdf)
.
On peut remettre en cause ce pilier, mais alors on sortirait du modèle épistémologique actuel des sciences modernes. Et c'est de cela qu'il faudrait discuter plus que de transformations technologiques.
2 voies de transformation de cette certification des connaissances via les nouvelles technologies :
- l'
open data
: corpus de documents ou de données rendus disponibles en même temps que la publication qui les exploite.
- open peer reviewing
: formes de validation par les pairs qui sont publiques et transparentes, et pas dans des interactions privées. Certaines expérimentations ont été faites et ont donné lieu à des échecs.(cf. Nature)
Mettre à disposition les données : modèle peu adapté à certaines sciences humaines ?
Quid de l'évaluation institutionnelle qui pèse énormément sur les formes de publications scientifiques (cf. prb du web of science, des listes de référence et de tout ce qui tourne autour des citations) ?
Discutant : Alain Oriot, éditeur, directeur des Editions du Croquant
D'accord avec l'idée que le livre va peut-être changer de forme, mais restera comme forme d'entrée approfondie dans la pensée de quelqu'un. Mais il y aura forcément des transformations.
Se pose la question de comment faire évoluer le livre avec l'outil numérique. Expérimentation avec certains chercheurs autour d'un "livre oignon" (ou "livre pyramide")
Partie méthodologique en PDF, accessible en papier ou en numérique. Idée d'aller plus loin, d'avoir un livre où le propos de l'auteur tiendrait un qu
a
rt ou un tiers du livre, et où tout le reste (biblio, données, documents, etc.) serait accessible en numérique et "raccroché" au livre. Pourrait rendre le livre académique plus accessible en permettant un accès direct au propos central, ainsi que différents niveaux de lecture sur le même fichier.
Questions
Jean-Philippe Magué :
ce qui peut changer dans la substance du livre : les frontières du livre / la structure . question de la fixité du texte. du fait des possibilité techniques : frontières deviennent floues => un piste ou une voie de disparition d'une forme stable définite cadrée, qui devient autre choses, dans d'autres formes moins stables ?
Précision de Pierre Mercklé :
Moi aussi j’ai des exemples de nouvelles formes de livres, comme le blog de Baptiste Coulmont, qui débouche ensuite sur sa
Sociologie des prénoms
(La Découverte, 2011). Mais le livre n’a pas la même forme rhétorique, argumentative, qu’avant. Par exemple, il se feuilletonise, ce qui correspond à des formes qui ont déjà existé dans l'histoire du livre, mais plutôt en littérature qu'en sciences humaines. Qu'est-ce que ça change ? qu'est-ce qui reste du livre comme forme close, stable
Réponse de Pierre Mounier :
conflit de définition du livre. La fixité du texte est en partie illusoire. Idée de voir le livre comme un projet intellectuel, avec une forme moins fixe et définie d'un texte. LEs commentaires et discussions, dans cette défintion, peuvent faire partie du livre. De ce point de vue, on peut se demander si le blog est le livre ou s'il est le générateur de livre.
Georges Goyet (Cré Agir) :
Dans une posture de recherche-action, où acteurs et chercheurs de terrain sont en situation de co-production du sens. Quid de la généalogie du livre dans cette dynamique ?
Réponse de Pierre Mounier :
fasciné par Wikipedia. Wikipedia est un mode de gouvernance et aussi un livre (une encyclopédie). À la fois dispositif génératif et résultat. Le livre numérique est cette conjonction entre les deux, alors que les deux sont totalement distincts avec le livre papier traditionnel.
Michel Bozon :
idée que le peer reviewing serait difficilement dépassable, la transparence du peer reviewing serait sa fin. Aller plus loin dans l'invention de formes de "peer reviewing" ? On est obligé de fonctionner avec un certain niveau de cooptation, et d'arrêter la transparence à un moment.
Tout le monde ne peut pas se dire spécialiste, il faut une cooptation, c'est un des problèmes de Wikipedia. Le dernier mot est toujours à l'auteur.
Réponse de Pierre Mounier :
oui, c'est la même idée, le
peer reviewing
apparaît comme indépassable aujourd'hui.
10h45-11h30 : Comment les usages numériques transforment-ils les sciences sociales ?
Antonio Casilli, sociologue (Telecom ParisTech), auteur de
Les
Liaisons numériques
Twitter : @bodyspacesoc
banalisation des usages informatiques, mais la question est-elle vraiment une question d'outils ?
L'informatisation dans les sciences sociales a une histoire, on peut remonter très en arrière dans le temps : cartes perforées... Aujourd'hui, informatique relationnelle et communicante. C'est cet élément qui change la donne.
3 volets
- rapport aux objets et méthodes
- rapport à la demande sociale
1. Rapports aux objets et méthodes
new wine for old bottles ? Nouvelles méthodes pour vieux objets de recherche (et vice versa) : phénomènes de résistances. Nouvelles méthodes requierent l'acquisition de nouvelles compétences. et la prise en compte de questions d'éthiques (diffusion en ligne de données
Projet "Anamia" (
http://anamia.wikispaces.com)
sur les communautés en ligne de jeunes anorexiques et boulimiques : nécessité de travailler sur et avec le web : cartographie de la blogosphère, monter des réseaux sociaux pour récupérer des informations. Articulation avec des méthodes "hors-ligne" (entretiens face à face, etc.) : méthodes mixtes et multiplexes.
Nouveaux enjeux éthiques : confidentialité des données, tracabilité, gérer les attentes des comités de veille éthique, avec parfois des incompréhensions (amalgame réseau social = facebook = danger).
Éléments de réticences - de la part des SHS elles-mêmes - deviennent de plus en plus importants. On serait plus rassurés si le numérique ne concernait que des outils et des instruments. Mais les méthodes informatiques s'imposent aussi comme sorte de "sur-science" ou "sur-discipline" capable de reconfigurer la recherche :
ancilla or umbrella
?
2. Rapport aux savoirs
Risque ou opportunité : voir apparaître de nouvelles disciplines
question des digital humanities qui s'impose de plus en plus aujourd'hui. Mais il y a eu des expériences de puis...
La question de la reconfiguration des disciplines : n'est pas seulement liée à Internet ! Fonctionne sur le temps long : un mouvement amorcé avant et sous l'effet plus important de l'interdisciplinarité, multidisciplinarité, transdisciplinarité. Un mouvement de fond qui concerne aussi l'enseignement : pas seulement restreint à la recherche. Dans la recherche, on cherche à favoriser la collaboration pour limiter les luttes intestines entre départements. La logique de l'industrie : le résultat prime sur l'affirmation de frontières, définitions, disciplinaires. Mot d'ordre "anything goes" qui nous influence.
Il y a aussi des enjeux pratiques (pas seulement épistémologiques) : prendre en compte les dimensions matérielles de nos métiers et ses "praxis".
Dans certains cas l'informatique a un rôle purement instrumental, et du coup renforce les frontières au lieu de favoriser l'interdisciplinarité. L'informatique ne provoque automatiquement de l'interdisciplinarité, mais parfois l'inverse.
3. Rapport à la demande sociale
Inscrire la recherche tout de suite dans un débat. Revoir les rapports entre les acteurs institutionnels de la recherche : commanditaires, instances éthiques...
Le blog n'arrive pas à la fin d'une recherche ou d'un livre, il accompagne la recherche qui se fait.
Discutante : Mélodie Faury, doctorante en sciences de l’information et de la communication dans l’équipe C2So ("Communication, Culture et Société") du Centre Norbert Elias.
Influence aussi sur le rapport entre les chercheurs eux-mêmes.
Comment les usages numériques transforment-ils les normes et habitudes de communication entre chercheurs et entre chercheurs et société ?
Réponse d'Antonio Casilli :
thématique liée à l'hégémonie actuelle du modèle des médias sociaux. On veut en mettre un peu partout. Insistance sur l'informalité et la convivialité pour la communication entre chercheurs. La conflictualité fait partie de la recherche (controverse, luttes entre écoles...) et l'enrichissent : les médias sociaux "gomment" cet élément. Risque potentiel d'appauvrissement de l'échange intellectuel. Idée de créer un réseau social dans lequel on peut avoir des amis mais aussi des adversaires qu'on "dislike".
Questions
Michel Bozon :
le développement de l'informatique scientifique ne fait plus l'objet d'histoire alors qu'il a bouleversé les méthodes (bases de données, logiciels...). Ça n'a pas fait beaucoup de débat. Pourquoi l'informatique communicationnelle ferait plus débat ?
Réponse d'Antonio Casilli :
question des données dans les sciences sociales.
3 types de données :
On pourra difficilement se passer de l'informatique désormais vues les tailles des bases de données. L'informatique d'information ne disparaît pas.
Sophie Noëlle :
problème de faire de la sociologie en temps réel ? Se couper du recul nécessaire et de la distinction avec le journalisme ?
Réponse d'Antonio Casilli :
Temps réel/ temps long de la recherche : c
'est un faux clivage, les deux démarches peuvent progresser ensemble. La sociologie "temps réel" jou
e
le jeu de la recherche : terrain d'enquête, peer reviewing... Ça n'est pas du "temprs réel" mais une autre réalité du temps. Le temps réel peut renvoyer à une posture journalistique, au contraire, on cherche à créer les conditions pour pouvoir effectuer des recherches plus tard, notamment en collectant des données plus librement
- en imposant au sein du débat public des priorités de recherche afin de ne plus être à la traine des organismes publics ou des bailleurs de fonds privés qui répondent à des aménagements du discours public qui auparavant étaient établis en amont du travail du chercheur
. Temps réel ne signifie pas seulement "rapide"
, mais surtout "réactif"
.
Alain Battegay
: deux questions sur l'éthique :
1. il y a une variété d'instances éthiques entre les pays et les disciplines
2. lien entre outils numériques et images, où il y a des enjeux éthiques forts. Démarches qui vont vers le documentaire.
Réponse d'Antonio Casilli :
1. variété aussi dans les finalités de ces instances. Certaines
, tels les comités de veille éthique et déontologique des institutions,
sont administratives (valider des projets de recherche). D'autres se mettent en place dans des communautés de chercheurs, avec nécessité de respecter les spécificités des différents domaines de recherche : difficile de trouver un "code" consensuel
étant donné la variété des sujets et des exigences
. Question de la responsabilité juridique de l'activité des chercheurs. Par ailleurs, une démarche de validation éthique d'un projet de recherche coûte cher (ex : 6 mois et 40000 euros pour une autorisation CNIL) => question du "business" éthique
reste à poser
.
Peut-on simplement parler de réticence ? N'y a-t-il pas un cruel manque de compétences ? Au niveau de certains chercheurs -qui n'ont pas pris le temps (ou pas vu l'intérêt) de s'autoformer- comme au niveau des doctorants (dont la formation n'intégre pas suffisament ces aspects).
Est-ce qu'un des effets des transformations numériques, est-ce que ce n'est pas au fond ce brouillage des cartes, des genres et des frontières entre la recherche et son ingénierie (au moins dans les sciences sociales, en tout cas) ?
Dans le graphe présenté dans la dernière diapo, les SHS et les computer sciences occupent deux positions diamétralement opposées ?
Pourquoi une revue publierait-elle in fine une recherche qui serait déjà largement disponible sur un blog, un working paper accessibles en ligne ?... Très prosaïquement, ça peut revenir à vendre quelque chose qui est aussi disponible gratuitement.
11h30-11h45 : Pause11h45-12h30 : Qu’oublions-nous quand nous étudions la société en ligne ?
Tarleton Gillespie, sociologue (Cornell University, Etats-Unis), auteur de
Wired Shut: Copyright and the Shape of Digital Culture
la demande pour l'intervention : une perspective américaine...
une réponse méthodologique...
Avons-nous besoin de nouvelles techniques de recherche ... (?)
de nouveaux outils sont apparus pour étudier les nouveaux usages
aux US une demande pour des outils d'analyse informatique de big data
1. L'attrait des big data
Formées de "traces" numériques en très grande quantité, pour étudier des pratiques et dynamiques sociales. Souvent tirées de systèmes tels Facebook, Wikipedia, Amazon...
Analyses rendues possibles grâce à la multiplication de ces "traces" (informatique mobile, etc.) stockées dans des bdd massives pouvant être analysées grâce à des techniques statistiques et de modélisation.
Exemple : ngram viewer de google => permet de visualiser l'apparition d'un terme dans la littérature dans une dizaine de langues
- la puissance de millions de données
- recherche de "modèles" ou de relations invisibles jusque là
- à la mesure de l'immensité de l'objet de recherche : la bonne échelle
- massive issues ?)
- promesse d'objectivité
Est-ce approprié de faire un travail qualitatif sur un petit nombre de personnes à propos d'un service comme YouTube qui compte 700 millions d'utilisateurs ?
2. Les dangers des big data
Données produites: par d'autres, avec de nombreuses limitations.
collecte de données commerciale, l'intérêt commercial du fournisseur à mettre en question.
Ce qui marche pour les fournisseur : pas l'objectivité ou la représentativité, mais ce qui fait vendre
Produire des données de recherche : coûte cher. On utilise les données produites commercialement pour des raisons de cout. Or, toutes les informations de Twitter ne sont pas accessibles via leur API, par exemple. Par ailleurs, même produites commercialement, ces données coûtent cher : toutes les universités ne peuvent y accéder, seules les mieux dotées peuvent se les offrir.
Des données de cette taille nécessite un important nettoyage, l'association de métadonnées, la réorganisation des données avant analyse, etc.
Problèmes de confidentialité et de vie privée, pour les entreprises qui mettent les données à disposition mais aussi pour les chercheurs.
Ces données sont tellement massives qu'elles ne peuvent être vues qu'à travers des algorithmes. Et ceux-ci ne sont pas neutres.
Il y a des choix d'organisations dans le paramétrage, la conception de l'outil. des outils d'analyse produits par les fourniseurs eux memes (twitter trends par ex.) : possibilités ou idée de censure : les pondérations de l'algorithme doivent etre comprises pour ne passe faire de fausses interprétations sur ses effets (idée de censure quand ce serait seulement un aspect volontairement sous-pondéré par l'outil)
Les outils sont souvent fournis par d'autres, souvent par les entreprises fournisseuses de données elles-même (Google trends, etc.).
Exemple de
Twitter trends :
hashtags et mots les plus actifs selon les lieux. Controverse récente aux USA sur le fait que Twitter censurerait les données liées au mouvement
Occupy Wall Street
. Idem pour
Wikileaks
.
Ces données pourraient donc être "manipulées" par les fournisseurs. Twitter a expliqué que les "trends" n'étaient pas un comptage pur : ils prennent en compte la "vélocité", le fait que le terme soit nouveau, etc.
Voir ce billet de Tarleton Gillespie sur Twitter Trends :
Risque avec des données massives : trouver des modèles ou des relations qui n'existent pas, simplement liées à la taille de ces données et à leur nature "connectée".
confusion entre la "trace" et "l'activité". Ex : "ami" sur Facebook ne correspond pas à l'activité sociale "amitié".
confusion facilité par l'absence de l'activité réelle : on n'analyse que la trace. Et il y a des activités traçables et des activités non traçables
Les données peuvent montrer des choses qu'on n'arrive pas à percevoir directement par nous-mêmes. Et inversement. Comment prouver qu'un résultat contre-intuitif est réellement fondé, et pas un pur artefact lié à la méthode ?
Ces techniques laissent de côté les activités réelles, leur contexte et le sens donné à ces activités.
Les études sur les big data passent à côté de ces contextes, inévitablement.
Il y aussi ceux qui sont sur le réseau mais souhaitent rester invisibles : pirates, dissidents, "gold farmers" de certains jeux vidéos...
Question de la très inégale répartition géographique mondiale de ces données.
3. Impératifs sociologiques à l'heure des données en réseau
Nécessité d'un sens critique et d'un scepticisme.
L'adoption de nouveaux outils peut être tout simplement naïve
pas seulement les plus visibles, mais aussi tous les autres
pas seulement les plus typiques, mais aussi les "outilers"
pas se
u
lement les traces mais leur sens
pas seulement les patterns, mais les structures qui les ont produites
Discutant : Samuel Coavoux, doctorant en sociologie au Centre Max Weber.
De quand date en réalité ce problème de 'big data' ?
les big data sont-elles une évolution ou une révolution ?
quelles causes internes aux disciplines et quelles régulations collectives contre les problèmes liés aux big data ?
Questions
(à compléter)
14h00-14h45 : Production du savoir en sciences sociales : hors de l’intelligence collective, point de salut ?
Adrienne Alix, directrice des programmes de Wikimedia France
Présentation de l’envers du décor, du côté des contributeurs.
Wikimedia France = association française de soutien à Wikipedia. Environ 300 contributeurs regroupés dans cette association de promotion. Adrienne Alix en est aujourd'hui salariée, après en avoir été bénévole pendant très longtemps ?
Caractéristiques :
- Une encyclopédie ouverte à tous, sur la base de la compétence
- Diffusée sous licence libre, pour être librement modifiable et utilisable
- Multilingue
2001 : création de Wikipédia en anglais
2011 : 281 (!) éditions autonomes dont 39 ont plus de 100.000 articles
Wikipédia en français : plus de 1 172 000 articles
5 principes fondateurs :
Wikipédia est une encyclopédie
" " recherche la neutralité de point de vue (ce qui pose problème pour des sujets sensibles comme les attentats du 11 septembre)
" " est publiée sous licence libre
" " suit des règles de savoir-vivre
" " n'a pas d'autres règles fixes
Dans la rédaction des articles sur Wikipédia : il s'agit pas de présenter un « point de vue », mais « l'etat de l'art ».
Qui sont les contributeurs ?
- 14% de contributions par des anonymes, contribuent sous leur adresse IP
- 59% de contributions par des personnes avec un compte utilisateur
- arbitres et "patrouilleurs"
- 26% bots (18 millions de contributions par 409 robots autorisés à faire des modifications)
: corrections orthographiques, liens entre les langues, surveillance des contenus (insultes, mots ou contenus inappropriés).
15000 contributeurs actifs en France : définis par un nombre d'au moins 10 contributions mensuelles.
(avec 1 million de comptes d'utilsateurs français)
. Et un noyau dur de 1000 personnes, qui fournissent à eux seuls une partie importante des contributions.
« On se donne des sobriquets dans la communauté »
:
- des jardiniers qui nettoient les contenus
- des patrouilleurs, des "wikignomes", des "wiki fourmis".
« On ne vote jamais un contenu, on le négocie »
Derrière les 2,5 millions de pages de l'encyclopédie, il y a un back office de 30.000 pages qui sont le "mode d'emploi" de Wikipedia à l'usage des contributeurs.
« J'ai besoin de modifier les écrits des autres, donc je dois pouvoir le faire » => voilà ce qui a présidé au choix des licences libres à l'origine sur Wikipedia. Choix pragmatique, et non pas éthique.
Un oracle sur wikipédia : untel pose une question, tous vont tenter de résoudre la question. « Un fourmillement intellectuel fou »
Discutant : Jean-Philippe Magué, maître de conférences en humanités numériques à l’ENS de Lyon.
« Pour commencer, quelque chose me pose problème quand on parle d'encyclopédie collaborative » :
Par définition, t
outes les encyclopédies sont collaboratives. Ce qui distingue wikipedia des encyclopédies classiques est l'intention qui vient du "bas" et pas seulement du "haut".
Réponse d'Adrienne Alix :
... « on n'a pas
à
créer le s
avoir
, mais à présenter le savoir »
Est-ce que le dispositif technique est mature, ou faut-il s'attendre à des évolution majeures sur wikipédia ? »
Réponse : actuellement wikipedia est déjà un objet énorme. Dès qu'on bouge quelque chose, c'est très compliqué. Mais le débat est pas technique mais philosophique.
Vous les chercheurs vous vous intéressez à la présentation de contenu, J'entends souvent cette demande de la part de la communauté des chercheurs.. Mais wikipedia n'est pas un objet pour les chercheurs, mais simplement d'apporter un maximum de choses à un maximum de gens.
Questions
Un changement historique depuis le printemps arabe dans les pratiques
des wikipédiens
. Tendance pour Wikipedia a devenir un outil de flux
, plus proche du journalisme que de l'encyclopédie
.
Réponse : un travail de recul sur les mécanismes des controverses qui n'est pas à la charge des contributeurs. A Wikimedia, on a pas les moyens d'influer sur la politique éditoriale, mais on la possibilité d'accompagner et donc de chercher à comprendre. Impression des wikipédiens d'être dans un bocal, et vivent assez mal d'être un objet d'étude d'une multitude de thèses et travaux de recherches. « Une communuauté réticente à ce genre de choses... »
Portrait robot du contributeur : homme de 30-35ans, haut niveau scientifique. Peu de femmes (8%), peu de personnes agées. « Un portrait classique de geek instruit ».
Dans la salle : ce n'est peut-être pas un hasard si les contributions sont anonymes.
A. Alix : « il ne veulent pas être jugés sur qui ils sont, mais sur qu'ils font. »
A. Alix : le manque de femme pose un problème. Un contenu extrêmement déséquilibré : manque de contenu sur les thématiques féminines (électroménager, littérature féminine au contraire des pages sur lautomobile ou le football). => « Certains champs de la connaiassance ne sont pas remplis »
A. Alix : certains de gros contributeu
r
s très respectés sont complétement déclassés socialement. Eux typiquement n'accepteront jamais d'être étudiés « comme des insectes. J'en suis certain
e
».
... fin du débat interrompue, pour manque de temps...
Pierre Mercklé : Est-ce qu'on peut imaginer que le modèle génératif de Wikipedia puisse être appliqué à la production du savoir, et pas seulement à sa diffusion/divulgation/vulgarisation : une recherche qui se fait collectivement, anonymement, et mélangeant "professionnels" et "amateurs", voire enquêteurs et enquêtés ?
14h45-15h30 : Demain, la fin de la propriété intellectuelle des savoirs ?
Propriété intellectuelle = un ensemble de monopoles temporaires légaux ayant vocation à donner à des individus des monopoles sur des idées (reproduction du cadre légal dédié aux objets physiques à l'immatériel). Le brevet est aussi un monopole temporaire.
Open innovation, open knowledge : considérer qu'on fait mieux avec les autres que seul
Telle qu'elle est conçue, la propriété intellectuelle est une situation conflictuelle.
Mais il est impossible de se passer de la propriété intellectuelle, elle est, de fait, automatique.
Le système de la propriété intellectuelle tel qu'il a été conçu au XVIIIe siècle (contrat entre individu et société) tend aujourd'hui à se déséquilibrer, à se délégitimer.
Explosion des lois relatives à la propriété intellectuelle : on crée des lois pour chaque problème
OMPI, OMC... plusieurs instances internationales travaillent sur la question.
L'auteur, la création sont des notions ayant bien entendu évolué depuis le XVIIIe : la création plurale, par exemple, était un cas marginal. Les produits eux-mêmes sont également bien plus complexes (ex. des milliers de brevets pour un téléphone).
L'arrivée du numérique transforme les usages en profondeur (ex. les supports de la création), le numérique lui-même aboutissant à une gratuité.
A noter : ayant confié la gestion de ses droits à la SACEM, un sociétaire de la SACEM ne peut pas mettre ses oeuvres sous licence Creative Commons.
Discutant : Louis Maurin,
c
onsultant (société Compas), directeur du Centre d'observation de la société, auteur de Déchiffrer la société française (La découverte, 2009).
Q1 : La propriété intellectuelle protège t'elle vraiment les auteurs ?
Réponse : ça dépend pour qui.
Q2 :La propriété intellectuelle sert-elle l'intérêt général ?
Questions
Un ayant droit peut-il "reprivatiser" des oeuvres qu'un auteur aurait publié sous licence libre ?
Comment 1 auteur peut-il diffuser ses textes quand il en cède les droits à la revue qui les valide et les diffuse en premier ?
15h45-16h30 : Demain, quelles sciences sociales ?
Milad Doueihi, historien (Université Laval, Québec), auteur de La
grande conversion numérique
Décalages entre la propriété intellectuelle et la réalité pratique. Dans le cas de la musique comme du travail académique... Difficultés de l'institution à composer avec le numérique.
Mutations dans l'écosystème du travail universitaire. Exemples : rapport à la bibliothèques, aux collégues.
Il faut résister aux modèles des disciplines scientifiques, imposés pour leur
"prétendue efficacité"
("science envy")
.
Le monde académique
est dans un
e
industri
e
de de la réputation...
Nouvelle forme : la réputation en ligne.
Cette présence sur le réseau est souvent considérée comme perturbante.
En sciences sociales, on ne peut que importer ces outils du numériques, mais il faut aussi participer à leur élaboration.
« Comment concevoir les objets, les documents, les relations, au dela des contraintes implicites de la plateforme aujourd'hui ? » Concerne la façon dont ces plateformes sont concues. Comment tous les gestes éditoriaux incorporent ces habitudes ?
Deux modèles pour faire jouer le numérique dans sa dimension participative :
- Numériser le fonctionnement actuel de l'institution, et la modifier ainsi.
- Pratiques de libre circulation, dans le respect des méthodes scientifiques (plus visible)
En SHS, malheureusement, la recherche est surtout individuelle. Contradiction entre la culture de la distinction et l'énergie qui nous pousse vers l'échange, le bien commun, le partage.
Cf. Bourdieu
(
Homo Academicus
)
, au sujet de la réputation et du pouvoir mis en place.
Fragilisé par les pratiques et usages du numérique, il existe aussi des idéaux qui sont interne à ce travail du numérique, qui parfois en contradiction avec le cadre instituitonnel qui tente de gérer notre travail »
Conclusion : le numérique a ouve
r
t des spa
t
ialité
s
à notre travail : de nouveaux lieux ont été ouvert
s
pour la recherche. Là l'insitution est - non pas réactionnaire - mais résiste.
(C'est super intéressant cette co-écriture en live...)
Discutant : Jean-Michel Salaün, professeur en sciences de l’information et de la communication à l’ENS de Lyon.
Question de Salaun : Est-ce que ce sont les insitutions ou la constuction de la sicence qui n'est plus en phase avec le numérique ? Ou avons nous un nouveau modèle de savoir ici ?
Exemples :
- Pierre Mounier, les livres et l'humanisme d'une part, les revues et le modèle de la "nouvelle science" d'autre part. Ce qui résiste, c'est le problème de la revue.
- A. Casilli : une diapo qui montrait l'ensemble des disciplines, et manque de pot, les humanités sont tellement exotiques qu'elles
occupaient la limite extrême de la carte (coupée lors de l'affichage)
. En tout cas, bcp de chemin à faire encore...
- T. Gillespie : citation de Chris Anderson sur le web comme laboratoire de la condition humaine (en substance). Mais (Gillespie), on n'y voit que ce que les outils
(Google, Twitter, Facebook, Wikipedia)
veulent nous montrer. Or, ils sont construits dans l'intérêt des sociétés qui les produisent. Travail considérable, pour les SHS, de redressement de ces données.
- A. Alix : option positiviste de wikipedia, mais fonctionnement constructiviste, tellement que l'on ne peut pas observer sa construction, qu'on ne peut la déranger...
Un paradoxe assez fort : un nouvel humanisme ?
Est-ce un nouveau rapport de savoir ? Et ce nouveau rapport de savoir ne serait-il pas contractidoire avec la manière dont on fait de la science au XXè siècle ?
M. Dou
eih
i
Qui produit? La science ou l'institution? Les deux... Il est très difficile de produire de la science hors de l'institution, en tous cas dans le monde occidental. Ce qui rend la question d'autant plus complexe.
Big science devenue la norme.
Quand on a tendance a avoir accès à un grd corpus de données en SHS... et ? Question de la survivance des droits sur la propriété intellectuelle du 18ème jusqu'a aujourd'hui. Une dimension contraire qui émerge avec le numérique.
Il me semble un grand risque de cette
illusion de
mesurabilité et tracabilité dans le monde académique aujourd'
h
ui. Commet penser cette compléxification de la mesurabilité ?
Questions
Eric Guillot :
Au sujet de mesurabilité, est
ce que tu fais un lien entre mesurabilité et
mercantilisation
du savoir ?
M. Doueihi Eric Brian,
La mesure de l'état
= comment la mesure scientifique a modifié l'état lui-même, les comportements.
Un des gros problèmes de la mesure c'est l'exclusion qu'elle occasionne dans les recherches non standards (ex : les recherches transdisciplinaires).
Le processus et le produit de la recherche. Fait penser à l'art contemporain, où le processus est devenu art.
Le numérique induit un travail de mathématisation des données du vivant => il est de plus en plus complexe de faire face à cet empilement de codes.
Comment en tant que citoyen résister à ce pouvoir des médias de normalisation ?
M. Doueihi : Importance de se confronter au code en tant que citoyen pour résister.
P. Mercklé : doute du fait que la puissance des médias se trouve dans l'usage abusif de la manipulation des données. Parce que ce sont des outils qui peuvent être tordus et réutilisés par les citoyens (ex : du micro-trottoir, méthode quasi-ethnographique)
A. Casilli : quelle visualisation des données ? une prolifération et une complexification des ces visualisations
, une esthétisation même. Ambiguité de fond : bases de données plus grandes, visualisations plus complexes, proposition de saisir les données à travers l'expérience esthétique, mais en cachant toujours le processus de fabrication.
Voir travaux de Sara Diamond.
Un problème qui n'est pas tant médiatique mais dans l'accès aux données. Le risque sont par exemple tendance nouvelles de data-journalisme.
16h30-17h00 : Discussion générale
Conclusion de Mercklé : on n'a pas sombré ni dans la technophobie ni dans la technophilie.