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Hélène Buisson-Fenet, L'administration de l'Education nationale

Romain Meltz
L'administration de l'Education nationale
Hélène Buisson-Fenet, L'administration de l'Education nationale, PUF, coll. « Que sais-je ? », 2008, 127 p., EAN : 9782130561149.
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Texte intégral

1Que sait-on de l'éducation en France - dans son sens le plus large - lorsque l'on interroge l'administration de l'éducation nationale ? Si l'on accepte la perspective tracée par Hélène Buisson-Fenet dans ce Que sais je ? technique, parfois un peu compact, mais toujours précis et aiguisé, l'effort de modernisation de la gestion de l'éducation nationale est le maître mot de ces dernières années. Cette logique de la modernisation a emprunté plusieurs visages qui sans être forcément originaux pour qui s'intéresse à l'administration en générale semblent avoir pris un tour particulièrement net dans le cas de l'éducation nationale.

2L'impératif d'une gestion moins rigide, impersonnelle et bureaucratique (même dans un sens non péjoratif et weberien) mais au contraire plus soucieuse d'efficacité, de souplesse et d'adéquation avec des demandes multiples du public ne date certainement pas de l' arrivée de la LOLF. La politique de décentralisation des années 80 est par exemple bien antérieure et a évidemment concerné l'éducation nationale. En ce domaine ce n'est d'ailleurs pas de volonté politique qu'on a manqué - même si la dimension politiques publiques n'apparaissent dans le Que sais je que de manière incidente - mais le portrait final dressé par Hélène Buisson-Fenet n'en révèle pas moins un certain nombre d'objectifs demeurés hors de portée. La volonté de permettre que l'administratif serve réellement des objectifs pédagogiques en fait parti. Mais avant d'en arriver à ce stade, étudions quelques uns des axes que le travail de Buisson-Fenet permet d'envisager.

3Une administration qui modernise ses processus mais pas jusqu'au bout. Curieusement, nous dit l'auteur; il n'existe pas de compte rendu récapitulatif permettant de juger de l'efficacité de la décentralisation sur le monde éducatif. Il est vrai que par décentralisation on peut entendre des choses bien différentes. La décentralisation fonctionnelles telle que l'entend la littérature anglo saxonne désigne notre processus de déconcentration, au cours duquel une autorité centrale établit des filiales pour prolonger son action; la décentralisation territoriale définit un transfert de responsabilité à des entités d'intérêt public; la dévolution reconnaît des niveaux sub-nationaux comme entités juridiques indépendantes et lui accorde une autonomie de gestion.

4La décentralisation a déjà une histoire, fut elle courte, et le secteur éducatif offre la possibilité d'en faire un compte rendu intéressant. Les lois de décentralisation de 1982 dessaisissent les préfets de leur pouvoir exécutif au profit des collectivités territoriales nouvellement dotées : les collectivités territoriales deviennent les partenaires des services déconcentrés des services académiques pour - par exemple - les plans prévisionnels d'investissements des lycées et collèges. Une première période (après les lois de 82-85) montre l'affrontement des logiques entre les nouveaux élus des collectivités territoriales et une nouvelle génération de fonctionnaires centraux inspirés par des modèles gestionnaires modernisés. Le résultat observé au cours de cette première période est l'abandon de projets éducatifs nouveaux au profit d'une gestion des moyens.

5Second temps, les années 90 voit se dessiner de fortes différences entre des Régions qui se contentent de gérer les nouvelles fonctions qui leur sont dévolues et celles, minoritaires, qui s'entendent comme de véritables «entrepreneuses politiques» s'emparant de nouveaux segments de la politique éducative - même si cela peut signifier l'abandon complet d'autre secteurs (cas du Languedoc Roussillon et de son engagement à travers des Plans dans le soutien à l'apprentissage et renoncement à des missions ailleurs assumées du soutien des jeunes en difficultés sociales et scolaires (p.77). Domine donc au total le constat que «l'engagement des collectivités territoriales dans le champ éducatif reste très inégal» (p.31) et donc que dans la plupart des cas on en est resté assez loin de pourtant envisageable politique éducatives locales théoriquement facilitées par les lois de 2004 (délégation de gestion de personnels techniques et d'entretien des établissements; travail sur la carte scolaire des collèges, l'information sur les métiers)

6Une administration qui modernise ses processus mais pas jusqu'au bout. Par rapport à une gestion des missions par le recours à une procédure administrative parangon de la rationalité instrumentale chère à Weber, l'administration de l'éducation au même titre que tous les administration publiques entend moderniser ses processus. Cela passe notamment (p.76) par le recours à un modèle de régulation managériale devant analyser les problèmes et rechercher les meilleures solutions dans le cadre d'objectifs définis. De ce point de vue le vote en 2005 de la LOLF va dans le sens d'un axe antérieur sensé promouvoir une culture de la performance.

7Les efforts faits pour ne pas en rester au stade du guichet dans la gestion des publics concernés sont donc nombreux. Hélène Buisson-Fenet revient par exemple longuement sur l'évolution du rôle et statut du chef d'établissement, qui passe d'une figure de pédagogue à une posture plus clairement managériale où la mobilisation des équipes devient centrale. La transformation du statut des lycées et collèges en EPLE par exemple traduit une logique d'autonomie reliée à une posture de dévolution sensée permettre une réponse plus adaptée à des logiques territoriales spécifiques. Pour autant, cette évolution demeure inachevée. Le proviseur n'est pas un chef de service (p.53) « il ne choisit ni ne recrute ni n'évalue souverainement son personnel » et l'EPLE n'est pas un opérateur au sens de la Lolf. Citant un rapport de la Cour des Comptes de 2003 l'auteur rappelle que les chefs d'établissement ne parviennent à une souplesse maximale de 5% de leur dotation horaire globale. Il découle alors naturellement de l'état d'inachèvement de la modernisation d'une administration submergée une incapacité à faire effet sur l'enseignement. A tous les niveaux où l'auteur porte l'analyse, on peut donc lire la solution de continuité instaurée entre la gestion administrative de l'éducation et la dimension pédagogique de l'enseignement. Quelques années après la création des IPR, dès les années 70, la notion d'inspection disciplinaire sensée s'assurer de la conformité de l'enseignement au programme est battue en brèche.

8Le petit livre de Buisson Fenet fourmille de remarques qui mène à celle, conclusive : « la déconcentration (...) l'autonomie des établissements publics locaux d 'éducation (...)l'injonction au partenariat (...) n'ont pas suffit à surmonter jusqu'ici le clivage entre administration scolaire et pédagogie » (p.113). A tous les niveaux de l'administration scolaire la dichotomie se maintien. A deux reprises ; l'auteur fait l'hypothèse que le mouvement de décentralisation fonctionnelle qui a amené à étoffer les missions des rectorats a aussi eu pour but de permettre au ministère de se dégager de la lourdeur de la gestion des effectifs au profit de la possibilité renouvelée de programmations stratégique. Mais il est également fait référence aux décrets de 2005 « volonté de relancer une autonomie prescrite ». (p.47) Mais en définitive : « On voit mal comment les tentatives d'enrôlement dans de nouvelles manière d'être au métier pourraient franchir la porte de la salle de classe si les prescription de mobilisation dans l'autonomie sont en trop grand décalage avec les éthiques des agents; si elles ne donnent pas lieu à une véritable reconnaissance institutionnelle forte ».

9L'administration de l'éducation nationale porte les traces des mouvements qui agitent la société en générale. Par exemple, l'auteur traite en filigrane des effets que la vague libérale des années 85 et suivantes eu sur l'offre d'éducation. Mais Hélène Buisson-Fenet montre également comment les logiques propres à cette administration sont puissante non seulement face aux mouvements qui parcourent la société mais aussi face aux volontés politiques.

10Les quelques pages où l'auteur traite du « cas français » décrivant dans un rapide historique les étapes de la mise en place de la gestion du gigantisme au regard de ce qu'il aurait pu ne pas être, sont des plus passionnantes. La construction de l'autonomie face au pouvoir politique (dont les premières pierres sont posées en 1808 et la magistrature morale reconnue à l'Université par Napoléon) est décrite à travers la puissance d'un corps enseignants parvenant à déborder la gestion du statut pour peser sur les orientations des politiques éducatives mais aussi par le fait d'une complexité croissante d'une organisation pyramidale et nationale qui organise comme de fait exprès la complexité des procédures qui la rythme (dont l'exemple le plus fameux demeure le baccalauréat). Ce qui donne la possibilité aux deux corps d'inspection par ailleurs peu recruteurs d'énarques de développer une expertise difficilement contournable et porteuse d'indépendance à l'égard de toutes les influences. En ce sens gigantisme et expertise assurant une sorte d'amortisseur face aux réformes que pourrait être tenté de porter le politique. Au total, l'éducation nationale et son administration donnent l'impression d'un vaste chantier en cours, probablement sans espoir de stabilisation, dont l'objet final demeure pourtant en grande partie insuffisamment pris en compte du fait notamment du manque de lien entre pédagogie et administratif.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Romain Meltz, « Hélène Buisson-Fenet, L'administration de l'Education nationale », Lectures [En ligne], Les comptes rendus, mis en ligne le 24 mars 2009, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/lectures/738 ; DOI : https://doi.org/10.4000/lectures.738

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